LES SAINTES

Archipel de la Guadeloupe

Une famille d’îles

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Les Saintes regroupent 7 îles et îlots dont trois habités. Terre de Haut compte 1500 habitants et 250 000 visiteurs par an. Terre de Bas compte 1500 habitants et une poignée de visiteurs qui grossit chaque année. Ilet Cabri compte un Robinson pacifique, qui ne demande rien à personne…

Le village principal de Terre de Haut, appelé le Bourg présente, pourrait-on dire, un cachet pittoresque. La rue principale, qui longe le littoral, est bordée des deux côtés par des petites maisons saintoises, en bois délavé repeint au fil des saisons. Les maisons sont construites au bord de la rue, et ne laissent guerre de place à un trottoir. Cette rue ressemble trait pour trait aux peintures naïves qui font rêver avant le départ.

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Quelques Saintoises attendent à quelques encablures du rivage. Les Saintoises ? Non, ce ne sont pas les jolies habitantes de cet archipel. Ce sont les barques de bois utilisées depuis des siècles par les marins pêcheurs des Saintes. Ils ont la réputation d’être les meilleurs marins du monde, car à bord de leur frêle esquif, ils bravent tous les temps, toutes les houles. Ils sont les dignes héritiers des premiers colons de l’île. Des Bretons, et cette origine est encore visible sur les traits des habitants. La plupart des habitants sont blonds et à peine métissés. Cet archipel, il a fallu qu’ils y tiennent pour y rester, car ici aucune culture n’est possible. La terre est, en effet, grillée par le soleil, les pluies y sont à la fois trop rares et trop violentes. L’eau du ciel leur est inutile, car elle se mêle directement à l’eau de mer et ne pénètre jamais la terre en profondeur. La terre tremble souvent et a fait s’écrouler bons nombres d’édifices en 2005, dont l’école et le campanile de l’église.

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La baie principale est entourée de mornes escarpés. Au Sud du village s’élève le Morne du Chameau, au pied duquel s’étend le quartier appelé Fond-Curé. Il abrite un village de pêcheurs qui se cantonne à l’écart du centre ville. Au Nord du Bourg, se dresse le Morne Mire où est édifié le Fort Napoléon. Le quartier du mouillage a colonisé les pentes sud de sa colline. Il est habité par une population aisée. Au pied du morne, une proue blanche aux volets bleus est à jamais ancrée dans ce rivage. Une maison, en forme de bateau, construite à l’endroit exact où la mer rencontre la terre, quel symbole ! Construite en 1942, c’est la demeure d’un médecin depuis 1958. Un médecin poète et marin dans l’âme ? Quoi de plus normal lorsqu’on choisit de vivre entre terre et mer ?

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Les joies tapageuses de la génération scooter

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Le village n’est pas encore envahi par les touristes qui viennent de Guadeloupe. Ceux-ci sont acheminés dans les quelques rares hôtels de l’archipel par les ferries. Seuls les courageux, les aventuriers ou les inconscients viennent en avion, car l’atterrissage est réputé l’un des plus dangereux de l’arc antillais. Quinze minutes suffisent à l’avion pour parcourir la distance entre la Guadeloupe et les Saintes. Mais, l’avion se pose sur un aérodrome minuscule. Sa piste est construite entre deux collines escarpées et la mer. Sensations extrêmes assurées pour les passagers ! guadeloupe Nous ne sommes qu’à dix-huit milles de la pointe de Basse-Terre en Guadeloupe. Les visiteurs choisissant le bateau parcourront la distance entre Trois-Rivières et les Saintes en trois quarts d’heures. Souvent, les touristes venant pour la journée louent des scooters pour grimper au sommet des mornes et profiter d’un panorama exceptionnel. Les voitures sont rares et sans doute superflues vu la superficie de l’île. Elle est de 14 km².

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La vie des Saintes est rythmée par l’arrivée des navettes. Dès le matin, les visiteurs débarquent sur Terre de Haut. Les agences de location de scooter sont légion. Il y a plus d’une dizaine d’année, les scooters gâchaient le paysage sonore : du crissement des pneus au coup d’avertisseur enroué en passant par le beuglement des petites cylindrées, rien n’était épargné aux oreilles sensibles. Aujourd’hui, les scooters perturbent toujours l’ambiance des Saintes, ceci dit c’est devenu moins intolérable, sans doute un peu plus réglementé. Les Saintes offrent néanmoins repos et tranquillité aux visiteurs, dès le départ de la dernière navette et avant l’arrivée de la première !

Nous empruntons la rue principale qui longe le bord de mer. A la fin de la ruelle, une petite plage désordonnée où reposent quelques barques de pêcheurs. Juste en face, l’école qui distillait une ambiance récréative au pied de la colline du fort Napoléon est en reconstruction. Les tremblements de terre de 2005 ont complètement détruit l’établissement.

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Une ascension modeste, mais des panoramas éblouissants

Pour monter au Fort Napoléon, nous empruntons un joli chemin qui monte au milieu des villas fleuries du Quartier du Mouillage. La vue est magnifique tout au long de la balade. Les Saintes sont composées de plusieurs îles et îlots. Deux d’entre elles sont habitées : Terre de Bas et Terre de Haut sur laquelle nous sommes. Elles se partagent trois mille habitants, dont six cents pêcheurs. Terre de Haut est l’île principale de l’archipel. L’économie est essentiellement tournée vers la mer. Car l’archipel ne possède pas de richesse exploitable, il pratique la pêche en mer et aux touristes…

Archipel lilliputien pour une douceur de vivre authentique…

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La promenade nous élève au-dessus du bourg, nous plongeons notre regard à l’Est dans la baie de Marigot dont l’eau vert bouteille contraste étonnamment avec la terre ocre et aride des Saintes. Plus nous montons, plus la vue sur l’anse du Bourg se dévoile.

En face de nous, le Morne du Chameau, que Dominique a gravi seul. Ramenant de superbes photos. C’est le point culminant de l’île, à 309 mètres. La balade est plus longue que celle d’aujourd’hui. Il faut compter environ deux heures pour atteindre le sommet. Une fois là haut quel spectacle ! L’île entière se révèle avec ses monts en pentes abruptes couverts d’arbustes étriqués et de cactées qui résistent vaillamment à la sécheresse. Dans les vallées gorgées de soleil, seuls les iguanes et les lézards résistent aux conditions désertiques. La mer sculpte des baies merveilleuses dans les flancs de l’île. Les plages imprégnées de soleil tracent un trait d’union entre la mer et la terre. La dernière écume y meurt en jetant un dernier éclat diamantin. Puis, au-delà du sable brûlant naît une frange de cocotiers aux palmes luisantes, là débute le royaume de la terre.

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L’île repose sur les eaux d’un bleu profond de la rade des Saintes. Elle a la réputation d’être l’une des plus belles baies au monde. Classée troisième au palmarès, les guides touristiques reproduisent un cliché courant : la baie des saintes est la petite jumelle de la rade de Rio. Je n’ai jamais croisé dans les eaux brésiliennes, je ne peux donc dire si cette comparaison est juste. Mais comment peut-on classer la beauté d’un site ? La météo, l’humeur du visiteur, sa vision individuelle du monde, son expérience, tant d’ingrédients rentrent dans la composition d’un jugement, que je me garderais bien de comparer deux paysages. Un endroit peut paraître idyllique ou odieux, selon que l’on soit amoureux ou que le cœur soit douloureux. Le plaisir cueilli dans la découverte d’un paysage est trop lié aux circonstances qui gouvernent l’esprit.

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Les Saintes sont belles pour leurs différences, pour leur fraîcheur. Elles sont originales, car elles allient les contraintes d’une cité balnéaire recherchée et le charme d’un petit coin ancré dans ses coutumes séculaires. Pendant le jour, le ras-de marée des touristes s’engouffre dans la rue principale. La vague envahit les mornes et les plages. Pendant ce temps, à l’ombre des arbres, les îliens jouent aux dominos, les vieux loups de mer réparent leurs filets, indifférents au tumulte. Ils vivent leur vie, en parallèle de l’acharnement touristique. Le soir, les hôtes se retirent. Les scooters se taisent. Le soleil décline et l’authenticité réapparaît au sein de l’île. Il souffle ici comme un vent de renouveau éternel. Seul un cœur aveugle reste insensible à la douceur de vivre des Saintes. Sur la place du village, en face des marches de l’église, des bancs fondus dans les hibiscus invitent à la flânerie, et cette image rassemble toutes les qualités de l’île. Comment condamner les insulaires, s’ils comparent leur baie à celle de Rio, c’est tout simplement parce qu’ils sont «amoureux éperdus de leur paradis lilliputien » (Anne Cécile Connier, Guadeloupe N°4)

Le musée conte les légendes de l’île…

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Nous cheminons sur la route en lacets, et nous traversons déjà le quartier de Maison-Blanche. Une très belle bâtisse autrefois la résidence des officiers de garnison est en restauration prolongée. Le Fort Napoléon fut édifié au début du dix-neuvième siècle en position dominante sur Terre de Haut selon les préceptes de Vauban. Il fait la fierté des Saintois, car depuis qu’il a été restauré, il est classé monument historique. Nous atteignons les fortifications. Les canons, qui ornent l’entrée du musée, ne tirent plus sur les navires anglais. Ils composent les éléments décoratifs du jardin botanique magnifiquement aménagé au sein des fortifications. La balade du chemin de ronde conduit notre promenade autour de la bâtisse. Toutes les espèces botaniques des îles sèches des Antilles y sont représentées : agaves, aloès, cactus-cierges, cactus-tête à l’anglais, etc…

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À l’intérieur, le musée nous raconte les sempiternelles péripéties des armées françaises et anglaises au temps de la colonisation. Des maquettes de bateaux, des vêtements de l’époque, tout nous est exposé dans les grandes salles qui autrefois étaient le quartier général de l’armée chargée de défendre l’accès aux Saintes et à la Guadeloupe. Une salle entière est consacrée à la bataille navale de 1782. Celle-ci rendit les Saintes célèbres, même si ce fut un désastre pour la flotte française. Mais les vaincus ne furent pas déshonorés. guadeloupe Le Comte de Grasse qui défendait les intérêts français, le fit avec une telle bravoure et un tel panache qu’il fut accueilli avec tous les honneurs par l’amiral anglais Rodney, vainqueur de ce conflit.

Il y a aussi cette salle entièrement dédiée à l’amour. Les Saintes ont servi de décor à une romance belle et tragique. C’est l’histoire de la « Princesse Caroline » et de son bien aimé chevalier de Fréminville. L’officier s’éprit de Caroline, une roturière métissée. Il fut envoyé à la guerre, elle l’attendit. Mais elle mourut d’impatience. Il se laissa mourir de chagrin lorsqu’il l’apprit. Les histoires d’amour ne sont-elles belles que lorsqu’elles sont tristes ?

Fils de pirates bretons…

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Le musée nous raconte encore d’autres histoires, comme celle de cette plage préférée des Saintois qui était un repaire de pirates. La baie de Pompierre cernée par des collines hérissées de cactus, est masquée au large par une péninsule appelée la roche percée. On imagine les corsaires se faufiler dans cette baie et y enterrer des coffres de joyaux. Comment alors ne pas épier les habitants des Saintes?

Ils sont là sur la plage. Comment ne pas trouver dans leurs yeux bleus, le teint clair à peine métissé, les longs cheveux blonds et crépus de celui-ci, la peau cuivrée de celui-là, des traits de ressemblance avec leurs ancêtres écumeurs de mer. Les Saintois ont toujours refusé le métissage. Les habitants actuels se disent les descendants directs des Bretons venus s’installer sur ces cailloux arides il y a plusieurs siècles ! S’appelaient-ils Rackam le rouge, Capitaine Moëde ou Jean Laffite ? C’est pourtant vrai, les habitants des Saintes ne ressemblent pas du tout aux habitants des îles voisines.

Le salako et les dominos

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Sur le trottoir en face de la plage aux « pirates », les anciens du village portent le salako. C’est le chapeau typique des Saintes, généralement recouvert de tissus madras. Il a des allures tonkinoises. Assis à l’ombre d’un arbre, les anciens jouent aux dominos. Ils tiennent tous les dominos dans une main, la main libre frappe la table avec le domino qu’ils jouent. Tous les dominos déjà joués sursautent. Tout cela se fait en parler créole, avec des rires graves et moqueurs qui fusent.

Dans la rue principale, de nombreuses boutiques ouvrent leurs portes. Vêtements, souvenirs, cartes postales, autant de pièges pour les visiteurs en mal de souvenirs à emporter chez soi. Une jeune fille nous propose des tourments d’amour. Joli nom qui désigne une petite pâtisserie à base de noix de coco, vendue par les grand-mères du village.

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Terre de Bas

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Terre de Bas est la sœur oubliée de la famille des Saintes. Elle a la réputation de ne pas être assez échancrée pour accueillir de belles plages. Faux, il existe au moins Grande Anse ! C’est une plage de carte postale, facile d’accès depuis le débarcadère de l’Anse Mûrier. Mais une île n’existe pas que par ces bandes de sables dorées. Terre de Bas est une colline de 240 mètres de hauteur entourée d’eau. Elle offre plusieurs possibilités de randonnée.

Deux villages se partagent 1500 habitants. L’île a subi d’énormes dégâts pendant les tremblements de terre à répétition de 2004 et de 2005. Beaucoup de maisons ont été refaites, de sorte que le village de Grande Anse présente un cachet propret inhabituel dans les Antilles. Toutes les maisons peintes de neuf sont entourées d’un jardin qui se partage entre l’agrément et l’utile. Des arbres fruitiers fournissent diversité alimentaire et ombre aux cabris, aux poules, canards et dindons. Tandis que les fleurs des alamandas, des hibiscus, des bougainvilliers rivalisent de luminosité. Chaque maison imprégnée de créolité soigne son allure. La rue principale plombée sous le soleil est gravie sans peine tant le plaisir des yeux efface l’effort à fournir pour atteindre le point de départ des randonnées.

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Les traces partent à travers bois à l’assaut des mornes de Terre de Bas. A vrai dire cette île semble n’avoir qu’un seul promontoire. Cependant c’est une succession de collines qui descendent en cascades vers la mer. Les promenades débutent d’abord dans la chaleur, sous un soleil de plomb qui darde la tête des malheureux marcheurs. La progression est rendue difficile par d’énormes blocs de pierres qui encombrent le chemin. Celui-ci ressemble plus à une ravine asséchée qu’à un véritable chemin. Peu à peu les arbres colonisent le chemin, l’ombre apparaît de plus en plus généreuse, avec elle une brise vient rafraîchir les pneumatiques, nous pouvons continuer notre ascension jusqu’au sommet. L’avantage de la végétation c’est qu’elle permet de ne pas cuire. La contre partie de sa présence est le manque de panorama. Par de petites ouvertures, nous profitons néanmoins d’une vue magistrale sur tout l’archipel des Saintes. Tout en haut, des tapis de nénuphars et de joncs témoignent de la présence d’eau. Autrefois, les cimes des mornes servaient de citernes. Aujourd’hui, elles réunissent la petite faune des Saintes : cabris, perdrix, lézards, colombes et une variété de rapace de petite taille.

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A la fin de la balade, la récompense se trouve à Grande Anse. Deux restaurants locaux offrent le réconfort bien mérité.

Sachez aussi que l’île abrite les ruines d’une poterie. L’endroit a semble-t-il été achevé par les tremblements de terre. Bien qu’il semble y avoir une volonté de restauration. C’est un endroit isolé, plein d’enseignement. Cette poterie était très active. Car elle fournissait les récipients nécessaires à faire les pains de sucre, et à conserver le sirop de batterie. Chaque sucrerie possédait au temps de la splendeur de la canne, deux à trois milles récipients.

Ilet Cabri

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Nous levons l’ancre, et nous traversons toute la rade des Saintes. Nous hésitons entre le mouillage du Pain de Sucre, celui, en face d’Îlet Cabri. Le problème du premier est qu’il est très fréquenté, et en plus en nous approchant nous voyons les mâts se balancer de manière très suspecte. Le problème d’Îlet Cabri, c’est qu’il est petit, donc il offre peu de place pour se loger. Nous avons la chance en arrivant de voir s’en aller un voilier de taille plus grande que le nôtre. Il ne nous reste donc qu’à nous glisser à sa place. Ce mouillage est calme et agréable. Nous sommes à l’abri de la houle poussée par les alizés.

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Les mornes escarpés d’Îlet Cabri plongent dans une eau turquoise. Derrière eux se cache le joli bourg de Terre de Haut que nous venons de quitter. Bien que nous soyons toujours dans le même archipel, nous avons l’impression d’avoir encore changé de pays. En effet, le décor est complètement différent de celui que nous avions autour de nous avant de lever l’ancre. En face de nous, au sud-est de notre mouillage, le Pain de Sucre, curiosité géologique des Saintes. C’est une presqu’île lilliputienne, elle se finit par un dôme sculpté d’orgues basaltiques en forme de pain de sucre. La bande de terre située entre le pain de sucre et l’île est bordée de chaque côté par une plage de sable doré. Les deux plages sont séparées par une frange de cocotiers. C’est dans ce paysage incomparable qu’un vieux loup de mer a établi son petit hôtel. La réalité a trouvé ici une jolie représentation du paradis mainte fois répétée sur les cartes postales.

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Chaque île est une étoile de plus dans un collier digne du firmament

Notre île d’accueil émerge à quatre-vingt-cinq mètres de la mer. C’est une colline sortant de l’eau et abritant le Fort Joséphine, construit sur les fondations de l’ancien fort de la Reine. Il fait face au fort Napoléon et est séparé de lui par un chenal appelé la passe de la baleine. Du bateau, nous ne pouvons voir le fort, tant la végétation est drue et hirsute. Monter au fort est une aventure. Seules les chèvres empruntent encore les chemins aménagés autrefois par l’homme. Aujourd’hui, ils sont déformés par les pluies torrentielles qui ravinent les pentes et les chemins. En saisons cycloniques, les tempêtes achèvent de tout détruire.

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Une seule personne habite l’île, un Robinson noir qui a investi un bâtiment sur la plage. Celui-ci ressemble plus à un blockhaus qu’à une maison édifiée et conçue pour y être habitée. Après avoir demandé au seul habitant de l’île comment nous rendre au fort, nous empruntons le chemin désaffecté qui grimpe à l’assaut de l’île. C’est une large route en bitume faite pour accueillir des voitures tout terrain. Je me pose la question de l’utilité d’une route carrossable en pareille petite île. La réponse nous est offerte à mi-hauteur. Un lotissement désaffecté a été bâti à flanc de colline du côté de la passe de la baleine. Les maisons où tout le confort était prévu sont éventrées. Les terrasses offrent une vue magnifique sur la rade des Saintes, le fort et le bourg de Terre de Haut. Quel gâchis ! La terrasse, les murs de la salle de bain sont carrelés. Les vents, les pluies érodent patiemment le travail de l’homme. Le chantier a été arrêté et oublié là, laissant une plaie sur la colline d’Îlet Cabri.

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Nous poursuivons notre ascension vers le fort. Au fur et à mesure de notre progression, des lézards affolés s’enfuient dans un crépitement de feuilles séchées. Les chèvres, merveilleuses rochassières fuient parmi les lantanas. Quelques fleurs timides naissent d’abord blanches, puis virent au rose pâle et terminent leur vie en rouge foncé. Le chemin devient de moins en moins praticable. Le bitume a tout à fait disparu. La végétation mange lentement et patiemment toutes les traces laissées par l’homme.

Au sommet de la colline, le fort, partiellement détruit, présente encore quelques murs d’enceintes plus ou moins en état, une petite maison est encore debout, toits et murs en bon état. Devant l’entrée du fortin, une construction actuelle : une terrasse bétonnée jonchée de détritus, un réfrigérateur rouillé. Vestiges du passé et négligences du présent se côtoient souvent sur les sites anciens des Antilles. La végétation gagne. Elle a envahi tout l’intérieur du fortin qui n’est plus que le royaume d’une faune invisible. A l’approche de nos pas, nous entendons fuir, dans un grincement de tôle ondulée qui jonche le sol, les lézards apeurés. Nous suivons leur dérobade à l’ouïe, ils se frayent un chemin entre les feuilles mortes et les épineux. Toute cette faune grouille autour de nous sans que nous puissions la voir.

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Nous grimpons sur le mur d’enceinte, et là, quelle vue étourdissante sur la rade des Saintes ! Nous avons pris de la hauteur, seuls sur ce caillou de bout du monde nous observons de loin l’œuvre et la vie des hommes. Nous redescendons de notre perchoir parmi les lantanas, les épineux, les chèvres et les lézards. La balade est agréable, nous sommes seuls et cheminons à notre guise. En passant sur la plage à proximité de « la demeure » du Robinson noir, je pense à son bonheur. Il vit là, loin de tout, sur son caillou. Sans doute un choix. Il ne possède même pas de bateau pour s’en aller un peu, voir ailleurs. Son île lui suffit. Ce matin, des pêcheurs sont venus vider leur filet sur la plage. Ils lui ont laissé du poisson. Le soir une lueur sur la plage : il se fait un feu. Il vit là, et coule des jours simples, en retrait de la civilisation, au creux d’une des rades les plus touristiques des Antilles.

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