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 Un aparté terrestre dans notre voyage

L'Etoile de Lune, pour la première fois dans notre tour du monde, n'est pas de la partie. Elle reste sagement à Curaçao, pendant que son équipage monte vers le Québec en avion, pour un voyage vu de la terre.

Pourquoi le Québec et pourquoi sans l'Etoile de Lune ?

Les copains d'abord !

Rien ne prédestinait l'équipage à monter aussi haut dans le nord. Le moussaillon de l'Etoile de Lune, frileux comme personne, n'avait aucune intention d'aller se refroidir le bout du nez en dehors de la belle ceinture tropicale. En réalité, seul un sentiment fort était capable de m'attirer vers le Grand Nord. Les amis de la radio, ceux que nous entendons chaque matin au Réseau du Capitaine, émettent depuis la région de Montréal. Ils nous parlent, comme si nous étions tous à partager un café, à échanger des conseils, à recevoir des avis météo... Je vous assure que leur tâche est appréciée au plus haut point. Lorsque nous sommes au milieu de l'eau depuis des jours ou tout simplement en escale, loin de chez vous, seules ces voix ont le pouvoir magique de raccourcir les distances. Je ne pouvais pas imaginer une seule seconde passer dans le Pacifique et m'éloigner d'elles, sans aller les voir et les serrer très fort dans mes bras, pour leur témoigner ce sentiment fidèle et essentiel que nous partageons avec eux.

Navigations sur le fleuve : non-merci !

Dès le lendemain de notre arrivée, nous mesurons à quel point nous avons eu raison de laisser notre Etoile bien ficelée entre quatre amarres à Curaçao. Nous sommes à la marina Chaudière, au sud de la ville de Québec. J'assiste à un étrange spectacle. Un bateau toutes voiles gonflées, moteur à plein régime recule. C'est vraiment extraordinaire à voir ! Le capitaine fait de la voile comme un sportif court sur un tapis de salle de gymnastique. Au mieux, il reste à la même place, au pire, il perd du terrain. Cela demande une certaine abnégation, une patience et un sens de l'humour nautique qui n'existent nulle part ailleurs ! Ces conditions sont engendrées par un phénomène de marée qui, à certains endroits, dépasse 18 pieds et un courant de renverse qui atteint 5 noeuds. A voir ce voilier peiner contre la puissance implacable du fleuve, j'assiste à l'une des navigations les plus difficiles au monde. Aujourd'hui le soleil brille et le vent n'est pas méchant. J'imagine avec peine les conditions par vent debout déchaîné, brume froide et neige ! Non vraiment, je n'ai pas la "couenne" assez épaisse pour naviguer sur le fleuve du Saint-Laurent.

Et puis, faire un break du bateau au bout de cinq ans, laisser notre Etoile en ligne de mire de l'ouest, et nous laisser guider par nos amis, voir le Québec depuis la terre, c'est un bon plan ! Au retour, nous sommes dans la bonne direction pour relancer notre Etoile vers le Pacifique, ça y est c'est décidé et signé avec le capitaine !

Attachez vos ceintures pour la grande boucle québécoise !

Choyés par nos amis, nous sommes passés d'une rive à l'autre du fleuve, du sud vers le nord et retour vers le sud, avec des incartades dans l'arrière-pays.

Partant de Montréal, nous passons par la belle vallée verdoyante de la rivière Richelieu et nous traversons la majestueuse capitale de Québec, nous faisons escale dans le massif de Charlevoix et sur l'île aux Coudres, un monde si rare où nous nous abandonnons confiants au spectacle du coucher du soleil sur la montagne qui se mire dans le fleuve. Puis, du côté de Tadoussac, nous embarquons en Zodiac, nous chevauchons les vagues du Saint-Laurent à l'unisson avec des bélugas timides, des phoques espiègles et des rorquals sauteurs.

Dans le bas du fleuve, en Gaspésie, nous nous enfonçons dans la forêt épaisse et sauvage pour découvrir des cascades intimes blotties dans la frondaison printanière. La faune nous y gâte et nous croisons des castors, des orignaux, des ours bruns, des marmottes. Sur les rives du fleuve, aux abords du Rocher Percé, la brume épaisse ouvre son rideau opaque et nous dévoile la magie de la roche ocre ouverte sur l'horizon outre-mer. Nous participons au bain de soleil des phoques lascifs et aux jeux aquatiques des pingouins. Une randonnée sur l'île de Bonaventure, nous dévoile la colonie la plus importante au monde de fous de Bassan.

Sur les îles de la Madeleine, le coucher de Soleil au cap Fatima reste l'un des plus beaux panoramas de notre voyage. Un mélange originel de couleurs tranchées, l'eau indigo baigne des roches rouge carmin. L'air d'une pureté rare n'a pas la même transparence qu'ailleurs. Il est si limpide, si léger qu'il paraît s'ouvrir sur un nouvel univers. Nous sommes aux latitudes les plus nord de notre voyage, à presque toucher du doigt le grand Grand-Nord...

Pour le retour vers le sud et Montréal, quoi de mieux qu'une croisière ? Les phoques et les rorquals nous accompagnent sur la route des sentinelles du fleuve que sont les phares rouges et blancs qui veillent sur le trafic fluvial. Aux portes de la ville de Québec, l'île d'Orléans nous offre son atmosphère bucolique. Il suffit d'enjamber le fleuve et nous voici aux pieds de la chute de Montmorency. Si spectaculaire, elle se laisse sans prétention apprivoiser sous toutes ses coutures.

Avant de nous enfoncer dans l'arrière-pays, nous partons pour un bain de foule à Québec et à Montréal où nous apprenons au travers de leur coeur historique et de leurs festivals le rythme cosmopolite de cités aux dimensions encore humaines.

Puis, retour à la nature. Les bisons nous accueillent sur leur terre de Lanaudière. Enfin, nous gravissons les contreforts du Bouclier canadien, à l'assaut du mont Tremblant où tous nos amours réunis se révèlent en un seul cliché : un lac, des îles verdoyantes, une marina, des bateaux qui tirent des bords au pied de la montagne.

En route vers l'aventure...

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