Le français du Quebec

Petit lexique

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  Petit lexique

Au Québec, le Français qui débarque découvre que son accent est repéré dès les premières syllabes. Très vite, il apprend à savourer les expressions québécoises, leur timbre moelleux et rond. Je ne prétends pas parler comme nos amis québécois. Le petit texte ci-dessous vous livre un condensé des expressions que j'ai aimées. Je vous avouerais qu'il faudrait que nous pensions à mélanger nos francophonies, car il manque dans le vocabulaire de l'Hexagone des mots et des expressions qui sont imagés, souvent si efficaces et clairs, qu'ils nous manquent farouchement!

Quand ça "clique" entre nous (bonnes affinités), on se fait une "petite jasette" et là... là! C'est "tiguidou" (génial, super)!

Lorsqu'on se lève de bon matin et que le soleil brille, "on est aux petits oiseaux".
S'il fait "frette en maudit" (très froid) , on met sa tuque (bonnet) et ses culottes à grandes manches" (pantalons) pour aller déjeuner (petit-déjeuner) des rôties (tranches de pain grillées) sur la galerie (la terrasse). Si à table, votre hôte vous sert des pépites d'érable, là c'est cochon! Et s'il y a, en plus, du beurre d'érable, là ça très cochon! (trop bon!)

Le ciel menace, mais "y a pas de trouble" (problème), on "met son chapelet sur la corde à linge" pour éloigner la pluie et faire que le soleil soit de la partie toute la journée. Je pourrai alors mettre mon "chandail" (tee-shirt) pour aller me promener dans la minoune (vieille voiture) de mon chum (copain). Mais elle n'arrive pas au coin de la rue, elle est "brisée"... Mon chum est en beau fusil! (en colère) Et je l'entends "crisser" (jurer). Nous revenons vers la maison à pied. Mais, que nous sommes donc "niaiseux"!

Nous avons oublié les clés dans la minoune et la porte est barrée (fermée).

Pas besoin de se chicaner (disputer), nous irons manger sul'pouce, une poutine et une stime all dressed... et après nous irons au bar laitier (marchand de glace) qui se trouve à côté du dépanneur (épicerie à heures d'ouverture prolongées).

Niaiseux : maladroit, peu dégourdi, idiot.
Poutine : Frites garnies de fromage en grains et d’une sauce brune.
Stime all dressed : un chien chaud à la vapeur avec tous les condiments.
Pour ces deux derniers, ce ne sont pas les spécialités culinaires du Québec. Rassurez-vous, ce ne sont que des nourritures rapides, pas tellement appréciées par nos amis québécois. Car, je vous le dis, au Québec on sait manger!

Avant de poursuivre la leçon, il vous faut retenir quatre expressions qui teintent le langage de cette touche inimitable :
« ça n'a pas de bon sens »
« ça n'a pas d'allure »
« c'est de valeur »
« ça prend »

Les deux premières tombent sous le sens, et sont si justes qu'elles devraient rapidement devenir en vogue dans tous les pays francophones! Ça n'a pas d'allure que de rester avec nos vieilles expressions qui ont beaucoup moins de sens!

« C'est de valeur » veut tout simplement dire c'est dommage !
« C'est de valeur, il pleut... Ça n'a pas de bon sens ce climat !»

« Ça prend » équivaut à notre « il faudrait », mais beaucoup moins précautionneux. "Ça prend un bon marteau pour réparer un ordinateur niaiseux ! »

Le niaiseux, la niaiseuse sont des maladroits, des empêcheurs de tourner en rond.
Tout peut être niaiseux : votre voisin, votre belle-mère (mais ça faut pas le lui dire...), une voiture, une vis... en bref tout ce qui vous porte sur le gros nerf !
« Une maudite vis qui foire est niaiseuse ».
« Un voisin qui vous magane les oreilles avec sa maudite musique est tellement niaiseux qu'il en devient tannant et que vous êtes pas loin de capoter".

Oups, là nous allons un peu vite!

Maganer
Terme amérindien. La magane était une lanière de cuir, qui passait sur le front des Indiennes et qui leur permettait de maintenir un sac sur le dos pour transporter leur bébé. Je suppose que ce poids constamment porté devait leur maganer le dos. Depuis, tout peut se maganer: les oreilles, le dos, les jambes, la voix, une machine, une porte... et
« on maganera sa voiture sur une route niaiseuse »

Achaler quelqu'un, c'est l'ennuyer. Celui qui achale trop devient tannant !

Tanné, tannant...
« Chus tanné » : je suis fatigué.
« Chus tanné de le voir ». Synonyme : « il me court sur le gros nerf »
« Toi, là que tu es donc tannant avec tes chants grégoriens... Tu penses que tu chantes juste et ça fait comme si tu t'étais pogné le doigt dans une poulie »

Pogner...
Là, c'est un gros morceau à prendre!
« Se faire pogner par le fisc », ça fait en général très mal !
« Il s'est fait pogné par une maudite fille... " Là aussi ça peut faire très mal !

Maudit et en maudit... sont des expressions très utilisées.
« En maudit » qualifie autant le positif que le négatif. C'est une sorte de superlatif. Il amplifie, souligne... donne de l'intensité à vos dires, en bref, c'est un mot incontournable pour mettre du relief dans vos conversations !
« Il fait froid en maudit ! ».
Vous serez tombé sur un « maudit niaiseux » qui vous aura fait perdre tout votre temps, tandis que votre maudite voiture n'aura pas voulu démarrer. « Avec ça, là »... vous passerez vraiment une maudite journée !
Le lendemain, tout vous sourira, car votre neveu qui écrit bien en maudit vous adressera une maudite belle lettre, que vous lirez au coin du feu, et ça, c'est bon en maudit !

Vous remarquerez la présence du « là » ! Notre amie Nycole nous avait prévenus. Avant que nous ne venions, elle nous disait : « Tu verras, les Québécois, ça chante tout le temps. Nous ajoutons des « là » partout... » Je vous assure que le pli se prend rapidement. Cela fait plus d'un mois que je suis rentrée du Québec et je fleuris encore toujours mes phrases de lalalala.
« Tu vois, là. C'est beau en maudit là ! Et toi, là, ne m'achale donc pas sur ma façon de parler !»

Achaler
C'est ennuyer, agacer.
« Ne viens pas achaler ta mère avec tes maudites nouvelles, tu vas la faire capoter ! »

Capoter
C'est vraiment la dernière extrémité avant la folie furieuse ! On peut capoter en apprenant une nouvelle renversante ! Mais aussi on peut capoter pour une nouvelle passion, c'est-à-dire s'enticher de quelque chose. Et redevenir tannant pour les autres. Si votre voisin a capoté pour les motos, c'est qu'il est tombé en amour pour un gros cylindres et il devient donc tannant quand il passe avec toute sa gang (dites gagne !) dans la rue.

La gang, c'est le groupe, la bande de copains. On invite une gang d'amis à dîner.

Attention, le matin on déjeune, le midi on dîne et le soir on soupe. Et jamais rien n'est écoeurant !

Voici un terme qui peut prêter à confusion. C'est écoeurant, peut aussi bien qualifier quelque chose d'extrêmement bien que d'extrêmement mal. Il vaut mieux fuir quand on dit de quelqu'un qu'il est écoeurant comme il est tannant !
Mais, elle vit un conte de fées quand sa rencontre se passe comme dans « les vues »... et là "c'est écoeurant comme c'est beau ! »

« Les vues » sont les films. Si vous entendez votre ami s'exclamer : « C'est comme dans les vues !» C'est qu'il vit un moment inoubliable, comme dans un beau film.

J'ai donc vécu le Québec comme dans les vues !

Et puis... si vous en désirez encore... suivez ce conseil sage : "Prends pas de chance!"

Avant de vous lancer à corps perdu par dessus le pont, "ne prenez pas de chance" et vérifiez que l'élastique qui vous retiendra sera bien accroché... au pont! Ça vous aura quand même coûté 100 piastres (dollars) pour sauter. Pendant la haute saison, les touristes se font enfirouapés (avoir) par les vendeurs de rêve. Vous vous consolerez au bar avec une broue (bière). A moins que l'estomac bien accroché vous ayez le goût de manger su’l pouce ou du manger du jun'k et de prendre une liqueur (!soda!).

Vous verrez passer un ami avec sa blonde. Lui, il a gossé sur internet toute la sainte journée. Elle bourrasse (chiale) depuis des heures, pour qu'il arrête de perdre son temps et de regarder de tout sur Internet... Car là! Son chum, il ambitionne! (exagère) Maintenant, c'est plus le temps de se promener, y mouille à boire deboutte! En fait, il pleut des clous... Il pleut à siaux! C'est plus le temps de se balader en costume de bain.

Ils se réfugient dans un dépanneur. Elle y achète des gommes. Y a rien d'autre à faire, sinon que de chiquer la guenille!(bougonner) Son dimanche est complètement raté. Le lendemain, elle ira dans toutes les vêteries de la ville, et là, elle se vengera de son chum en achetant des habits en masse. Elle videra la carte de crédit... de quoi établir un magasin dans sa penderie! C'est déjà mieux que de lui faire payer en sautant la clôture... (tromper)

Un conseil... Ne prenez pas de chance! Dimanche prochain, au lieu de vous laisser déborder par un programme de broche à foin, (nul) organisez-vous une sortie entre filles...

Et puis voici en cadeau quelques expressions offertes par Hélène :

France: On dirait bien que le Québec est en train de vous avoir !
Québec: On dirait ben que le Québec est train de t'pogner raide !

Quand quelqu'un est trop excité ou trop actif on lui dit :'' Prend vent".
C'est une belle expression maritime qui dit d'ouvrir les voiles et de se laisser voguer. Donner du leste, prendre le vent.

Ne mets pas ta tuque trop loin...faut pas qu'a mite (qu'elle soit rongé par les bêtes !) !

Je ne voudrais pas que tu te couches ''nounoune'' !! (nunuche)

Nous ici pour dire qu'il a la pêche on dit: ''Qu'il est encore vert '' ou ''Qu'il a du cataraqui''.

"Pour ma fin de semaine, ce n’était pas les chars’’ (ce n’était pas super !)
Je pense que ce soir j’vais prendre ça mou (je vais relaxer) !

À part de ça, le retour au travail est pas si pire...
Je te jure que je suis sortie de là STONE, ben raide !

Attention... quand vous souhaiterez un bon anniversaire à vos amis du Québec... Dites-leur "Bonne fête"...

Les cuisines d'été d'Hélène:
"Nous au Québec on a l'histoire de pièce à l'ouest, prévu pour cuisiner sur les poêles à bois sans

réchauffer la maison durant la belle saison. C'est la que nos grand-mères faisaient les conserves, les

confitures...Une pièce chargée de souvenir et de bonnes odeurs. Cette pièce était toujours pleine de monde, des rires, des chaises berçantes, tes tabourets pour être au premières loges à lécher les chaudrons.
Je ne garantis pas le poêle à bois mais je garantie les bonnes odeurs et les ''chouéneux''(mot de Charlevoix pour définir les placoteux, les mémêres etc).

Placoter... voilà encore un joli mot!
On se placote, on se jase... "J’aimerais vous placoter des lettres d'Hélène... c'est tout un poème!".

Merci à elle, pour les corrections et ses leçons d'expressions savoureuses.

L'Etoile de Lune, pour la première fois dans notre tour du monde, n'est pas de la partie. Elle reste sagement à Curaçao, pendant que son équipage monte vers le Québec en avion, pour un voyage vu de la terre.

Pourquoi le Québec et pourquoi sans l'Etoile de Lune ?

Les copains d'abord !

Rien ne prédestinait l'équipage à monter aussi haut dans le nord. Le moussaillon de l'Etoile de Lune, frileux comme personne, n'avait aucune intention d'aller se refroidir le bout du nez en dehors de la belle ceinture tropicale. En réalité, seul un sentiment fort était capable de m'attirer vers le Grand Nord. Les amis de la radio, ceux que nous entendons chaque matin au Réseau du Capitaine, émettent depuis la région de Montréal. Ils nous parlent, comme si nous étions tous à partager un café, à échanger des conseils, à recevoir des avis météo... Je vous assure que leur tâche est appréciée au plus haut point. Lorsque nous sommes au milieu de l'eau depuis des jours ou tout simplement en escale, loin de chez vous, seules ces voix ont le pouvoir magique de raccourcir les distances. Je ne pouvais pas imaginer une seule seconde passer dans le Pacifique et m'éloigner d'elles, sans aller les voir et les serrer très fort dans mes bras, pour leur témoigner ce sentiment fidèle et essentiel que nous partageons avec eux.

Navigations sur le fleuve : non-merci !

Dès le lendemain de notre arrivée, nous mesurons à quel point nous avons eu raison de laisser notre Etoile bien ficelée entre quatre amarres à Curaçao. Nous sommes à la marina Chaudière, au sud de la ville de Québec. J'assiste à un étrange spectacle. Un bateau toutes voiles gonflées, moteur à plein régime recule. C'est vraiment extraordinaire à voir ! Le capitaine fait de la voile comme un sportif court sur un tapis de salle de gymnastique. Au mieux, il reste à la même place, au pire, il perd du terrain. Cela demande une certaine abnégation, une patience et un sens de l'humour nautique qui n'existent nulle part ailleurs ! Ces conditions sont engendrées par un phénomène de marée qui, à certains endroits, dépasse 18 pieds et un courant de renverse qui atteint 5 noeuds. A voir ce voilier peiner contre la puissance implacable du fleuve, j'assiste à l'une des navigations les plus difficiles au monde. Aujourd'hui le soleil brille et le vent n'est pas méchant. J'imagine avec peine les conditions par vent debout déchaîné, brume froide et neige ! Non vraiment, je n'ai pas la "couenne" assez épaisse pour naviguer sur le fleuve du Saint-Laurent.

Et puis, faire un break du bateau au bout de cinq ans, laisser notre Etoile en ligne de mire de l'ouest, et nous laisser guider par nos amis, voir le Québec depuis la terre, c'est un bon plan ! Au retour, nous sommes dans la bonne direction pour relancer notre Etoile vers le Pacifique, ça y est c'est décidé et signé avec le capitaine !

Attachez vos ceintures pour la grande boucle québécoise !

Choyés par nos amis, nous sommes passés d'une rive à l'autre du fleuve, du sud vers le nord et retour vers le sud, avec des incartades dans l'arrière-pays.

Partant de Montréal, nous passons par la belle vallée verdoyante de la rivière Richelieu et nous traversons la majestueuse capitale de Québec, nous faisons escale dans le massif de Charlevoix et sur l'île aux Coudres, un monde si rare où nous nous abandonnons confiants au spectacle du coucher du soleil sur la montagne qui se mire dans le fleuve. Puis, du côté de Tadoussac, nous embarquons en Zodiac, nous chevauchons les vagues du Saint-Laurent à l'unisson avec des bélugas timides, des phoques espiègles et des rorquals sauteurs.

Dans le bas du fleuve, en Gaspésie, nous nous enfonçons dans la forêt épaisse et sauvage pour découvrir des cascades intimes blotties dans la frondaison printanière. La faune nous y gâte et nous croisons des castors, des orignaux, des ours bruns, des marmottes. Sur les rives du fleuve, aux abords du Rocher Percé, la brume épaisse ouvre son rideau opaque et nous dévoile la magie de la roche ocre ouverte sur l'horizon outre-mer. Nous participons au bain de soleil des phoques lascifs et aux jeux aquatiques des pingouins. Une randonnée sur l'île de Bonaventure, nous dévoile la colonie la plus importante au monde de fous de Bassan.

Sur les îles de la Madeleine, le coucher de Soleil au cap Fatima reste l'un des plus beaux panoramas de notre voyage. Un mélange originel de couleurs tranchées, l'eau indigo baigne des roches rouge carmin. L'air d'une pureté rare n'a pas la même transparence qu'ailleurs. Il est si limpide, si léger qu'il paraît s'ouvrir sur un nouvel univers. Nous sommes aux latitudes les plus nord de notre voyage, à presque toucher du doigt le grand Grand-Nord...

Pour le retour vers le sud et Montréal, quoi de mieux qu'une croisière ? Les phoques et les rorquals nous accompagnent sur la route des sentinelles du fleuve que sont les phares rouges et blancs qui veillent sur le trafic fluvial. Aux portes de la ville de Québec, l'île d'Orléans nous offre son atmosphère bucolique. Il suffit d'enjamber le fleuve et nous voici aux pieds de la chute de Montmorency. Si spectaculaire, elle se laisse sans prétention apprivoiser sous toutes ses coutures.

Avant de nous enfoncer dans l'arrière-pays, nous partons pour un bain de foule à Québec et à Montréal où nous apprenons au travers de leur coeur historique et de leurs festivals le rythme cosmopolite de cités aux dimensions encore humaines.

Puis, retour à la nature. Les bisons nous accueillent sur leur terre de Lanaudière. Enfin, nous gravissons les contreforts du Bouclier canadien, à l'assaut du mont Tremblant où tous nos amours réunis se révèlent en un seul cliché : un lac, des îles verdoyantes, une marina, des bateaux qui tirent des bords au pied de la montagne.

En route vers l'aventure...

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