Mail 53– écrit en octobre 2006
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Zone de navigation : VENEZUELA –La Blanquilla

Une leçon de la nature
et
L'Etoile de Lune transformée en Arche de Noé..
.

"Solitude où je trouve une douceur secrète,
Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais,
Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais ?"
Jean de La Fontaine


Nous avons trouvé le paradis! Si d'aventure on se posait la question de savoir pourquoi nous étions partis (cela ne nous est jamais arrivé à nous-mêmes, mais parfois les autres nous posent cette question) Hé bien, c'est sans doute ici qu'on aurait trouvé LA réponse. La Blanquilla est un Monde à part où seule la nature est maître des lieux. Perroquets, ânes, caracaras huppés, coulicous, hirondelles, iguanes, lézards, passereaux en tout genre, faune sous-marine et ... Des cactus! Nous vivons des jours paisibles dans une solitude bienfaisante loin de toute civilisation... Les amateurs de plongée s'y régalent...L'île offre des possibilités presque infinies de randonnées à pieds, en kayak... Pas de pollution, pas de stress! Une vie à observer la nature et à essayer de la décoder, comme lors du premier envol des coulicous... Bref, LE mythe du bon sauvage... en quelque sorte!

En fin de mail vous trouverez
La photo du mois : Concert de musique traditionnelle donné à huis clos en l'honneur de Bibi et Paul sur le bateau Mangaia. (Porlamar Août 2006)
Le deuxième épisode du feuilleton de l'eau : La récolte de l'eau de pluie.

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Bonjour à tous,

La Blanquilla est plus déserte encore que la Tortuga. Elle a été investie par des lézards, des ânes, des perroquets (nous nous y sentons presque en famille…), une variété inouïe de passereaux ou d'espèces curieuses comme ces frères de faucons, les caracaras huppés. En tout cas, cette île non plus ne nous a pas permis de communiquer avec le reste du monde. En effet, les ânes n’y ont pas encore ouvert un cyber café et les perroquets rechignent à relayer les réseaux WIFI. Bref, à la Blanquilla nous nous sentons loin de tout et cela fait un bien fou !

Personne ne vit en permanence sur la Blanquilla. Une base reculée de gardes-côtes est installée au Sud de l’île. Elle ressemble plus à une colonie de vacances qu'à un camp militaire. El Yake est le mouillage le plus fréquenté de l'île. L'Etoile de Lune est ancrée au milieu d'une quinzaine de voiliers, de peñeros et de lanchas. Les lanchas et les peñeros sont des bateaux de pêche traditionnels. Les pêcheurs du Venezuela n'abordent pratiquement jamais les plaisanciers pour leur vendre leur poisson. A la Blanquilla ils sont cependant heureux d'échanger une partie de leur pêche contre des produits qui amélioreront leur quotidien. Jamais ils ne veulent d'argent... Qu'en feraient-ils sur la Blanquilla? Le rapport entre les pêcheurs de la Blanquilla et les plaisanciers est cordial et sans fioriture.

Ici, loin de tout, nous avons croisé l'un d'eux qui s'était enfoncé une épine de poisson venimeux dans le coude. Heureusement, Brigitte de Mangaia était parmi nous. Elle est infirmière, elle a pu ainsi lui administrer les premiers soins et plus encore. Car la campagne de pêche n'était pas finie, il fallait qu'il reste dans les envirrons de l'île plusieurs jours encore. En fouillant dans notre pharmacie, nous avons trouvé les antibiotiques qui lui permettraient d'attendre la visite chez un médecin. Le bruit s'est rapidement répandu au sein de la petite troupe de pêcheurs. Ainsi, notre Brigitte a vu défiler tous les cas de bobos, de dysenterie et autres maux de nos amis vénézuéliens. A quand l'ouverture d'un poste médical avancé ???

Au cours de notre séjour, les bateaux vont et viennent. La fin de la saison des cyclones approche et les plaisanciers n'ont plus qu'une idée en tête : remonter vers l'Arc antillais. Le mouillage est de plus en plus désert. Nous restons sous la protection de la Vierge de la Vallée qui a reçu une chapelle au bord de l'eau, une autre près d'un puits. EL Yake est serti d'un écrin d'Azur que l'horizon dessine à l'ouest. Il nous offre chaque soir l'espoir d'un rayon vert au couchant. A l'Est une bande de sable étincelant serpente le long du littoral. Ici, une touffe de cocotiers rompt la blancheur. A l'arrière plan, l'île pas très haute mais très vallonnée s'éparpille entre une savane où le cactus est roi et des monticules verdoyants. Aux aurores, les perroquets viennent en nombre piailler dans les palmes des cocotiers. Atmosphère divertissante renouvelée chaque matin. Lève-tard s'abstenir... Lorsque le soleil est haut, nos pétulants jaseurs s'éclipsent à l'intérieur des terres jusqu'à la tombée de la nuit. Pendant toute la journée les pélicans et les fous nous tiennent compagnie. Parfois, les pélicans s'enhardissent et viennent se poser sur notre annexe. L'un d'eux particulièrement familier a passé de longs moments à se baigner avec le Cap. Une sorte d'adoption mutuelle... Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit, mais j'ai eu la ferme impression que ces deux là ce sont compris!

Nous pensions rester, dans ce mouillage d'El Yake, pendant tout notre séjour à la Blanquilla. Un jour de temps calme, nous partons au Nord avec l'annexe. Nous longeons des falaises. Ho rien d'exceptionnel! Et pourtant, creusées de grottes au niveau de la mer, l'eau se faufile écumante dans chaque cavité. Elle fait un bruit sourd et inquiétant... C'est fascinant! Dans l'une des grottes les plus grandes, nous découvrons la caverne des pélicans. Je les aime ces pélicans! Nous nous invitons littéralement chez eux. Le pélican reste muet. Il ne fait jamais de grands éclats. Lorsqu'un intrus vient à lui, il lui lance un oeil persan et il le suit du regard. Son grand bec longiligne traîne jusque sur ses pattes. Voyant qu'il ne peut décourager notre curiosité, il baille largement. Il replie son long coup et coince son bec entre ses épaules. On dirait un violon qui dort. Je les adore patauds et nobles à la fois.

Hors de la grotte une colonie de fous bruns... Un HLM. Nous continuons la route en annexe. Et là nous découvrons une première arche. C'est une grotte dont le toit s'est effondré. La lumière du soleil tombe littéralement dans le trou du plafond. Elle dessine une tache vert émeraude sur l'eau. Les reflets sont magiques! Le plafond restant est tapissé de hiéroglyphes imprimés par l'évolution du niveau de la mer. Ici, on devine la fine arborescence d'une gorgone figée dans le calcaire pour l'éternité. Là, du corail en forme de cornes de cerfs. Plus loin, un cerveau. La lumière et les ombres façonnent une mâchoire de requin. De curieux stalactites attirent notre attention. Nous n'avons pas d'explication. Personne ne prend la peine de détailler ces falaises. L'île était autrefois immergée c'est sûr! La falaise n'est autre qu'un ancien récif.

Au-delà de cette grotte nous découvrons la Playa el Americano. Un couloir pas très long pas très large, proportionné comme il faut pour loger deux bateaux, se termine par deux petites plages vierges. Blanches... si blanches. Préservées de tout! Pas l'ombre d'une trace de pollution. Devant cette plage je songe que lorsque la nature est seule maître du jeu, elle se débrouille plutôt mieux que lorsque l'homme y met son grain de sel. Ici pas un déchet, rien. La nature gère, les caracaras et autres rapaces sont là pour veiller à la propreté des lieux. Rien ne traîne, pas une odeur tout est sauvage. C'est simplement et naturellement beau.

Du granit sort du sable pour donner du relief et rendre la plage encore plus belle!!! L'eau est idyllique de couleurs et de température... En surplomb de la baie, une maison abandonnée. C'est une ancienne posada créée par un américain d'où le nom. Dans son jardin une arche... Encore... Superbe un pont naturel au-dessus de l'eau. Les couleurs de la roche se marient aux reflets de d'eau. Plus beau panorama de sa terrasse eût été impossible! L'homme qui a vécu ici était heureux c'est certain! Vivre là, au milieu de la nature, simple où ne vivent que des ânes, des pélicans, des fous, des lézards et des perroquets... Que demander de plus à la vie? Jamais je n'aurais cru que l'on puisse se sentir si loin des hommes, si près de la nature. Pas loin du Paradis en somme... Juste à côté, il suffirait de peu, de très peu de choses pour en ouvrir la porte.

Cette baie nous inspire. Nous y revenons mais cette fois avec le bateau. Nos amis d'Ekaza nous accompagnent. Pour un séjour dans le plus paisible endroit que nous connaissions. Le soir, les ânes viennent parfois nous observer du haut de la falaise.

Je me suis donc mis en tête de chasser l'âne... Une sorte de safari photo âne... Si je réussis je rouvre la posada abandonnée sur la colline... Hum, non pas de craintes! Mais ces vilains ne viennent que la nuit sur la falaise juste à côté de nous. Impossible de les prendre en photo. Par contre, un faucon, nommé caracara huppé, s'est tant approché de l'objectif qu'il a fallu que je recule... sans doute c'est lui qui faisait un safari photo Nat???? Finalement Dom monte au mât pour sa traditionnelle séance de photo, sur le retour, vers le pont, il voit des ânes. Donc j'y monte aussi... mais ils étaient vraiment trop loin.

Je me console en allant voir les poissons... ils se réfugient dans les grottes sous-marines. C'est impressionnant. L'eau a ouvert des galeries d'une longueur incroyable sous la falaise. La lumière se joue des profondeurs d'eau. Puis elle nous abandonne très vite. Il fait noir sous l'eau. On ne sait absolument plus qui fréquente ces eaux là. Nous préférons donc revenir vers les eaux plus claires. Le soleil diffuse des ondes émeraude. Dans l'éclat de la lumière les poissons apparaissent. Ils ne fuient pas. Nous babillons avec des énormes poissons perroquet ou des poissons anges. Ils sont trognons avec leur gros yeux quand ils se mettent à plat pour nous regarder...

Nous revenons au bateau et ... Qu'entends-je? Un âne! Donc je bondis dans l'annexe, Dom a la bonté de suivre et nous voilà partis dans les chemins de cactus. Epines dans mollet bâbord. Picots dans pouce tribord... Tout va bien! En fait pour se balader à la Blanquilla à pied, l'outil indispensable, c'est la pince à épiler! Nos efforts sont récompensés, finalement nous voyons un âne sur la colline. Mais à l'opposé de nous. Donc on redescend et on remonte et on redescend... Ok, je fais bref! En fait de l'autre côté il n'y a plus rien!!! Où est-il donc???? On s'approche. Là il surgit! Hors du bosquet devant lequel nous sommes!!! Il n'est pas content d'avoir été réveillé dans sa sieste... Il hennit! Si, si... Je vous assure! Quand il n'est pas content, il fait une sorte de cri apparenté au cheval. Par contre le soir à la fraîche, il brait comme un âne... Curieux tout cela... Je ne me décourage pas et je le canarde de l'objectif. J'ai failli crier victoire!!! Et non!!! En fait il boitait... Sûrement un adepte des épines comme nous! Egalité, donc... Sauf que c'est mon jour de chance et là... Plus loin une maman et un petit... Et plus loin encore un autre... et encore... Bon finalement c'est facile de photographier des ânes!!!

En rentrant au bateau, nous avons failli adopté une famille entière de coulicous. C'est une sorte de coucou mais qui ne parasite pas les nids. Un coulicou venait souvent se reposer sur le pont et il regardait à l'intérieur du bateau par les hublots. Il nous prenait peut être pour des chenilles, son plat préféré? Puis un jour on a vu arrivé un jeune. Je ne sais pas comment il s'est débrouillé, mais en quittant notre bord, il a fait le grand plongeon. Pauvre petite chose flottant à peine. Il a eu de la chance que le caracara ne l'aie pas vu! Dom prompt à la manoeuvre, le rattrape par le « fond de la culotte ». Nous l'installons à l'ombre d'un hublot. Là il se requinque puis il reprend son envol... Nous avons à peine le temps de le regarder partir que nous voyons un de ses frères dans l'eau, lui aussi. Cette fois, c'est moi qui joue Zoro et je le repêche. Celui-là ne survivra pas. Nous comprenons ce qui arrive. La houle s'est levée, elle frappe et cogne la falaise. Les jeunes qui nichent sur les flans de la paroi doivent sortir du nid. Ils s'élancent et l'écume les rattrape avant qu'ils ne puissent redresser leur envol... En deux jours, nous avons recueilli à bord 5 coulicous et un passereau. L'Arche de Noé! Nous les avons raccompagnés à terre, espérant que cette fois, ils apprendront à voler, car ce sont de piètres nageurs!

La nuit vient. Le soleil s'éclipse derrière la falaise. Les étoiles une à une viennent nous tenir compagnie. Nous mesurons l'ampleur de notre solitude. Le ressac qui s'engouffre dans chaque faille autour de nous résonne et gronde. L'ombre noire des pourtours de la baie disparaît. Un pincement au coeur... Quelque chose de différent. Une absence totale de lumière. Plus aucun repère visuel. Nous sommes sur l'eau, c'est notre seul certitude. C'est cela aussi la liberté. Celle de vivre sans les lumières rassurantes des hommes. Sous les étoiles, en attendant que demain, la vie et les couleurs étincelantes reviennent...


La photo du mois

Concert de musique traditionnelle donné à huis clos en l'honneur de Bibi et Paul sur le bateau Mangaia. (Porlamar Août 2006)
Merci à Brigitte et Paul pour cette photo


L'astuce du mois
Le feuilleton de l'eau : Deuxième épisode - La récolte de l'eau de pluie

Sous les tropiques les grains sont de courtes durée et parfois violents. Il pleut souvent abondamment. Ils sont donc nos pourvoyeurs privilégiés en eau douce. Le Capitaine de L'Etoile de Lune utilise trois techniques différentes et simultanées pour récolter l'eau. Il faut en effet faire vite avant que le soleil ne revienne.
1) Placer judicieusement des récipients pour récolter l'eau d'écoulement des tauds, des capotes, bimini et autres panneaux solaires.
2) Les rails de fargue de L'étoile de Lune sont hauts. Ce qui signifie que tout le pont est ceinturé d'un minuscule « muret » le long duquel l'eau circule comme dans une rigole. Le pont est légèrement incliné de l'avant vers l'arrière. Les nables sont placées sur ce parcours. Ainsi, il suffit d'obturer les espaces libres du rail de fargue (chaumards) par des serpillières afin que l'eau ne tombe pas dans la mer. A l'arrière du nable, nous plaçons une autre serpillière ce qui permet de faire barrage à l'eau juste à l'aplomb du réservoir. A la période des pluies nous pouvons ainsi remplir l'intégralité de nos réservoirs.
3)Entre l'arrière du bateau et le nable il reste un ou deux mètres de rail de fargue où l'eau continue de circuler. Afin qu'elle ne soit pas perdue en se jetant du haut de la jupe arrière. Dom établit un second barrage où il récupère l'eau à l'aide d'une pompe à main. Cette eau est consignée dans des bidons.


Texte écrit par Nathalie Cathala et mis en page par Dominique Cathala en Octobre 2006 - Tous droits réservés
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