LA DESIRADE

Archipel de la Guadeloupe

LA DESIRADE

La Guadeloupe par sa façade Est

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Nous descendons le long de l'Arc antillais. Sur la route, nous retrouvons une amie fidèle, la Guadeloupe. Cette fois, nous l'envisageons par sa façade Est. Que du bonheur ! Nous découvrons des paysages variés.

Nous sommes surpris de trouver sur notre route de nombreux mouillages : Gosier, Petit havre, Sainte Anne, Saint François. À la lisière de l'Océan, se dresse la vigie de la Guadeloupe : la Désirade. Elle se dévoile à nous sous son plus beau jour !

L'île aux trésors

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J'espère sincèrement que Monsieur Stevenson ne m'en voudra pas de plagier son titre... Cependant, l'usage du pluriel s'impose! Comment l'envisager autrement ? L'an dernier déjà, la Guadeloupe, Marie Galante et les Saintes, nous imprégnaient de leurs saveurs, leurs couleurs, leur éclat... Cette année, nous complétons notre visite par la façade Est.

Nous atterrissons d'abord à Gosier. Le mouillage se situe derrière un îlot qui abrite un phare littéralement envahi de cocotiers. Nous y retrouvons nos amis les pélicans. Quelques couples séjournent en permanence aux abords de la ville. L'un d'eux, particulièrement amical fréquente les pêcheurs et les enfants à la sortie de l'école. Lors de notre passage, la ville est en complète rénovation. Elle subit quelques améliorations qui lui donneront le confort digne du vingt et unième siècle. Juste ce qu'il faut, car elle garde en son sein de nombreuses cases créoles typiques. La plupart des habitations sont basses et construites en bois. Il règne là, une ambiance particulière. Gosier a une âme. On y trouve encore des métiers traditionnels. Des couturiers, des cordonniers... L'une des boutiques propose de magnifiques tenues traditionnelles. La dentelle y fait fureur. Les modèles uniques sont confectionnés à la main par deux femmes seulement. Quel travail!

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Les habitants de Gosier sont particulièrement sportifs. Dès l'aurore, ils se retrouvent sur la plage pour nager, courir, marcher. Autour de notre Étoile, nous trouvons en permanence des nageurs qui parcourent pas moins de trois kilomètres quotidiennement. Nous assistons même à une des étapes du tour de la Guadeloupe à la nage! Prennent-ils notre esquif jaune pour une bouée de marquage ?

Nous aimons Gosier, mais nous lui préférons des mouillages moins fréquentés. Nous tentons notre chance vers Saint François. C'est sur la route de la Pointe des Châteaux. Nous avions pris la météo avant de partir. À la fin du bulletin, le Cross Antilles Guyane émet ce qu'on appelle des Avurnaves. C'est une sorte de bilan de tous les écueils à éviter. Nous avons entendu qu'une balise de la passe Champagne, qui donne accès au lagon de Saint François, est dégradée. Nous sommes donc particulièrement attentifs à notre approche de ladite passe. Nous sommes sensés repérer une balise cardinale sud. C'est-à-dire que l'écueil à éviter est au Nord. Puis, il faudra repérer pas moins de 7 bouées qu'il faudra négocier du bon côté afin de ne pas s'échouer.

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Le capitaine est aux commandes. Il me charge de repérer les bouées à la jumelle. Ce n'est pas faute d'y mettre de la bonne volonté, mais je vous assure que je ne vois rien... Absolument rien qui ressemble de près ou de loin à une bouée cardinale. OK, cela fait un petit temps que je n'en ai pas vues. Mais quand même ce sont des choses qui ne s'oublient pas. C'est comme le vélo ! Le Cap, me voyant inhabituellement muette, commence à douter de mes capacités de repérage. Il me cède donc la barre et lorgne lui-même dans les jumelles. Tiens, tiens, lui aussi en reste coi. Sans mot dire, chacun reprend sa place, lui à la barre, moi aux jumelles. À vrai dire, je préfère qu'il soit à la barre dans de telles circonstances !

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À un moment, je pense décerner quelque chose.Cela ressemblerait plus à une boîte aux lettres rouillée qui se dandine sur l'eau qu'à une balise cardinale, mais avec beaucoup d'imagination on peut y voir ladite balise. Bingo, c'est elle! Suivent les deux premières bouées, l'une verte, l'autre rouge, toutes deux pimpantes ! Voilà l'entrée de la passe champagne ! C'est après que tout se gâte. Il y a du récif à gauche et à droite. Les fonds sont plus que spartiates, il y a, à certains endroits moins de 3 mètres. La troisième bouée sensée baliser le récif sur tribord, est plus que dégradée, elle est carrément inexistante ! Heureusement, nous rentrons à la bonne heure, le soleil est haut, il nous aide à repérer les couleurs de surface d'eau qui dénoncent la qualité des fonds. Une navette qui passait par là au bon moment, nous signale qu'il vaut mieux longer la bouée "verte" et serrer à gauche. Nous nous exécutons. Dom analyse en permanence la couleur des fonds et le sondeur qui l'aident à anticiper la profondeur d'eau restante. À un moment, sur bâbord, il découvre une bouée de couleur incertaine. Il hésite entre un brun caca d'oie et un orange rouillé. Va-t-il la jouer aux dés pour déterminer si c'est du rouge ou du vert??? Il se déporte sur tribord et désobéit à l'ordre de la navette. Bien vu ! Cette fois il vaut mieux serrer à tribord. Nous relevons la dérive, Dom se faufile dans le lagon, au moment où il me donne l'ordre de jeter l'ancre, je regarde les fonds. Je n'ai jamais mouillé dans si peu d'eau! À marrée basse, Dom peut se rendre à pied vers l'ancre ! La passe de Saint-François voit plusieurs échouages par semaine. C'est dire si le balisage laisse à désirer! Heureusement, les bateaux s'enlisent dans la bande de sable qui fait office de pare-choc avant le récif. Il faut alors jouer les Zorros et partir en annexe pour tenter de sortir de là les malheureux. A la fin de notre séjour, nous voyons un bateau de la gendarmerie maritime s'affairer près des bouées. Les gardes-côtes remplacent peu à peu le balisage... Ce n’est pas du luxe !

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Si à Gosier, nous avons assisté à des compétitions de natations. À Saint-François, nous voyons se dérouler le trophée Gardel. Des voiliers de tout type régatent pendant tout un week-end. Nous avons eu l'immense plaisir d'admirer le trimaran skippé par Claude Thélier qui défendait les couleurs de la Guadeloupe lors de la dernière course du rhum. Un fameux engin ! C'était drôle de le voir au départ en même temps que des catamarans de plage. On aurait dit, Maman Poule et ses poussins.

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Au-delà de la Pointe des Châteaux, une terre m'a toujours beaucoup inspirée : la Désirade. Par son nom, "l'île désirée" suscitait en moi des rêves de traversées. Par sa position, en tant que vigie de la Guadeloupe, elle impose le respect. La Désirade se mérite. Ici aussi, la balise d'entrée de la passe est dégradée. Un récif dangereux cerne l'accès au port de Beauséjour. À l'entrée de la passe, un trois-mâts suédois est mouillé dans des conditions de pleine mer. Il subit stoïquement, la houle, les embruns et les grains. L'entrée vers le port est scabreuse. Seuls les bateaux de faible tirant d'eau peuvent y accéder. Lorsque nous découvrons le petit port de pêche, qui par la météo actuelle est le seul abri possible, nous sommes heureux d'avoir laissé notre Étoile à Saint-François. Il n'y a guère de place au creux de l'antre façonné par la main de l'homme. Deux voiliers allemands tentent de s'amarrer à la digue. Le capitaine de la navette qui nous conduit s'alarme de leur méconnaissance, il n'y a pas de fond, là où ils sont...

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Aujourd'hui, nous sommes piétons ! Laissons les marins à leurs soucis nautiques. Pour parcourir la Désirade nous découvrons les joies du 4x4. Direction l'extrême ouest de l'île. Nous sommes en face de la pointe des Châteaux. Ici, nous apprenons que la canalisation sous-marine d'alimentation en eau potable n'a été inaugurée qu'en février 1991. Avec cette découverte, nous comprenons, qu'une île à peine distante d'un vol d'oiseau de la civilisation peut, en fait, vivre comme si elle était au bout du monde. En réalité, la Désirade vit de son éloignement.

Il faut venir à la Désirade sans rien en attendre. Et du coup, on y trouve tout ce qu'on venait y chercher : rien ! Mais pas n'importe quel rien ! Un absolu de tranquillité ! Une plénitude voisine de la béatitude. Un silence proche de l'ivresse. Une vue dégagée en permanence sur l'horizon lointain, un rêve d'océan.

Les paysages de la Désirade sont insolites. L'île est faite comme une table posée sur l'océan. C'est un socle volcanique de 276 mètres d'altitude. Il s’érige sur un plateau calcaire. À l'extrême Ouest de l'île nous sommes au kilomètre 0 de la Départementale numéro 207. C'est d'ailleurs la seule route de l'île. Celle-ci trace une ligne presque droite de la pointe des galets à la Baie Mahault, dernier village à l'Est de l'île. La superficie de la Désirade n'excède pas 22 kilomètres carrés.

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Bien que la départementale soit en excellent état, nous décidons de nous enfoncer par delà les routes de la "Montagne". C'est ainsi que les Désiradiens nomment le promontoire tabulaire qui occupe l'arrête transversale de l'île. La piste que nous empruntons avait été qualifiée de "praticable" par la loueuse de 4x4. Il est vrai que la vieille voiture tout-terrain rouillée et brinquebalante qui nous serre de véhicule en vient à bout grâce à la pugnacité du conducteur. Mais pour combien de temps encore? Les trous forgés dans le tuf blanc qui serre de revêtement à ce chemin acrobatique sont impressionnants. La suspension agonisante de la voiture nous permet de connaître l'emplacement exact de chaque vertèbre de nos pauvres vieilles colonnes ! Doux plaisir des sports mécaniques ! Là-haut, nous ne sommes pas vraiment récompensés par les prouesses spectaculaires du conducteur. La route est cernée d'une forêt sèche qui ne laisse aucune chance au regard de s'échapper sur les panoramas que l'altitude toute relative de cette montagne présageait. Il faut donc laisser se reposer la mécanique et partir à pied au travers des fourrés d'épineux. Entre nous, là c'est beau !

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Sur la route de la montagne, deux sites valent le détour. Le premier rendez-vous se trouve à la chapelle Notre Dame du Calvaire. Elle a été construite à flanc de montagne en 1904. Monseigneur Maston, Désiradien et évêque de Saint-Claude, sur la Guadeloupe, avait été ému par la détresse des gens de son île après le passage du cyclone qui la dévasta en 1899. Il obtint l'autorisation de démonter une chapelle de son évêché afin de l'offrir à la Désirade. Depuis 1904, elle illumine la forêt de la montagne par sa blancheur immaculée. Sur la terrasse de la chapelle, le point de vue est grandiose. Époustouflant! Nous embrassons du regard 180 degrés d'horizon.

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La façade Nord de la Désirade dégringole de 200 mètres vers une mince bande émeraude. Aux pieds de la falaise, quelques blocs de pierre trahissent la remontée des fonds et la fragilité de l'édifice. Au large, très vite, la mer s'assombrit, sa teinte trahit une fosse marine profonde de 5000 mètres. Entre la façade Nord et la partie Sud de l'île, une succession de ravines dessinent de profonds sillons dans le plateau. Un cordon linéaire de tuf blanc nous rappelle les aspérités de la route que nous venons d'emprunter. Au Sud, la vue plonge vers Beauséjour et son port. Bien que moins abrupte, la pente n'en paraît pas moins vertigineuse. De ce côté de l'île, le rivage est protégé par une barrière de corail. Les lagons se succèdent d'est en ouest tout au long du littoral. Les barques de pêche y trouvent un abri relatif.

Nous voyons l'une d'entre elles se faufiler entre les têtes de corail. Elle quitte l'eau calme du lagon et atteint rapidement le large. Elle fonce dans l'écume blanche des vagues que rien n'arrête. Les pêcheurs Désiradiens jouissent d'une excellente réputation. Ils sont 97 marins pêcheurs sur l'île. Chaque jour, ils partent "à Miquelon", comme on dit par ici. Cela veut dire qu'ils partent, quel que soit le temps, pêcher très loin au large. Les pêcheurs de la Désirade fournissent plus de la moitié du poisson frais vendu en Guadeloupe. Chaque soir, ils rentrent à Beauséjour, ils dévident les filets. La pêche du jour glisse dans les glacières des mareyeurs qui vont, grâce à la navette quotidienne, livrer les poissons à Saint François. Pendant que dans les lagons du Sud de l'île, les canots vont et viennent, nous quittons notre promontoire et nous reprenons le chemin de tuf en direction de l'Est.

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A milieu de la Montagne, nous trouvons un champ d'éoliennes. L'île bénéficie de l'électricité depuis 1960. Un groupe fonctionnant au diesel assurait la plus grande partie de la production énergétique de l'île. Mais ce moyen de production est consommateur de gasoil et par conséquent pollueur. Les éoliennes ont supplanté cet ancien système. Cette source d'électricité est propre et économique. Le parc d'éoliennes assure une économie de gasoil de 600m3 par an et une diminution de CO2 de 1500 tonnes par an. La production de la centrale d'éoliennes de la Désirade est de 2 000 000 de kWh par an. La Guadeloupe et ses îles investissent beaucoup dans les énergies propres. Des champs d'éoliennes existent un peu partout sur le territoire. Cette politique va dans le sens du respect de la nature prôné par les autorités de l'île.

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Nous poursuivons notre route. La Montagne descend en pente douce vers l'océan. Au bout de l'île, un phare se pose comme une colonne d'Hercule à l'entrée de l'archipel guadeloupéen. Un canal de douze kilomètres le sépare de son homologue, sur Petite Terre. Ce sont les premières lumières humaines que voient les bateaux qui viennent de traverser l'Atlantique. Non loin du phare une station désaffectée de météorologie au style rococo attend que les alizés la dégradent complètement.

Il est temps pour nous de rebrousser chemin. Nous rentrons sur Beauséjour par la départementale 207. Nous faisons halte à Baie Mahault. Une ancienne cotonnerie témoigne d'essais économiques infructueux. Aux pieds des ruines, un cimetière a envahi une plage dans le fond d'une anse. L'endroit est désert. Seuls les cabris trouvent les tombes bien pratiques pour s'abriter du soleil. Mélange de genre et de paysages anachroniques. Plus loin des plages se succèdent. Elles sont ombragées par de superbes cocoteraies. Les gargotes sont rares, mais les gourmands trouvent toujours l'endroit idéal où il faut s'arrêter. Sous les cocotiers de la plage du Souffleur nous nous régalons de la meilleure fricassée de lambis que nous ayons mangée jusqu'ici.

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Mais, il est l'heure de rentrer sur l'Étoile. La navette sonne le rappel. Déjà, elle soulève une grosse écume, trait blanc qui nous sépare de la Désirade. Nous ne t'oublierons pas. Protège à jamais ta quiétude.

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