ENGLISH HARBOUR

Le repaire de l'Amiral Nelson

ENGLISH HARBOUR

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WALADLI : calme et active

En quittant la Guadeloupe direction plein Nord, nous laissons à bâbord la chaîne des îles volcaniques. Nous partons rejoindre un groupe d’îles coralliennes que sont Antigua, Barbuda, Saint Martin et Anguilla. A vrai dire, vue du large Antigua n’est pas aussi spectaculaire que les îles volcaniques qui présentent toujours un relief époustouflant. Les lignes d’Antigua sont sages et discrètes, son point culminant dépasse à peine 400 mètres d’altitude.

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Christophe Colomb la découvrit en 1493. Il ne la trouva guère intéressante et avant de passer son chemin, il la baptisa selon le nom de son bateau qui était « La Santa Maria de la Antigua de Seville » Savait-il qu’avant lui, une tribu amérindienne lui avait trouvé un nom bien plus exotique ? En effet, quelques 2400 ans avant que le célèbre navigateur croise dans les eaux limpides de l’île, une tribu de Siboneys s’établit sur l’île. Plus tard, ils furent chassés (ou mangés ?) par les Indiens caraïbes, peuple cannibale venu de l’Orénoque. Ceux-ci la nommèrent Waladli, qui est l’adaptation phonétique anglaise d’un nom archivé par un missionnaire guadeloupéen en 1628, soit Ouladli.

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L’île resta à ses premiers habitants jusqu’en 1632, date à partir de laquelle les Anglais s’intéressèrent à elle et s’y établirent peu à peu. Depuis lors l’île est restée Anglaise. Quelques incursions françaises ont perturbé ça et là l’atmosphère anglo-saxone de l’île. Mais si peu à vrai dire…

En 1981, l’île s’émancipe de la couronne et devient indépendante. Malgré tout, l’île est imprégnée d’une ambiance soooooo British. Ici, l’exubérance créole s’enveloppe d’un carcan vertueux. La fantaisie des îles semble gentiment céder le pas à l’esprit cosy d’outre manche. Les pastels des cases s’estompent et s’allient à des teintes pâles et réservées. Les lolos rasta gardent une allure proprette de toute circonstance. Les doudous portent des bibis tels qu’on les imagine en visite chez la reine mère. Les maisons plus importantes arborent un style quasi colonial. A la limite de leurs jardins, l’opulence de la végétation est domptée par une haie vive qui cache une pelouse régulièrement tondue. Les bas côtés des routes sont propres. La plupart des plages sont nettoyées et ratissées. Les villages semblent régentés par une alliance tacite entre toutes ces influences opposées et complémentaires. Ce mariage réussi, donne une impression de pérennité.

Le repaire de Nelson : English Harbour

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Cette impression se confirme lorsque l’on passe à l’extrême Sud de l’île la Pointe Charlotte et que l’on double le Cap du Fort Berkeley. En effet, au moment où vous dépassez les célèbres colonnes d’Hercule, qui marquent majestueusement l’entrée d’English Harbour, l’étrave n’a plus qu’à bien se tenir, nous sommes dans le repaire de Nelson !

Ce site est exceptionnel à plus d’un titre.

Il est tout d’abord le dernier exemple au monde d’architecture navale géorgienne (George II et George III – XVII et XVIII siècle) En ceci, il gagne le titre de « modèle unique ». On ne peut tarir d’éloges sur le soin et la fidélité avec lesquels les infrastructures ont été restaurées.

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En vous baladant dans cette base navale vous découvrirez ses deux vies, tout aussi passionnantes l’une que l’autre : d’abord, sa période de construction et d’utilisation en tant que chantier naval britannique (1725-1889); puis, après son abandon sa reconstruction et sa réhabilitation en tant que base nautique très en vogue en ce 21ème siècle. Ici, plus qu’ailleurs dans l’île, les opposés se marient et font bon ménage. C’est à la fois un port actif et calme. Il s’anime suffisamment pour lutter contre l’ennui, mais il respecte en même temps la sérénité des plaisanciers. Les Yachtmen y trouvent tous les corps de métiers qui les assisteront avec talent dans leurs réparations.

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La Antigua sailing week a acquis une réputation mondiale. Depuis 1967, les yachts les plus luxueux de toutes nations participent à des challenges et se lancent des défis tout au long de la semaine de clôture de la haute saison (fin avril, début mai) Les yachtmen s’y rencontrent, et s’y retrouvent. Ils se jettent des défis nautiques et font claquer l’écume sur leurs coques rutilantes. D’année en année la réputation du site grandit. A tel point qu’aujourd’hui, le Nelson’s dockyard est redevenu l’un des hauts lieux du nautisme antillais.

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Pendant et en dehors de cette période, vous verrez les plus beaux sloops du monde. Il suffit de se balader sur les quais de « Catamaran Marina » ou de Falmouth bay pour admirer des coques rutilantes, des lignes parfaites de fins coursiers qui n’attendent que leurs riches propriétaires pour gonfler leurs voiles d’alizés. Il y a ici, des voiliers de plus de 60/70 mètres… En décembre 2004, Antigua a eu l’honneur d’accueillir le plus grand sloop du monde. MirabellaV est le jouet que s’est offert le président fondateur d’Avis. Impossible de passer inaperçu avec de telles mensurations : 247 pieds (75 mètres de long et 15 mètres de large) un mât de 89 mètres, une voilure qui équivaut à la moitié d’un terrain de football (3400 m²). La location de ce bijou pendant une semaine vous en coûtera entre 200 000 et 375 000 euros… antigua Ne soyez pas tristes, après sa saison estivale en Méditerranée, il reviendra à Antigua l’hiver prochain !

Mais il n’y a pas que ces unités modernes pour ravir les yeux des passionnés de voile, des vieux gréements viennent souvent faire honneur de leur présence dans English Harbour. Ainsi, nous avons vu défilé Tenacious, 3 mâts voiles carrées, qui donna le temps de quelques jours une atmosphère de reconstitution au port. Le Royal Clipper cinq mâts vient régulièrement s’ancrer dans Falmouth Bay.

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On l’a compris Falmouth bay et Nelson’s Dockyard sont des hauts lieux du nautisme de la mer des Caraïbes.

En plus de cette activité nautique intense, le Nelson’s Dockyard est un site qui permet de nombreuses randonnées. Le Royal Naval TOT club a entrepris d’entretenir et d’ouvrir plusieurs chemins de randonnées qui sillonnent à loisir toutes les collines environnant le port.

Randonnées à perpétuité

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Nous sommes restés plus d’une semaine au Nelson’s Dockyard, et malgré notre détermination à explorer tous les « trails » (chemins de randonnée), nous n’avons pu épuiser toutes les possibilités que recèlent les hauteurs du site.

Chaque colline est le prétexte d’une randonnée, où l’Histoire et les panoramas époustouflants se conjuguent facilement. Amateurs de vieilles pierres, de marche, et de botanique exotique, ne cherchez plus, vous trouverez ici votre paradis ! Chaque sommet est pourvu d’un fort plus ou moins restauré. Ici, vous trouverez un ancien relais de poste, là les fondations d’un hôpital, plus loin vous trouverez des tessons de bouteilles très anciennes, un cimetière et des stalles datant de l’époque de Nelson, une demeure effondrée où il ne reste que quelques arches si belles que l’on peut encore imaginer l’élégance du bâtiment. Vous pouvez en quelque sorte vous prendre pour des aventuriers redécouvrant au rythme de vos pas la vie des militaires du XVIIème et du XVIIIème siècle.

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Certains chemins sont plus accessibles que d’autres, mais au final la récompense est là. Vous vous serez baladés au sein d’une végétation sèche tropicale type. Elle offre une diversité plus importante que l’on s’imagine, et vous prendrez plaisir à reconnaître. L’aloé verra qui forme des bouquets de fleurs jaunes caractéristiques. Le cactus préféré des îles coralliennes : la tête à l’anglais ou Turkish Head pour les Anglais est un piège pour les randonneurs peu prévoyants car leurs aiguilles transpercent les semelles des chaussures. Les bouquets de Yuka. Les austères cactus cierges qu’il vaut mieux ne pas confondre avec une branche à laquelle rattraper un mauvais équilibre. antigua Les majestueux agaves américana, ils lancent vers le ciel cette imposante fleur qui sonne le glas de leur existence. Et puis certaines falaises sont de véritables bouquets de cet arbrisseau que les Anglais nomment «Appel of Sodom» (l’arbre à soie). Il est étrange car il peut porter en même temps toutes les étapes de sa floraison depuis la fleur, en passant par le fruit qui s’ouvre pour laisser s’échapper une myriade de pompons cotonneux que le vent emporte pour coloniser le voisinage. Attention, le latex, de cet arbuste aux apparences inoffensives, est un poison !

L’on ne peut quitter Nelson’s dockyard sans avoir pratiqué quelques-uns des plus beaux chemins. Voici les plus beaux :

LOOCKOUT TRAIL
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Sur le Shirley Heights, le « lookout trail » vous mènera à l’ancien sémaphore du Nelson’sDockyard. Le sommet de la colline surplombe de 150 mètres le bassin de Freeman’s bay. La vue sur les deux baies (Flamouth et English Harbour) est somptueuse. A vos pieds, les lagons brillent de l’éclat d’autant de pierres précieuses.

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Lorsque la visibilité le permet, votre regard portera au sud jusqu’en Guadeloupe. Vous verrez Montserrat et son volcan actif, et plus loin à l’ouest Redonda. A l’est de vastes lagons aux eaux turquoise sont frangés d’écume scintillante qui brise sur les récifs qui les séparent du grand Océan.

Au XVII ème siècle les Anglais utilisaient ce site comme sémaphore. Par un système de signaux optiques (drapeaux) ou sonores (coups de canons) ils transmettaient des messages au fort Saint George sur Monks Hill, situé plus au Nord et en vue direct de Saint John. Le fort Saint George relayaient à son tour le message à la capitale. Ainsi toute l’île était en liaison permanente avec la ville principale et son gouverneur.

MIDDLE GROUND TRAIL
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A l’entrée du Nelson’s Dockyard, la colline Ouest porte le Fort Berkeley. C’est une balade facile qui vous donnera accès à un entrepôt de poudre bien restauré et à un petit fortin. Quelques canons surveillent encore les plaisanciers qui useraient intempestivement de leur moteur… Le rempart qui est érigé face à la mer semble avoir souffert depuis quelques années des assauts des vagues.

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La balade se poursuit vers l’ouest par le Middle Groud Trail qui gravit la colline qui sépare la baie de Nelson’s dockyard et Falmouth Bay. C’est une randonnée facile, où les cabrits vous guideront de leurs bêlements. Si ils ne sont pas là, ne vous inquiétez pas, il y a des marques bien visibles. Cette balade est belle surtout au cocher du soleil. Les teintes du lagon peu à peu s’éteindront tandis que celles du ciel se déchaîneront. Il y a tout au bout de Black Point les fondations d’un ancien poste de surveillance, c’est devenu un endroit très romantique pour admirer « the Sunset ». Vous ne reviendrez pas sur vos pas, et poursuivrez vers Falmouth Bay… Ca tombe bien, les bars du bord de la marina organisent des « happy hour »…

CARPENTER AND JONES’VALLEY TRAILS
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Au bout de Freeman’s Bay, vous trouverez l’entrée d’un chemin de randonnée c’est le Carpenter Rock Trail. En un peu plus de 3 kilomètres il vous mènera au bout de vous-même si vous souffrez de vertige ! En effet, cette balade magnifique, vous conduira par des pistes utilisées par les cabris au sommet des falaises qui bordent la côte Sud d’Antigua. D’ailleurs vous ne croiserez que des biquettes ! En contrepartie des efforts dépensés, vous vous sentirez seul au monde à observer les plus beaux panoramas qui soient ! Tout est magnifique, la végétation, les courbes des roches qui se jettent vertigineusement dans l’écume bouillonnante qui martèle le pied des falaises. Jusqu’au bout de l’horizon, vous pourrez contempler les caps qui se répondent et s’interpellent dans un imbroglio de baies profondes qu’ils défendent. Il vous faudrait des yeux dans le dos pour tout apprécier !

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Au Nord, dans la brume, depuis ses hauteurs, la Guadeloupe surveille vos infidélités à la mère patrie…

Lorsque enfin, la piste cesse de grimper, le sommet de la colline vous offre la visite gratuite de sites historiques. Tout d’abord, le cimetière et la fameuse pyramide qui commémore le courage des militaires morts pour avoir défendu les intérêts de la couronne sur cette île. Puis, les restes d’une demeure magnifique à en juger les arcades et les murs de pierres de taille, elle servait de quartier aux Officiers. Plus loin les bases du tout premier fort que les Anglais établirent lors de leur établissement en 1632.

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Du Cap Shirley vous dominerez les baies très découpées du Sud-Est d’Antigua. A vos pieds, l’Indian Creek. Baie sinueuse et solitaire qui impulsera sans nul doute notre prochaine incursion à Antigua.

Aucun panorama ne mérite la préférence, tout est à voir !

Pour rentrer à Freeman’s bay, deux solutions : soit par le Loockout trail, mais nous l’avons déjà fait, soit par le Jone’s valley trail, nous choisissons donc celui-ci. Le chemin débute par la découverte de citerne datant du XVIIème siècle, elles sont désaffectées, heureusement, car au vue de la qualité de l’eau je crois que même les cabris n’y surviraient pas. On comprend mieux, pourquoi, le climat tropical ne convenait pas aux européens à cette époque. D’ailleurs, non loin de là, nous trouvons de nombreuses tombes qui jalonnent le sentier. Sur certaines stalles on peut encore lire les inscriptions. L’une d’entre elles date de 1795… Cette balade nous conduit au creux d’une vallée, et se poursuit dans le lit d’une rivière. Mieux vaut la faire par temps sec, la randonnée se transformerait rapidement en canyonning.

Retour vers l’ambiance SOOOOOO BRITISH

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Le site par ses multiples aspects revêt un intérêt incontestable.

Et pourtant…

Pour tout vous avouer, nous avons quasiment la sensation de basculer dans le camp adverse ! Bizarre, ce jeu des frères ennemis qui sévit depuis des siècles entre les deux nations.

Et pourtant…

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Les Anglais ont fait la réputation de Nice et de Cannes, ils aiment la France.
Et, English Harbour est tant apprécié par les Français que certains d’entre eux s’y sont installés.
The Catherine’s Café a presque la renommée d’un Fouquet’s, The Mainbrace Pub est tenu par une française, ainsi que le HQ² Restaurant.
Lorsque vous entrez dans le port, la proportion de Bénéteau et autres marques françaises sont quasiment en majorité…
Si Nelson revenait, il en attraperait un mal incurable…
Si Napoléon voyait ça… il en ressusciterait de son ulcère.

Alors, on comprend peut-être mieux pourquoi sur le coup des 18 heures (6 PM), la Royal Naval TOT club (celui qui entretient les sentiers…) se réunit. A coup de lampées de rhum, les membres du club s’encouragent et tour à tour vénèrent la Reine (To the Queen !!!!) et insultent les Français ! Il paraît qu’ils sont furieux qu’on leur ait tué leur Nelson à Trafalgar… Ils sont bien injustes, le boulet était espagnol !

Où se déroulent ces turpitudes ? Hé bien au Mainbrace Pub, bien sûr !

L’Histoire à l’Anglaise ou à la Française ???

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Lors d’une visite au « Nelson Museum de English Harbour » vous pourrez lire ce passage :

« Depuis les temps reculés, l’Espagne contrôlait la mer des Caraïbes. Mais avec l’expansion coloniale britannique, ce contrôle a été menacé. Pour contrecarrer, ce fait, dès 1720 l’Espagne intensifie son acharnement contre la flotte anglaise. Plus tard, en 1739 on verra la déclaration de guerre contre la France et l’Espagne. »

Les jeux sont faits !

En fait, si le contenu de ce passage n’est pas faux, il omet quelques détails et le résultat donne que l’on se dit : « Pauvres Anglais, assaillis de toute part… il fallait bien qu’ils se défendent !!! »

Revivre les épisodes manquants :

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En 1492, Christophe Colomb entame son premier voyage. Financé par Isabelle et Philippe d’Espagne, ceux-ci voulaient s’assurer la légitimité de la propriété des nouvelles terres qui seraient découvertes. Ainsi, ils font appel au Pape, qui émet une « bulle » assurant que toute terre découverte en deçà de 3000 milles des côtes du Portugal resterait aux Portugais, tantdis que toute terre au-delà de cette distance appartiendrait aux Espagnoles. De fait, le « Nouveau Monde » appartenait donc à l’Espagne, il ne restait plus au Portugal que le Brésil qui fait une incursion suffisante dans l’Atlantique pour rester dans leurs limites.

Les Espagnoles en découvrant les îles de la mer des Caraïbes délaissent très rapidement les Petites Antilles. Peuplées de cannibales, elles étaient pauvres en ce minerai tant recherché : l’or. Voyant ça, les Français virent là une niche pour tenter de se développer. Les îles ne recelaient pas d’or, mais, elles révélèrent rapidement un potentiel d’enrichissement qui se nommait : tabac, café, sel, sucre, indigo, cacao… (le rhum c’est pour plus tard…)

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Ensuite, les Anglais et Hollandais qui ne voulaient pas rester chez eux les bras croisés à regarder passer les bateaux en partance ou en provenance du Nouveau Monde, prirent comme prétexte d’échanger des esclaves qu’ils livraient aux colonies espagnoles, contre du sel, du tabac et de l’indigo qui faisaient fureur dans les pays européens.

Dans la première moitié du 16ème siècle Martin Luther donne naissance au mouvement de la Réforme. En 1552, l’Angleterre adopte d’anglicanisme comme religion d’Etat, ainsi les prétextes pour s’attaquer aux galions catholiques changent. Plus d’échange ou de troc, mais la défense du protestantisme sur les mers !

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En ces temps de trouble, le Nouveau Monde attise bien des convoitises, et c’est presque tout naturellement que l’on voit surgir une nouvelle génération de marins. Les « frères de la côte » écument les mers. Non, non… ne confondez pas, ce ne sont pas des pirates, mais des flibustiers… Ca sonne mieux non ? Dans les faits, leur rôle est le même, mais politiquement, il y a comme une nuance. Embêtées par des problèmes de souveraineté légitimée par le Pape, les nations exclues du Nouveau Gâteau à se partager, laissèrent l’initiative à des gentilshommes de leur royaume, d’affréter des navires en partance pour les îles de l’autre côté de l’Atlantique. Ces navires avaient pour mission, non commandée officiellement par leur gouvernement, d’appréhender les bateaux, hispaniques ou de nations ennemies, chargés des richesses pillées aux tribus amérindiennes. Est-ce vraiment du vol que de voler un voleur ?

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Les flibustiers et corsaires de toute nation avaient élu domicile dans les Petites Antilles. Contrairement aux colons qui exterminaient à force de labeur, de maladies et de mauvais traitements les tribus amérindiennes ; les flibustiers, eux, s’alliaient à ces nations de la première heure. Ils pouvaient ainsi trouver abri dans les meilleures baies de leurs îles et faire du troc avec les indigènes afin de pourvoir à l’avitaillement des navires et des équipages.

Leur rôle allait parfois jusqu’à prendre possession d’un territoire au nom de leur couronne.

En 1655, Cromwell ravit à la couronne hispanique la Jamaïque et offre ainsi une patrie privilégiée au monde parallèle de la flibuste.

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De 1640 à 1815, les îles connurent un état permanent de conflit. Certaines îles battent de funestes records et sont, comme Tobago, plus de 31 fois le théâtre de rivalités et d’échanges de souveraineté. Attention, les Antilles n’étaient pas le terrain de jeu des uniques frères ennemis anglo-saxons et français. Pour pimenter les divertissements, s’y mêlaient, les Danois, les Hollandais, …

D’où la nécessité d’un port protégé de tout et de tous

C’est dans ce contexte, que les Anglais prirent possession d’Antigua en 1632. Rapidement, une communauté s’organise, les propriétaires terriens deviennent planteurs et abusent de la main d’œuvre à bon compte qu’est le bois d’ébène (les esclaves). Ils s’installent et rapidement, il leur faut un port protégé d’où ils peuvent débarquer les denrées nécessaires et embarquer leur production.

Les planteurs, prospectent et retrouvent les bases d’un site privilégié par les premiers habitants de l’île. Tout au Sud de l’île les amérindiens avaient déjà compris les qualités indiscutables de la baie. Si le projet est à l’instigation des civiles, ce sont les militaires qui réalisèrent les travaux dès 1725.

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Des qualités indiscutables

- La baie est encerclée de collines qui la rempare contre les vents dominants
- L’entrée forme un bras de mer étroit et sinueux qui ne laisse pas passer les caprices de la mer
- La baie est fermée par une mangrove profonde qui constitue un excellent abri anti cyclone
- Vue du large la baie est indécelable, car l’entrée forme une chicane et le mouillage est caché par une presqu’île
- Les nombreuses collines qui entourent la baie sont autant de point où des vigies et des forts de défense peuvent être installés
- Dès la sortie de la baie, les navires touchaient les alizés. Il ne faut pas oublier que les bateaux de l’époque étaient hautement peu manœuvrant.

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Afin de rapidement trouver leur cap et fuir en cas de piratage, il était primordial de trouver rapidement des vents favorables.

Toutes ces qualités permirent aux Anglais d’établir Antigua Naval Yard (hé oui Nelson n’est pas encore né !) La base navale prit un essor rapide. Entre le XVIIèm et le XVIIIème les bateaux en poste dans la région pouvaient assurer une présence permanente dans la mer des Caraïbes, sans être obligés de remonter dans les colonies du Nord lors des carénages ou d’éventuelles réparations. L’escadron de sa très Gracieuse Majesté pouvait ainsi veiller en permanence sur le bon déroulement du commerce dans une zone qui couvrait plus de 1600 kilomètres tout au long de l’arc des Petites Antilles. La base navale permettait également de protéger les navires de commerce qui débarquaient ou embarquaient leurs marchandises en toute sécurité. Elle pourvoyait également aux besoins d’avitaillement de la flotte militaire et marchande.

Une ruche nautique
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Tous les corps de métiers étaient représentés dans cette base navale. Dès 1744 les Britanniques importèrent des esclaves pour suppléer au surplus de travail. Peu à peu, ils furent formés à tous les métiers nécessaires au bon fonctionnement de la base. En 1748, soit 25 ans après la pose de la première pierre la base comptait 56 employés dont 26 noirs. En 1780, 209 personnes travaillaient sans relâche. La population d’esclave était passée à plus de 73%.
On trouvait des noirs à tous les échelons de l’artisanat naval : scieur de long, charpentier, calfateurs, peintres, caréneurs, maçons, voiliers, forgerons, dockers…

Afin de pourvoir en matière première à tous ces travailleurs, de nombreux entrepôts spécialisés ont été construit. L’on trouvait en bordure des quais, des entrepôts de bois à couper, de chanvre pour les cordages, de cuivre, les tissus pour faire les voiles…

Méthode ingénieuse de carénage
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Les bateaux qui venaient de traverser l’Océan ou qui avaient passé une saison dans la région devaient être carénés. En effet, les eaux chaudes véhiculent d’innombrables et microscopiques bestioles prêtes à se nourrir des coques en bois des navires. En plus, elles deviennent d’admirables logements pour les coquillages et les algues. Afin de garder l’étanchéité de la coque mais aussi ses performances maritimes, il est indispensable de nettoyer et de peindre la coque. Cela s’appelle le carénage.

Etapes du carénage

- le bateau était amené en eaux profondes le long du quai
- ensuite il était allégé de tout ce qui constituait les parties mobiles du bateau (lest, conons, mobiliers, chargement, tonneaux…)
- le mât principal était retiré et remisé à terre
- le gréement servait à cercler la coque
- des cordes de halage étaient portées en haut des mâts restant
- a l’aide de cabestans, le bateau était déjaugé en tirant sur les cordages fixés en haut des mâts restants
- la coque ayant acquis une inclinaison suffisante le travail de nettoyage et de peinture pouvait commencer
- lorsque le travail était fini d’un côté, il ne restait plus qu’à recommencer la même opération de l’autre côté

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L’arsenal militaire

Il y avait également en marge du chantier tout un arsenal militaire prèt à défendre le site de toute incursion étrangère. Chaque colline environnante était munie de son fort de défense, de son magasin de poudre, de son quartier des officiers…

Un haut lieu de dépravation

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Si la base navale était l’une des plus importantes bases anglaises des petites Antilles, où les bateaux pouvaient y trouver tout ce dont ils avaient besoin. Elle était aussi, pour les marins, l’une des seules occasions où ils pouvaient toucher terre et y retrouver ses plaisirs.

C’est ainsi que l’ « Antigua Navy Yard » acquit rapidement, la réputation d’un des endroits les plus dépravés de la création antillaise. Les rares visiteurs en provenance directe de la patrie mère pouvaient être sooooooo chocking de voir les marins boire jusqu’à oublier toutes les abominations que leur avait infligées la mer. Ensuite, ils se jetaient à corps perdu dans les bras des filles qui échangeaient contre leurs maladies des habits, de la literie voire du ravitaillement.

L’alcoolisme était un tel fléau qu’on suggéra de planter tout autour de l’hôpital des cactus géant afin d’éviter de voir passer en fraude des spiritueux aux patients.

Rien de tel qu’un Neslon pour remettre de l’ordre

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C’est dans ce contexte que Nelson débarqua au Antigua Navy Dockyard un beau matin de juillet 1784 de la frégate Boreas. Il avait 26 ans, et naviguait depuis déjà plus de 14 ans. Il avait gagné ses galons de capitaine en défendant les intérêts de la couronne face à la révolution américaine.

A cette époque, il était encore jeune et beau ET entier (il perdit un œil devant les remparts de Calvi 1794 et un bras devant Santa Cruz de Ténériffe 1797). Mais il était surtout un sujet zélé. Dès son arrivée il entreprit de réprimer les abus qui proliféraient à l’ombre des collines du célèbre Yard. Il décida également d’appliquer à la lettre les règlements maritimes édictés par la couronne et ordonna de fermer l’accès au port à toute unité ne battant pas pavillon britannique. Ainsi, il bouleversa quelques peu les habitudes des planteurs de l’île qui avaient pris l’habitude de commercer avec la toute nouvelle nation américaine.

Il avait été affecté à Antigua sous les ordres de Sir Richard Hugues, mais celui-ci perdit l’usage d’un œil (lui aussi ?) en pourchassant un cafard avec une fourchette… Hum… le rhum est drôlement bon à cette époque… Par la suite, Nelson fut promu au grade de commandant de la « Leeward Islands Squadron ».

C’est sans doute lors d’une prospection qu’il rencontra France Nisbet à Nevis, île voisine d’Antigua. Il se maria avec la douce France en 1787 sur l’île natale de sa tendre moitié. Jamais il ne parvint à rendre France heureuse. Le prénom a dû jouer quelque peu les trouble-fête, non ???

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En 1789, Nelson est affecté à Portsmouth, lors de son embarquement, il est au plus mal, et fait charger un fût de rhum, afin de conserver son corps jusqu’à destination s’il venait à mourir en mer. (Sacré bonhomme !)

A vrai dire son passage ne laissa pas que des bons souvenirs, et le gouverneur de l’époque un dénommé Shirley, fut soulagé de voir partir l’intrépide guerrier vers d’autres horizons… Dommage, dès lors il n’eut de cesse que de chatouiller les intérêts franco-espagnols. Demandez à Napoléon, je suis certaine qu’il se souvient de lui comme d’un teigneux…

Quoiqu’il en soit les siècles ont passé, et les Antiguais ont décidé de rebaptiser le port qui fait face à la Guadeloupe : Nelson’s dockyard. Il est avéré que le responsable de Trafalgar et d’Aboukir reste le héros préféré des Anglais… Vous voyez bien qu’ils nous en veulent !!!!

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1805

L’arsenal compte plus de 330 employés, il est à l’apogée de sa gloire.
Les Anglais du monde entier fêtent leur suprématie sur toutes les mers du monde acquise au prix de la vie de Nelson à Trafalgar. Mais cette victoire, sonne aussi le glas d’une période. Faute d’ennemis, la flotte anglaise n’a plus de raison d’être. Ainsi des endroits comme Antigua Navy Yard sont peu à peu laissés à l’abandon.

Le chantier est définitivement fermé par décret en 1889

La renaissance

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Au début du 20ième siècle, un plaisancier britannique parti pour faire le tour du monde fait escale à English Harbour. Il trouve le site dans un état tel de délabrement qu’il en a le cœur chaviré. Il décide de s’y installer… Peu à peu, les consciences se réveillent. En 1931, le gouvernement entreprend les premières restaurations. En 1951, la Nicholson Charter Company est créée. On crée des « amicales » de English Harbour, et le virus de la restauration s’installe. Chaque entrepôt, chaque maison est relevée à l’image exacte de ce qu’ils étaient 100 ans plus tôt. Seule leur fonction change. Ici, c’était un entrepôt de cuivre, c’est à présent une boutique de luxe. Là c’était l’entrepôt de bois, c’est aujourd’hui un restaurant.

La restauration est fidèle et la reconversion est adaptée à la vie du 21ème siècle.

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