Aujourd'hui, le 6 novembre 2005 - Mail 42

Nombre de milles parcourus : 6373 milles
Zone de navigation : Venezuela

Le Venezuela ou les arcanes d’un prisme

«La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen 1789

Le Venezuela est un pays particulier. Certains endroits sont de réels coupe-gorge, et d’autres régions sont des petits paradis. Le golfe de Cariaco en fait partie. Il abrite une faune inépuisable composée de dauphins, d’orques, de baleines, de pélicans, de cormorans… Nous faisons la connaissance de l’équipe du village et de la marina de Medregal qui est une escale sympathique et humaine. Dans l’Etat de Monagas, au Nord-Est du Venezuela, nous découvrons le massif de Caripe, ses villages pittoresques, ses sommets de plus de 2000 mètres. Nous perçons les secrets du trésor géologique de la grotte de Guacharo’s. Puis, nous nous arrachons de ces amitiés trop fulgurantes qui jalonnent ce type de voyage. Nous papillonnons avec les îles Caracas dignes d’un décor de Far-West. Et revenons sur Mochima pour une balade en taxi-co inoubliable…

Bonjour à tous,

Le golfe de Cariaco, recèle de véritables trésors. Les mouillages sont multiples et la vie nautique y est simple. Parfois, la proximité de la ZCIT (zone intertropicale de convergence ou équateur météorologique) et des hautes montagnes catalyse les orages à l’origine de quelques facéties climatiques qui rythment le cours des après-midi.

Tout au fond du golfe, Médrégal est un mouillage très populeux… Imaginez l’enfer !
Dès l’aurore, les pélicans bruns plongent si près de nous que nous craignons parfois qu’ils se heurtent à la coque. Ils se servent dans le garde manger que constitue l’environnement proche du bateau. Sous l’Etoile de Lune des centaines de petits poissons viennent trouver abri. Ils sont si nombreux que certains capitaines n’hésitent pas à pêcher à l’épuisette la pitance de leur animal de compagnie… Les cormorans passent sous le bateau en apnée et se servent au passage. Certains matins, ce petit peuple est accompagné de dauphins qui poussent les bancs de poissons devant eux, ils n’hésitent pas à tourner, eux aussi, autour de l’Etoile de Lune. Très haut, au-dessus du mât, des balbuzards pêcheurs et des samuros rodent en quête de leur nourriture. Sur le pont, plusieurs variétés d’hirondelles s’habituent à notre présence et au bout de quelques jours auscultent le gréement à la recherche de l’endroit propice pour y établir leur nid… Que vous dire ? Cette petite faune a peut-être confondu l’Etoile de Lune avec l’arche de Noé ?

A Medregal, c’est évident, nous nous sommes intéressés à la présence d’une faune abondante, mais elle a apprécié la nôtre aussi ! En particulier, la famille des moustiques est devenue fan des jambes athlétiques du capitaine ! Peu de plaisanciers prennent la peine de venir jusqu’au fond du Golfe de Cariaco. C’est dommage car à terre, nous renouons avec les bons côtés de la civilisation humaine. Jean-Marc et Yoleida ont construit le Medregal Village, hôtel-restaurant tourné vers la mer où le marin est accueilli avec bienveillance. C’est une escale attachante qui nous a plongés dans un climat de confiance parfaite. Tout le village se fond dans la nature, chaque habitation est construite sur le modèle des churuatas. Les churuatas sont les habitations des indiens de l’Orénoque, ajourées, leur toit est fait de palmes des cocotiers. Elles sont disposées de telles manières qu’elles assurent l’étanchéité de la demeure pendant près de 10 ans. Le village a ajusté les cabanes indigènes au confort requis au 21ième siècle.

L’Amour que porte l’équipe de Medregal au Venezuela est communicatif. Ils nous ont sortis de la dimension marine, pour accéder à un angle de vue beaucoup plus terrien. Nous avons sillonné le Massif du Caripe, dans le Nord-Est du pays. Certains sommets culminent à plus de 2000 mètres. L’altitude favorise des changements climatiques, la végétation en est témoin. Ainsi nous retrouvons des espèces subtropicales comme l’agapanthe que nous n’avons plus vue depuis les Canaries. Nous traversons des zones potagères où les légumes des régions tempérées et tropicales se côtoient. Nous nous régalons de fraises… Des fraises ! Je n’en avais plus mangé depuis plus d’un an… Nous traversons des villages où il fait bon vivre et frais.

Nous profitons de cette escapade pour visiter les grottes de Guacharo’s. Connues des Indiens depuis la nuit des temps, ils croyaient que l’âme des anciens demeurait au fond des grottes. En pénétrant dans les grottes, nous rejoignons le monde des ténèbres habité par de curieux oiseaux troglodytes qui fuient la lumière. Ils se repèrent en lançant un bruit inquiétant. A certains endroits, l’espace tout entier est envahi de ces cris, et nous sentons voler ces ombres fantomatiques autour de nous… La grotte est considérée comme un trésor géologique et recèle de stalactites et de stalagmites que des centaines de millions d’années ont façonnées.

Rien ne manque à Medregal. La gentillesse s’allie à l’esprit d’entreprise et Jean-Marc s’est associé à Frédéric, le navigateur. Ils mettent en place une marina à sec qu’ils espèrent ouvrir avant la saison prochaine. Les lieux de carénage du pays sont déplaisants, surchauffés et malpropres. Ici, tout est pensé pour le confort des marins dans un esprit de liberté. Les marins pourront enfin envisager de travailler sur leur bateau dans un cadre agréable, car toute l’aire de carénage est construite selon le style des churuatas. Ils ont aussi pensé aux familles avec enfants. Les parents pourront travailler au bateau, pendant que les enfants s’ébattront sur la plage, à la piscine ou sur l’aire de jeu conçue pour eux. Des forfaits avantageux permettront de vivre dans des churuatas climatisées le temps que le bateau reste au sec… Les marins ont hâte qu’un tel endroit ouvre ses portes !!! (consultés l’article sur Medregal, pour détails, adresse et suivi des travaux de mise en oeuvre)

Nous quittons à grand peine ce village idéal, mais la route vers la découverte du Venezuela est encore longue. Les navigations dans le golfe ne sont jamais solitaires. Outre les hirondelles qui suivent leur Etoile pendant plusieurs milles, les hordes de dauphins sont toujours fidèles à son étrave. Plus impressionnante est la rencontre d’une famille d’orques. Des baleines à bosse croisent également dans ces eaux poissonneuses.

A l’Ouest du Golfe de Cariaco, les îles Caracas sont de véritables merveilles. Elles ne sont peuplées que de quelques familles de pêcheurs qui vivent dans des churuatas. L’enchevêtrement des îles forme des petits canaux qui dessinent un labyrinthe coincé entre la Cordillère des Caraïbes et les mamelons rudimentaires des îles. La roche réunit les rouges, les oranges, les bruns, parfois l’anthracite vient souligner les couleurs plus vives. Ces teintes psychédéliques se conjuguent à l’histoire sismique du relief, et chaque falaise semble être l’œuvre d’un artiste de génie. L’espace est si immense que nous parlons à peine, de crainte que l’écho nous réponde. Une famille de dauphins vient illuminer la proue. Une maman est accompagnée de son petit. Lui apprend-elle à jouer avec l’étrave ? Il est adorable, lorsqu’il saute, il montre son petit ventre encore rose…

Il est dommage de ne pas pouvoir s’arrêter, dans ces îles, et y mouiller pour quelques jours. Après la mésaventure de Roblédal au mois de septembre, nous sommes prudents et ne pratiquons plus que les mouillages fréquentés. En essayant si possible de ne pas naviguer seuls…

Arrêt donc, à Mochima. Nous y laissons notre étoile le temps de prendre le taxi collectif pour aller rejoindre des copains restés à Cumana. Le taxi-co est une aventure en soi ! Pour 1350 bolivars (l’équivalent de 0,54 euros) vous vous offrez un tour d’une heure et demi dans la cordillère caraïbe. Nous traversons la campagne verdoyante parsemée de petites maisons qui abritent le plus souvent des hamacs où s’alanguissent les habitants en attendant la fraîcheur du soir… Le chauffeur conduit d’une oreille et écoute d’un œil son voisin. C’est à dire que la musique va si fort qu’il est obligé de lire sur les lèvres de son interlocuteur. Quant à regarder la route… je suppose qu’il a un don d’ubiquité ? Ou de double vue, un peu à la manière des crabes, il remue un œil dans un sens et un autre dans l’autre( ?) Les mains sont très occupées, elles aussi. Non pas avec le volant, mais avec un délicieux chausson fourré au « pollo » (poulet) qu’il a acheté aux marchandes au bord de la route. L’autre main s’affaire à changer le CD qui saute au rythme des bosses de la route. Un vrai spectacle ! Le chauffeur est accompagné d’une jeune personne, qui passe le plus clair de son temps en porte-à-faux à l’extérieur du bus, accroché, on ne sait comment, au plafond lisse. C’est lui qui récolte les 1350 bolivars, mais qui indique également au chauffeur qu’il peut traverser l’autoroute à contre sens… lorsqu’à un certain endroit du parcours, nous devons la traverser de part en part. Le bus n’a sans doute aucune charge maximale, tant qu’il en rentre, on accepte tout le monde. Incroyable ce qu’on peut embarquer dans ces bus… Inimaginables dans un pays où la réglementation serait un tant soit peu respectée…

C’est ça aussi le Venez…

A suivre…

Amitiés marines
L’Etoile de Lune


Aujourd'hui, 11 octobre 2005 - Mail 41

Nombre de milles parcourus : 6304 milles Zone de navigation : Venezuela

Freinés dans notre élan!

«Quiconque aspire au calme aurait bien fait de ne pas naître au 20ième siècle» Léon TROTSKI

Le titre du mail 40 avait été lancé comme une boutade : « pirates ou cyclones ? » Nous étions loin d’imaginer que nous allions croiser les deux en moins de trois mois !!! Tout a bien commencé pourtant, car nous avons passé deux mois et demi à sillonner les côtes du continent sud-américain sans encombre. Nous avons découvert un pays fantastique. Alors que nous nous apprêtions à découvrir la Blanquilla, île tranquille posée au large du Venezuela, nous sommes surpris, en pleine nuit, par des « visiteurs » armés de machettes.

Bonjour à tous,

Les motivations d’un tel voyage sont diverses. Nous sommes partis avec l’envie de découvrir les merveilles de ce monde, et de nous ouvrir au caléidoscope des cultures, qui, par leurs différences, représentent les richesses de ce monde. Une telle idée est-elle utopiste au 21ième siècle ? Avant de partir sur les mers, nous avons lu, comme tous nos copains marins, les récits de nos prédécesseurs. Il est certain qu’en cinquante ans, le monde a évolué. La technologie tentaculaire s’éparpille dans les contrées les plus reculées. Est-elle la cause d’un changement de pratiques? Les équipages qui sont passés avant nous, nous décrivaient le Venezuela comme un paradis. Ils gardent en eux le souvenir d’une population affable, gentille comme il en existe peu dans le reste du monde. Nous avons cherché à voir ce Venezuela, là.

Nous faisions escale en fin de mois à Robledal (ouest Margarita). Nous ne projetions pas de rester dans ce village de pêcheurs à la réputation tranquille. Dès le lendemain, nous envisagions de pointer notre étrave vers le Nord pour découvrir la Blanquilla. C’est un petit îlot désert dont tout le monde nous a vanté les eaux cristallines, et le paysage digne d’une carte postale. Cette nuit là, un événement allait changer le cours de notre navigation.

Dans la nuit du 23 au 24 septembre 2005, à 2H36, nous avons entendu un bruit suspect. Nous avons cru que c'était la dérive qui frottait car nous étions limite en fond... Parce qu’il faisait trop chaud dans le bateau, Dom dormait dehors, dans le cockpit. Moi en bas dans la cabine avant. Je me suis levée j’ai allumé la lumière et la centrale de navigation, afin de voir où nous en étions par rapport au fond, en même temps je tendais machinalement une manivelle de winch à Dom pour qu’il relève la dérive. Mais, j’ai vu Dom se dresser d’un bon et je l’ai entendu crié : « Descends !» Il répétait tant et plus cette injonction en me criant de tout allumer. En fait, deux gars avaient pénétré dans le cockpit. Ils étaient armés de machettes et de couteaux. Ils menaçaient Dom en demandant « money ; money ». Dom était à main nue face aux armes. Ils étaient en tout, quatre hommes et sont montés par l'avant. Restée en bas, j’ai saisi la lampe spot et le pistolet lance fusée, j’ai allumé les lumières, et brandis la cloche tout en criant beaucoup afin de faire le plus de bruits possible. Dom a saisi le pistolet et l’a retourné contre ses agresseurs tout en continuant à crier « descends ! ». L’un d’eux a directement sauté à l’eau, les autres aveuglés par le spot sont repartis par l’avant. Nous les poursuivions tout en continuant à crier le plus fort possible. Dans la confusion, j’avais mal armé le pistolet lance fusée. Dom tentait de tirer en l’air sans succès. Je continuais à les éclairer par le spot violent, afin de les identifier et qu’ils se sentent poursuivis. Finalement dom a pu lancer une fusée à l'horizontal, juste au-dessus de leur tête. Ils ont fui dans leur barque vers le village.

Décodage après coup : Les anciens nous avaient assurés qu’au Venezuela pour avoir des problèmes il fallait les chercher, d’une manière ou d’une autre (commerces illicites, drogue, signes d’ostentation, provocations quelconques, imprudences) Ne correspondant pas du tout à ces canevas, nous nous sentions plus ou moins à l’abri de réelles agressions, et prenions nos dispositions pour éviter les vols d’annexes et rapines sur le pont. Nous ne sommes pas insouciants. Nous avons toujours évité les lieux réputés à risque : Coché, Cubagua, Araya, Laguna Chica, la Péninsule de Paria, Carupano, les mouillages devant Cumana, Puerto la Cruz, les îles Caracas, Chimana Grande… Nous avions pris des renseignements avant de nous rendre à Robledal. Nous pensions qu’une employée du consulat donnait des renseignements fiables. Nous avions également un « cruising guide » récent à bord. Il décrivait Robledal comme un endroit sécurisé. Nous avions néanmoins pris la précaution de mouiller l’ancre loin de la plage. Radio ponton a tendance à dire que les problèmes arrivent soit dans les mouillages surpeuplés comme Porlamar (il est vrai que les vols y sont légions) soit dans les mouillages solitaires. Nous étions trois bateaux à proximité les uns des autres. Radio ponton dit également qu’il ne faut pas rester plusieurs nuits dans le même mouillage, l’agression ne se passerait pas dès la première nuit. Or nous venions d’arriver. Nous n'avons montré aucun signe d'ostentation ( nous ne portons et ne possédons pas de bijoux en or, nous ne portons pas même nos alliances, ni caméra, ni appareil photos). Rien dans notre comportement ne pouvait mener à un cas d'agression et rien n'a empêché cela ! Le coup était imparable.

Nous avons eu de la chance ! Les gars montés par l’avant auraient pu se glisser par les panneaux avant, et tombés directement à l’intérieur dans la cabine avant. Le bruit de leur barque sur la chaîne m’a éveillé, le fait d’allumer les lumières les a, sans doute, ralentis. Dom aurait pu se retrouver au réveil avec le couteau sous la gorge. Plus aucune riposte aurait été possible. Le grand taud était installé, ce qui entravait beaucoup le pont, la vélocité de nos agresseurs en a été troublée. Notre rapidité d’action, a permis de retourner l’offensive contre les intrus. Nous les avons surpris ! Bien qu’on puisse imaginer que quatre gars armés de machettes se hissant sur un bateau ne prévoient pas de prodiguer que des gentillesses, ils étaient sans doute malhabiles(?) Dans des cas similaires, certains plaisanciers ont eu beaucoup plus de mal que de peurs… Certains ont été tiré comme des lapins… Et puis…petit clin d’œil, Dom, tout nu dans le cockpit les a sans doute effrayés…. Hum, hum, hum !!!

Nous n’avons pas l’intention en vous relatant ceci, d’affoler les candidats au départ. Ce type de voyage reste une belle expérience. Simplement, il faut savoir que ce genre de choses existe, et les cas d'agressions de plaisanciers au Venezuela sont en sensible augmentation. Au cours de la semaine, où nous avons vécu cette expérience, 5 cas identiques ont été recensés sur la seule île de Margarita. Les pêcheurs eux-mêmes se font voler leur moteur hors-bord ! Et c’est leur outil de travail ! Durant notre croisière au Venezuela, nous ne comptons plus les annexes volées, les agressions dans la rue ou celles de plaisanciers. Mais nous trouvons que le vol simple est quand même plus facile à vivre qu’une réelle agression en pleine nuit sur son propre bateau… Il devient très difficile de dresser la liste des mouillages totalement sécurisés au Venezuela. Ceux qui aujourd’hui le sont encore peuvent changer demain. A l’inverse, certains mouillages à problèmes sont devenus plus sûrs !

Nous n’avons pas voulu propager une panique entre les plaisanciers. Mais dès le lendemain, de l’agression, nous avons fait passer le message, par mail, aux bateaux qui étaient dans les parages. Ceci, afin qu’ils restent vigilants et qu’ils évitent Robledal. Nous avons également envoyé des mails à nos amis vénézuéliens afin qu’ils relayent l’information aux autorités. Certains collègues marins pensent s’associer pour établir une pétition relatant toutes les agressions de la saison et la présenter aux ambassades afin de sensibiliser les autorités. Les marins sont excédés d’être pris pour cible permanente et d’être considérés comme des tirelires flottantes ! En outre, ces cas d’agressions sont dommageables pour le reste de la population. Le Venezuela est un pays merveilleux. Les paysages sont superbes et le climat y est idyllique. Les plaisanciers qui viennent s’abriter des cyclones dans ces eaux calmes représentent une réelle manne pour le pays. De nombreux pêcheurs pourraient vivre du commerce avec les bateaux. D’autres métiers liés au tourisme nautique pourraient se développer. Mais il faudrait que les locaux mettent de l'ordre, eux-mêmes, dans leur pays. Tous les Vénézuéliens ne sont pas des sauvages, il y a plus de gens bien que le contraire ! Mais 99% de la population pâtira de ce pour cent d’irresponsables !

Nous ne savons quelle est la meilleure méthode pour éviter que cela arrive. Impossible d’affirmer que la situation va continuer son funeste cortège vers la violence ? La machine infernale va-telle inverser le mouvement ? Nous ne voulons pas faire des amalgames. Nous n’aimons pas prétendre que le monde a changé et qu’il se pourrit. Nous voulons simplement prévenir qu’au Venezuela, il faut changer ses habitudes nautiques. Nombreux équipages vivent le Venezuela sans encombre. Ceux-ci se cantonnent aux archipels sécurisés : Tortuga, Roques, Aves… Certains endroits restent agréables. Mais je ne m’engage à rien. Il faut adopter un comportement adapté à la situation et arrêter de se bercer de douces illusions ou au contraire ne pas verser dans une panique démesurée. Il faut décourager les équipages de se rendre dans les mouillages peu sûrs du Venezuela. Il faut naviguer et mouiller là où des postes de gardes-côtes sont installés. Et essayer de ne jamais naviguer tout seul…

Notre moyen de lutte est d’informer en direct, afin que l’événement ne soit pas déformé. Notre but n'est pas d'ajouter un cran à l’appréhension ambiante, mais de renseigner sans état d'âme, ni catastrophisme.

Amitiés marines L’Etoile de Lune

PS : Vous aurez tous compris que Lune nous a quittée. Si elle avait encore été avec nous, elle aurait rempli son rôle de gardienne sans défaillance. Elle nous manquera toujours…


Aujourd'hui, 18 septembre 2005- Mail 40

Nombre de milles parcourus : 6126 milles Zone de navigation: Venezuela

« Le Monde aurait pu être simple comme la mer et le soleil » A. Malraux

Début juillet, l’Etoile de Lune essuyait le passage de l’ouragan Emily sur Grenade. Après cet épisode violent, nous partons vers les côtes du Venezuela. En abordant le continent sud-américain, l’étrave se dirige vers une autre dimension. Tout est plus grand, plus haut, plus loin. Cette contrée réveille en nous des réflexes oubliés. Pendant un an, l’Etoile de Lune s’était habituée aux langueurs insulaires. Nous vivions dans une insouciance à la limite du naïf. Au Venezuela cette ambiance sécurisée subit quelques écorchures, la vigilance s’impose à chaque heure du jour et de la nuit. La zone a si mauvaise réputation que le Ministère des Affaires étrangères recommande aux plaisanciers de ne pas naviguer dans cette région. Avons-nous le choix ? Plus au Nord, la saison des cyclones bat son plein, le Venezuela représente, pour les marins, une alternative aux contraintes climatiques. C’est pour cette raison, que l’Etoile de Lune avance prudemment son étrave dans les eaux vénézuéliennes où le contexte ambiant de suspicion, n’estompe pas l’agrément de la découverte.

Bonjour à tous,

Mi-juillet, nous quittons le trou à cyclone de Port Egmond dans le Sud de Grenade. Nous sommes encore un peu hébétés après avoir subi l’œil ravageur d’Emily. (voir mail 39 et articles)

Trois jours après l’irruption de l’ouragan à Grenade la mer est étonnamment calme, parfaite pour une navigation, de presque 90 milles, qui nous mènera aux Testigos. Cette balade est facilitée par un courant portant au Sud-Ouest et des vents modérés d’Est. Sur la route, nous croisons de nombreux tankers qui viennent s’approvisionner en or noir au Venezuela (4ième producteur mondial de pétrole). Au petit matin, nous découvrons les terres les plus boréales du Venezuela.

Nous avons le trac en abordant Los Testigos. Une nouvelle aventure commence. Depuis de nombreux mois, la flotte entière des plaisanciers qui vagabonde dans la mer des Caraïbes a été contaminée par une réelle psychose qui se résume dans l’alternative suivante : pirates ou cyclones ???? Que c’est engageant !!! Autant choisir entre la guillotine et le peloton d’exécution…

Tout le monde y va de sa petite histoire! Le Venezuela est décrit par Radio Ponton comme un horrible coupe-gorge sillonné de « pirates armés » dont il est rare de sortir intact… Les marins se déplacent en grappe, ils laissent la VHF allumée en permanence. Ils prennent mille précautions, et vivent la peur aux trousses. Ainsi une majorité de voiliers se retranche dans les marinas pendant la saison des cyclones. Ils fréquentent aussi les archipels réputés plus « sécurisés » et ne descendent sur les côtes du Venezuela que lorsque la crainte d’un cyclone est plus forte que celle des Banditos.

Balivernes ? Oui… et non… Certains mouillages ou ports sont plus exposés à la délinquance que d’autres. Pendant notre séjour à Porlamar, sur l’île de Margarita, un catamaran avait commis l’imprudence de laisser son hublot de coque ouvert. L’équipe de nettoyage est passée faisant place nette du superflu : appareils photos, argent, ordinateurs…

Les vols d’annexe sont légion : annexe à l’eau = annexe cadeau !

Il faut être vigilent et se fixer des règles pour sauvegarder sa propre sécurité. Nous fermons notre bateau lorsque nous le quittons, nous remontons chaque soir notre annexe et la cadenassons, à terre, nous ne nous baladons jamais avec appareil photo ou sac à main… Au-delà de ce comportement de prudence, nous ne voulons pas naviguer dans un état d’esprit frileux. L’Etoile de Lune ira à contre courant en partant d’emblée à la découverte du Continent. Il est si vaste, il faut du temps pour cerner quelques facettes de ce prisme extraordinaire.

Sur la route nous trouvons Testigos. Avant d’arriver dans ce petit archipel, tout le monde nous avait parlé de ces îles où les pêcheurs vivent simplement. Nous avions demandé ce que nous pouvions leur amener… Le lait, introuvable ou cher pour les enfants, est souvent bienvenu. La société vénézuélienne reste matriarcale. Les familles sont heureuses de recevoir des biscuits, du chocolat pour les enfants. Dans certains coins isolés, les conserves de légumes viennent sensiblement améliorer le quotidien. Parfois, c’est une paire de palmes qui aidera un père de famille pour la pêche côtière.

Les anciens navigateurs nous avaient également parlé de Chonchon… Chonchon est la figure emblématique des Testigos. Ils nous avaient dit, que si nous désirions lui faire plaisir, il fallait lui apporter du « Pastaga »… Obéissants, nous gardons dans nos cales le breuvage anisé depuis Saint-Martin. Lorsque nous rencontrons Chonchon, nous tentons de nous présenter dans un espagnol anorexique. Ce Ranchero a l’œil espiègle. Pendant un moment, il nous laisse patauger dans les subtilités linguistiques. Puis… dans un large sourire, il nous explique en français, qu’il a cessé d’abuser des mauvaises choses et que, pour soigner ses articulations, le vin rouge serait un bon remède… En continuant la discussion, il nous dit que sa lampe qu’il emmène dans les pêches de nuit montre des faiblesses. Par chance, nous avons à bord, les piles adéquates… Nous lui rendons donc ces quelques services. L’après-midi, quelle ne fut pas notre surprise, lorsque nous voyons arriver Chonchon, avec un énorme poisson pêché tout spécialement pour nous… Il nous raconte son île et nous conseille d’aller voir les dunes sur Testigo Grande, c’est le lieu de ponte des tortues marines.

Nous ne pouvons pas nous éterniser dans les parages, malheureusement nous sommes encore trop au Nord pour la saison, et une méchante onde tropicale s’active et vient troubler notre visite des Testigos. Nous les quittons donc avec l’intention d’y revenir plus longuement en novembre.

Direction le continent : Mochima ! En abordant le continent, nous sommes saisis de voir l’horizon verrouillé par de hautes montagnes. La Cordillère Caraïbe se dresse face à la mer, telle un bouclier végétale qui monte à l’assaut du ciel. C’est impressionnant ! Aux pieds de cette chaîne montagneuse, quelques fjords ont été forgés par la mer. Elle se faufile au travers des montagnes et creuse des couloirs tapissés d’une mangrove épaisse. Nous sommes hypnotisés par des paysages immenses, où la main de l’homme n’a rien dégradé. Tout est intact, comme au premier jour. Ces fjords constituent d’admirables abris contre les éléments. Lorsque nous pénétrons dans Mochima, nous ne nous trouvons plus tout à fait dans le domaine maritime et pas encore dans celui de la montagne. Nous sommes entre deux mondes, au royaume des pélicans, des perroquets et des « brrrrr-plouf »

Le « brrrrr-plouf » est un animal qui possède certains talents dramatiques… En effet, l’on raconte beaucoup de choses au sujet du Venezuela. Entre autre, un guide mentionne un danger bien précis, celui causé par les morsures de chauve-souris vampires… enragées ! Ne riez pas ! C’est véridique ! Ce guide décrit les attaques de plaisanciers par ces adorables bestioles qui opèrent de nuit, en se faufilant par les hublots. Leur salive contient un anesthésiant, elle est peu coagulante, les victimes de ces agressions nocturnes se retrouvent, ainsi, pleine de sang au petit matin, avec, en prime, la peur d’avoir contracté la rage ! La tête farcie d’histoires hallucinantes, je me retrouve, une nuit, moi, pauvre chose apeurée au milieu de l’eau sombre par lune noire à entendre des bruits tout autour du bateau. Les bruits sourds et inquiétants d’animaux qui volent au ras de l’eau et qui s’y cassent la figure. Cela fait brrrrr-plouf ! Le capitaine, effaré par mes bêtises, lève les yeux au ciel, puis il tente de me raisonner… Rien n’y fait, tout est écrit ! Finalement de guerre lasse, il s’arme d’une lampe et éclaire de pauvres poissons ailés qui tentent de fuir leurs prédateurs par les airs. Au bout de quelques mètres la pauvre bête retombe, exténuée, dans l’eau… Peu fière, j’observe quelques spécimens, en me promettant de ne plus me fier aux rumeurs !

Je ne peux finir ce mail, sans vous emmener quelques instants à Laguna Grande, dans le Golfe de Cariaco. C’est la cathédrale des splendeurs de ce monde. Quand on entre dans Laguna Grande, l’on se tait, c’est un lieu de culte où la nature paisible a façonné le plus beau mouillage qui soit. On y écoute le silence. Des collines polychromes se jouent des lueurs du couchant pour accentuer les rouges et nous apprendre l’accord parfait des couleurs. Si l’on permettait qu’un seul de mes vœux soit réalisé, je demande, qu’à jamais, un tel endroit soit sauvegardé et respecté… L’Etoile de Lune lui a confié un éclat de son âme.

Amitiés marines L’Etoile de Lune

La mise à jour du site a été ralentie par des problèmes de communication, dans les contrées reculées où nous étions, les « cybers » n’existaient pas… Retrouvez les nouveaux articles sur le Venezuela, ainsi que de nombreuses photos. Nous vous invitons également, à consulter l’article sur les cyclones. Nous l’avons complété du minutage de l’ouragan Emily. Ainsi que d’une analyse des marées barométriques sous les latitudes tropicales. Les rubriques « la presse en parle » et « livre d’or » avancent bon train. Et nous partageons avec vous, les rencontres qui jalonnent ce voyage.


Aujourd'hui le 25 juillet 2005- Mail 39

-Vents d’alizé d’Est: 10/15 nœuds - Passage onde tropicale faible - Visibilité réduite par brume de sable saharien Mer agitée creux 1,50m à 2 mètres - houle de Nord - Est Baro = 1012Hp - T° de la mer = 27,9° - T° air = 32° Nombre de milles parcourus : 5880 milles TRIP: de Bequia à Grenade

« Dieu ne joue pas aux dés »

En partant pour ce tour du monde, jamais je n’aurais pensé vivre tout ça… Au moment d’ouvrir ce site Internet non plus d’ailleurs… Je pensais, naïvement vous parler de cocotiers, d’îles paradisiaques et de couleurs d’eau de lagons. En fait, je m’étais toujours dit, bercée par mes nombreuses lectures que jamais au grand jamais je ne croiserais la route des vilains monstres météorologiques que sont les cyclones. J’aurais dû écouter ce brave Einstein, il avait raison, « Dieu ne joue pas aux dés » Mais Emily, oui !… D’emblée je voudrais dire aux amateurs de textes laconiques, que les événements m’empêchent une fois encore de les satisfaire !

Bonjour à tous,

Fin juin nous étions à Bequia, jolie dépendance de Saint Vincent. Alors que nous vous communiquions les résultats du référendum qui reconduisait l’aventure pour la saison à venir, Lune notre Moussaillon en titre était au plus mal. Nous décidons de remonter vers l’île de Saint Vincent, plus développée que Bequia, nous espérons y trouver un vétérinaire. Nous y trouvons le Docteur Boyle, il nous explique aussitôt que notre chien ne peut débarquer à terre, car une loi absurde, permet aux citoyens de l’île de tuer tout animal étranger qui débarque, et ils le font ! « They are foolish !” nous dit-il. Peu importe, il ne se décourage pas, et s’il n’a pas le pied marin, il monte dans l’annexe et vole au secours de Lune, qu’il trouve bien mal en point à cause d’une infection qui attaque ses ressources. Le docteur Boyle transforme notre cockpit en petit hôpital. Lune est sous perfusion pour la réhydrater. Il lui administre également des antibiotiques. Il vient la revoir le lendemain. Au bout de 48 heures elle réclame de nouveau à manger, le véto est stupéfait de la rapidité avec laquelle elle se requinque et il nous confirme qu’elle devrait être tout à fait d’aplomb en une semaine…

Nous attendons quelques jours à Saint Vincent, afin que le moussaillon recouvre ses forces pour reprendre la mer. Puis, nous la menons au bord d’une des plus belles plages des Antilles, Elisabeth bay de Bequia. Tous ces remèdes viennent à bout de ce vilain microbe. Et plutôt que de déclarer forfait, voici notre Lune qui signe en beauté le pacte de la continuité…

Quelques jours plus tard. La météo nous annonce des couacs… Bizarre, nous ne sommes qu’au mois de Juillet. La saison des cyclones a démarré depuis le 1er juin. D’après les statistiques, les phénomènes cycloniques se manifestent du mois de juin au mois d’août dans le golfe du Mexique. Au mois d’août des cyclones issus d’ondes tropicales transatlantiques prennent le relais et cette fois, affectent l’Arc Antillais.

Le 3 juillet au matin, nous nous rendons au cyber café, où nous scrutons les photos satellites et les fichiers météo. Une onde tropicale traverse l’Atlantique depuis une semaine… Elle se précise et s’organise, mais les bulletins du fameux « hurricane center de Miami » ne nous annoncent que 10 à 15 nœuds de vent pour toute la semaine, du beau temps en somme. Nous retournons au bateau, le ciel est clair, mais nous avons en tête cet amas inhabituel qui remonte sur l’Arc Antillais depuis Trinidad…

A 16 heures le ciel devient… lugubre, et alors que je mets un point final à l’article sur les cyclones, il me revient cette phrase du père LABAT « . Peu à peu l’horizon se charge de nuages et devient gras ». C’est tout à fait ça !!! Pourtant, une Onde tropicale ne devient pas cyclone d’un coup d’un seul au-dessus de nos têtes ! L’impression est pesante, stressante. A 22 heures, après une hausse spectaculaire du baromètre, un coup de tonnerre, un éclair, et un mur de vent s’abat sur le mouillage. L’Etoile de Lune tient bon, le Capitaine prévoyant avait lâché plus de 60 mètres de chaîne ! Nombre de nos voisins dérapent. La pluie telle une forteresse encercle le bateau nous ne voyons plus rien. Elle nous dardent les yeux lorsque nous passons la tête dehors afin de déterminer notre position. Les conditions ne se rétablissent vraiment que vers le 6 juillet. Entre temps, NOTRE onde tropicale avait trouvé un nom, elle était passée rapidement au stade de tempête tropicale, puis la suite vous la connaissez certainement par les journaux, c’est DENNIS, ouragan dangereux de catégorie 4 qui sème malheur et dévastation sur Cuba début juillet. Du jamais vu !

Nous reprenons notre route vers le Sud, le 7 Juillet. Paradoxalement, nous n’avons jamais connu plus belles conditions de navigations. Vent régulier, mer belle ciel dégagé. Nous aimerions nous arrêter dans les Grenadines revoir les Tobago Cays…

Très vite de nouveaux bulletins météo sonnent le glas de nos rêves de retraite… Une onde tropicale (encore !!!) Déboule à 15 nœuds sur l’Arc Antillais. Nous trouvons asile à Union le temps que les orages avec leurs cortèges de rafales passent. Le week-end passe, l’onde aussi. Mais la Pitaine passionnée de météo annonce au Cap : « tu sais l’onde tropicale partie du Cap Vert le 7 juillet… celle dont je te parle depuis quelques jours… je la pense franchement mauvaise : une zone de basse pression qui naît dans la ZCIT, ben c’est pas bon ! » (ZCIT : zone de convergence intertropicale)

En prévision d’un coup de tabac, nous décidons d’aller à Grenade, à Port Egmond. Le choix s’impose, notre Copain Jagoar parti du ponton de Port Camargue un an plus tôt que nous a subi les déchaînements d’Ivan le terrible (cyclone de catégorie 5, le plus intense qui soit) dans ce port même… Le guide du Patuelli nous rassure et mentionne cet endroit comme « un abri total – le meilleur de toutes les Petites Antilles, très vaste et entouré de montagne ».

Pendant que nous descendons vers le sud, nous voyons la Dépression tropicale n°5 devenir tempête tropicale EMILY prévue de passer sur la Guadeloupe dans la nuit du 13 au 14 juillet. Nous pensons à nos copains restés là-bas. Nous nous inquiétons pour eux, sommes près à leur envoyer un mail réconfortant. Nous estimons avoir mis une marge importante entre sa trajectoire prévue et notre mouillage au Sud de Grenade. Nous sommes confiants la trajectoire du monstre en devenir passera à 260 milles (480 kilomètres) au Nord de nous, et même si, il devait passer plus au Sud, nous n’aurions à subir que le demi-cercle maniable (partie sud) de la tempête qui s’annonce.

Nous sommes seuls dans le mouillage de Port Egmond. C’est une baie faite comme un cirque entouré de monts et vallons, on s’y sent à l’abri de tout, des vents et de la mer. Nous restons seuls pendant 24 heures, nous nous disons, que nous sommes peut-être trop prudents, mais préférons assurer nos arrières. Dès le lendemain, une trentaine d’émules arrivent… Et nous voici, sous un ciel étoilé comme jamais je ne l’ai vu, dans un temps plus calme que le paradis ne pourrait engendrer à attendre… à attendre l’inimaginable et à préparer nos bateaux au pire.

A 36 heures de l’impact, les météorologues affinent leurs précisions, ils voient Emily venir aiguiser la Martinique ou Sainte Lucie. Nous préparons toujours le bateau. Nous l’envisageons sous toutes les coutures afin de ne rien laisser traîner sur le pont, éviter toute prise au vent… petit à petit l’Etoile de Lune est en état de guerre. La radio locale fonctionne toute la journée. Notre mouss météo (Mimi, MA grande sœur) nous envoie depuis l’Europe des mails météo. Elle est sur le pied de guerre, elle aussi, et assure une veille permanente. Nous sommes à moins de 24 heures de l’impact et la nouvelle tombe comme un couperet ! Emily garde une trajectoire ouest, elle vient droit sur nous, elle se renforce et accélère sa course, elle passera plus au Sud que prévu. Mais à quel point Sud ? Là est la nuance… Les météorologues hésitent et définissent une zone de danger qui englobe Sainte Lucie, les Grenadines, Saint Vincent, la Barbade, Grenade et le Venezuela.

Emily est là dehors. Elle joue au peloton d’exécution inversé. Elle vise une île, mais laquelle ? Laquelle choisira-t-ellle ? Une balle pour une dizaine de victimes… Autant jouer à la roulette russe !

Il reste moins de 20 heures, trop tard pour regagner le continent sud américain, et de toute manière vue l’imprécision, nous avons autant de « chance » de nous faire couper la route par ce monstre, que de retrouver notre Etoile au mouillage « dans les yeux d’Emily » ! Nous n’osons plus bouger, car aller au Sud c’est trouver des abris plus précaires que Port Egmont et il est hors de question de naviguer en compagnie d’Emily.

Coup de poker… Nous jouons bien malgré nous ! La radio locale de Grenade a mis toute la population en alerte, dès le matin, les prêcheurs prient pour les insulaires… (rassurant !) La population ne s’est pas encore remise du passage d’Ivan, qu’on leur annonce la venue d’Emily…

Le 13 juillet à 18 heures, c’est presque fête à bord, nous entendons au dernières nouvelles, que les prévisions ont abaissé leur alerte, nous ne sommes plus en « huricane warning » (alerte cyclonique) mais en tropical storm warning (alerte de tempête tropicale). Nous n’aurons jamais été si heureux de voir une tempête nous arriver dessus. La différence ? Des forces de vents qui ne dépassent pas 64 nœuds pour une tempête, et cela reste maniable, nous l’avons déjà vécu. Un ouragan déploie une énergie beaucoup plus violente, jusqu’au-delà de la limite du gérable. Mieux vaut ne pas les voir de trop près ces bêbêtes là… Quant à sa trajectoire, nous savons désormais que nous subirons la partie nord du phénomène, ce que les météorologues nomment le « demi-cercle » dangereux. Nous savons également qu’elle a ralenti sa route… par contre ce petit détail me chiffonne, c’est de très mauvaise augure.

En début de nuit, toutes les radios locales sont coupées, ils avaient prévenu qu’ils ne resteraient pas opérationnels pendant la tempête, pour préserver les réseaux de communication afin de gérer au mieux les conséquences du passage d’Emily. Les collines deviennent noires car l’électricité est également coupée.

L’Etoile de Lune est sur le pied de guerre, Lune est calée dans la salle de bain sur ses gros coussin et nous voit à sa grande stupéfaction monter dans le cockpit pour la nuit… « Mes maîtres vont dormir dans ma niche ??? »

Nous attendons Emily. Tout est incroyablement calme. Les oiseaux gazouillent, les grillons aussi, la nature ne se prépare pas au pire, et donneraient raison aux météorologues. De 21 heures à 1 heure les conditions sont gérables, des vents tourbillonnants, des orages, des rafales, mais rien de trop violent, surtout dans le fond de la cuvette que représente le mouillage. Sur les hauteurs des collines, le vent doit être plus fort car on entend les tôles des toits voler. Nous profitons d’un moment de répit pour vérifier que tout va bien à bord, au passage, nous jetons un regard au baromètre ? Nous n’avons plus besoin de nous parler… nous sommes dans l’œil, il annonce 990 HPA et le pire est devant nous !

Dès 1h30, le vent est de plus en plus violent. Il vient de nord-ouest. Jusqu’à 60 nœuds, nous gérons notre mouillage et arrivons à soulager au moteur. Mais ce vent fait déraper un catamaran qui était ancré à l’opposé de nous. Il dérive rapidement entre « le vieux mérou » un ketch de 25 tonnes en acier et nous. Le vent fraîchit à 90 nœuds ( 170 km/H) et vient du Sud, Sud Est. Nous n’avons pas le choix, nous ne pouvons pas rester là, à attendre que notre étrave soit faite prisonnière des deux coques du cata, notre mouillage n’y tiendrait pas. Dans le Nord de la baie, il y a un pont, il s’agit de ne pas dériver jusqu’à lui et de s’y encastrer.

Dom décide d’une manœuvre osée. Il ne tient pas à relever le mouillage, nous mettrions trop de temps à le relever (il y a 60 mètres de chaînes et 3 ancres de chacune 25 kilos). Sans plus de retenue au sol, l’Etoile de Lune, ne pourrait plus lutter contre le vent et serait un vulgaire morceau de tôle à la dérive. Le Cap louvoie donc sur le mouillage, le peu de fardage qui nous reste suffit avec le moteur à fond pour remonter au vent. Les ancres décrochent une à une avant que le cata ne vienne y tricoter son propre mouillage. Dom cramponné à la barre, dardé par la pluie et les embruns qui sont autant de petites aiguilles tente de garder le contrôle de notre Etoile afin d’éviter les autres bateaux qui sont, soit ficelés dans la mangrove, soit au milieu de la baie à l’ancre. La tâche la plus difficile est de ne pas laisser le bateau se mettre en travers du vent, car avec l’énergie cinétique, et seulement 50 chevaux, nous n’aurions plus aucune chance. Nous avons relevé la dérive afin de ne pas nous coucher dans les rafales qui montent à 110 nœuds ( 200 KM/H).

Impossible de déterminer combien de temps cela a pris, mais en tout cas, lorsque le Cap a estimé que nous nous étions suffisamment éloignés des autres bateaux qui sont autant de dangers, et que nous n’étions pas encore trop près de la mangrove ou du pont, il m’a envoyée à l’avant, afin de relâcher 30 mètres de chaîne supplémentaire. Le mouillage ainsi alourdi s’est ancré à nouveau. Mais il a fallu lutter encore contre toute cette violence. Je tenais à peine debout sur le pont. Dom est resté toute la nuit à la barre afin de soulager le mouillage et de rester plantés, là où nous étions en relative sécurité. Les impressions sont dantesques. Les orages, les trombes d’eau, les embruns fluorescents décochent des flèches hostiles, les haubans vibrent et sifflent, le mât tremble et entraîne toute la coque dans ces vibrations erratiques. Le fetch se lève à l’intérieur même du mouillage. Dehors on entend la mer frapper les falaises avec haine. A terre, on entend les tôles s’envoler...

Le combat semble interminable, nous sommes transits de froids et attendons le lever du jour avec impatience. Quand enfin, il vient, nous découvrons que l’eau tout autour est de couleur glauque et chargée de débris végétaux. Le Cap craint de boucher le filtre à eau du moteur. Cela fait plusieurs heures que nos ancres tiennent bon, il décide donc de couper le moteur pour ne pas l’encrasser. Petit à petit les conditions se calment.

A 10H40, tout est fini. Autour de nous, des oiseaux épuisés se laissent entraînés par le courant, ils ne parviennent plus à s’envoler. Nous sommes épuisés, nous aussi, et tombons de sommeil. Si, certains bateaux ne sont plus à la même place, tous sont indemnes ainsi que les équipages. C’est bien là l’essentiel. Au soir du 14 juillet, le ciel est à nouveau étoilé, la lune brille, pas un souffle de vent, la nuit est paisible. Les conditions redeviennent idyllique et l’on a du mal à croire nous-mêmes que nous étions quelques heures plus tôt à la merci des caprices d’Emily.

Pourtant, ce monstre a poursuivi sa route dans la mer des Caraïbes en se renforçant et en atteignant à l’approche du Nord Ouest de la zone le stade d’ouragan extrêmement dangereux de catégorie 5.

Amitiés marines Nat, Dom et Lune

Afin de mieux connaître ce phénomène météorologique, nous vous invitons à consulter l’article sur les cyclones dans le site www.etoiledelune.net . Nous le complèterons bientôt du minutage de l’ouragan Emily.


Aujourd'hui le 23 juin 2005 - Mail 38 : Position - Les Grenadines

Vents d’alizé d’Est soutenu 20 à 25 nœuds (rafales 35 à 40 nœuds) Mer peu agitée en Caraïbe à agitée en Atlantique – Houle d’Est creux moyens de 1m50 à 2m se renforçant Temps : brume de sable – éclaircies rares - grains fréquents et orages violents Baro = 1014Hp - T° de la mer = 29,3° - T° air = 32° Nombre de milles parcourus : 5656 milles

Jour de fête… Aujourd’hui est jour de fête à bord de l’Etoile de Lune. En effet, il y a un an jour pour jour nous larguions les amarres. Tout en pointant l’étrave toujours plus au Sud afin d’éviter les régions à risque pendant la saison des cyclones, l’équipage fait son bilan.

Bonjour à tous,

A l’heure où les grandes sociétés distribuent leurs dividendes, l’Etoile de Lune a pris du retard et elle fait ses comptes. Comme dans tout bilan, nous porterons au crédit les expériences positives de ce voyage et au débit tous les désagréments qu’occasionnent un quotidien sur l’eau.

Commençons d’emblée par la « cuenta ». Le prix le plus élevé à payer dans ce type de voyage est le « manque » : manque de la famille, manque des amis. Heureusement, la technologie vient au secours des âmes sensibles et Internet est LE lien qui permet de rester en contact quasi permanent. Le téléphone est un autre moyen, mais il reste cher. Merci donc à Monsieur « Iridium » et à son système de SMS gratuits recueillis directement sur le bateau.

Le bilan technique est globalement bon. A vrai dire, le bateau est bien conçu, nous avons traversé avec lui tous types de temps. La pétole (vent nul) aurait tendance à convertir le naturel très Zen du Cap en « accès de gasoil ». En effet, les 50 chevaux de notre Passoa paraissent anémiés lorsqu’il s’agit de traîner l’embonpoint de notre Etoile dans une houle contraire. Par contre, dans les coups de vents, nous ne nous sommes jamais sentis en insécurité. Le plus mémorable d’entre eux a fait grimper l’anémomètre jusqu’à 65 nœuds de vent pendant plusieurs heures. Quelques soient les conditions, nous les avons toujours trouvées gérables. Certes, certes, l’inconfort est une donnée général lorsqu’un monocoque devient maison… Précisons un détail qui prend une importance éphémère: lorsqu’un mouillage se révèle particulièrement rouleur, j’aurais tendance à regarder les équipages des catamarans voisins qui sirotent tranquillement leur apéro, d’un œil assassin… Mais cette incommodité reste très passagère !

OK, tout n’est pas rose au pays de Neptune, et lorsque je vois le Cap partir à fond de cale et revenir muni de sa caisse à outils, c’est qu’il se prépare quelques « merditas » (pardonnez cette expression quelque peu triviale, mais à l’approche du continent Sud Américain, il nous faut nous mettre au diapason)… Hé oui, la caisse à outils est la digne et fidèle amie des capitaines qui filent au vent. Quel que soit le bateau, neuf ou d’un âge certain, l’air salin, les conditions générales qu’engendrent la mer occasionnent une multitude de petites pannes. Elles ne sont pas dramatiques en elles-mêmes, mais parviennent à user les nerfs les moins aguerris… Il y a des saisons de pannes… Toutes sont différentes selon les bateaux… Ce sont, en quelque sorte, des séries qui se déclarent à bord de chaque bateau en leur temps. Puis, qui petit à petit trouvent solution. Pour laisser l’équipage satisfait et libre de trouver du temps à ne rien faire, avant… la prochaine panne.

Bilan énergétique. Nous étions à la fin de notre traversée océanique fort mécontents de ce bilan. Aujourd’hui, tout va pour le mieux. Nous avons choisi l’énergie solaire. Non polluante, absolument insonore (en comparaison avec les générateurs ou les éoliennes), cette énergie est idéale. Il ne faut pas hésiter à abuser des panneaux solaires. Ils trouvent toujours leur place sur un bateau : sur le pont, sur le bimini, sur le portique arrière… Nous avons vu des panneaux orientables placés dans les haubans ou dans les pataras. Toujours dans le catalogue des options, nous sommes très contents de notre dessalinisteur, même si aux Antilles il est toujours possible de faire le plein grâce au ciel particulièrement généreux en ce qui concerne l’approvisionnement en eau potable.

Bilan météo. La Méditerranée et l’Est de l’Atlantique sont des régions rudes pour le marin. Les navigations tranquilles passent par l’écoute assidue de la météo. Et encore… faut-il savoir l’interpréter. La traversée océanique si elle n’est pas un long fleuve tranquille, n’est pas difficile en elle-même. L’hiver aux Antilles est un paradis météorologique. Bon OK, nous avons fait très fort ! Nous qui rêvions de navigations au portant. Nous sommes montés vers le Nord avec un alizé de Nord Est, d’où des heures de gîte établie. Pour la descente, même topo : il y avait beaucoup trop de Sud dans ce vent d’Est ! Résultat nous dégringolons le long de l’Arc Antillais au près serré… Mais ce n’est pas le plus important, il suffit de tout arrimer correctement. Reste à savoir ce que donnera l’été. A l’heure où les âmes en Métropole surfent sur un temps clément, nous voyons défiler les premières ondes tropicales. Elles traversent l’Arc Antillais et entraînent dans leurs sillages, pluies diluviennes, orages qui se révèlent parfois violents, rafales en pagailles. Dans les mois à venir, les marins craignent également les petits frères d’Ivan le terrible : les cyclones. Plusieurs options restent jouables, néanmoins.. L’Etoile de Lune a défini SA stratégie. Nous vous en reparlerons…

Bilan humain. Bilan entente à bord. Cette séquence a été inspirée par la patronne de l’Internet Café de Bequia qui nous posait la question suivante : « After on year on the boat, you still talk to each other ? » Hé oui, on se cause toujours… Et vu le débit de la Pitaine, nous avons encore de beaux jours devant nous ! Aïe, Aïe, Aïe !!! Plus sérieusement, un couple à bord d’un bateau devient un équipage, c’est-à-dire qu’une interdépendance se crée : une vie en commun autour d’une passion commune.

Question santé, mis à part quelques Dolipranes, Advils ou Efferalgans pour soigner les douleurs rhumatismales de Mademoiselle Lune, nous n’avons pas touché à notre pharmacie de « haute compétition » embarquée en France. Il y aurait bien les lendemains de fêtes sur les bateaux voisins, qui laisseraient parfois quelques brumes matinales planer sur les neurones. Mais tout cela c’est la faute au jus de canne à sucre…

Puisque nous en parlons, voici venu l’heure du bilan rencontre. La mer est fédératrice ! En effet, elle vous permet de rencontrer des gens que vous n’auriez sans doute jamais rencontré à terre. Elle enclenche immédiatement des conversations communes entre des gens diamétralement opposés. Bien sûr, le jeu des affinités fait que les relations durent ou sont éphémères. Mais le dénominateur commun reste la MER ! Des amitiés durables, très fortes, très belles naissent sur l’eau, et aux escales, cela aussi fait partie des richesses de ce voyage.

Bilan escales. L’aiguillon d’un tel voyage est la curiosité. Nous sommes servis ! Passons les escales en revue, pour le plaisir : Porto Santo, la première, Graciosa la mauresque, Lanzarote l’insolite, Ténériffe et son Teide majestueux, la Mauritanie et son désert, la traversée enchanteresse, les Antilles où le marin flirte avec les îles comme le papillon virevolte de fleur en fleur. Chaque escale remplit l’âme de souvenirs en 3D. Des kilomètres d’images se déroulent dans la mémoire comme un gigantesque diaporama. Rien que pour cela, le voyage vaut la peine d’être vécu…

En guise de conclusion voici une liste de questions-réponses soumises à l’équipage : Le plus beau souvenir du Cap : Découvrir des paysages aussi singuliers que Lanzarote ou le Teide Le plus beau souvenir de la Pitaine : La traversée océanique Le plus mauvais souvenir du Cap : Devoir sortir le bateau de l’eau dès la première escale, pour une anode qui a perdu ses vis Le plus mauvais souvenir de la Pitaine : Cette nuit à Graciosa, où par un coup de vent, un bateau, mal maîtrisé par son capitaine, a dérapé sur nous et nous a foncé trois fois dessus. L’Etoile de Lune perdant un panneau solaire, son annexe, endommageant ses balcons, ses rails de fargues, ses filières… Elle a cru voir la fin du voyage. Heureusement, le Cap de l’Etoile de Lune a sauvé son bateau en fuyant par 65 nœuds de vent, vers le large. La plus belle navigation du Cap et de la Pitaine : Entre Ténérife et Mauritanie, 165 milles en 24 heures sur un tapis roulant (puis,300 milles en 48 heures) La plus belle escale du Cap : Antigua La plus belle escale de la Pitaine : La Martinique Le plus grand regret du Cap : Néant Le plus grand regret de la Pitaine : La Goméra Si c’était à refaire pour le Cap : Il passerait plus de temps en Afrique et au Cap Vert Si c’était à refaire pour la Pitaine : Tout pareil… Qui a envie de continuer ? Moi ; Moi ; Moi !!!!

RESULTAT DU REFERENDUM : à 100% OUI !!!!!!!!!!

Amitié marine L’Etoile de Lune

Nouveautés sur le site : Afin de célébrer dignement ce premier anniversaire, nous vous offrons une collection de fonds d’écrans. A cette occasion nous ouvrons deux nouvelles pages : Fonds d’Ecran et Couchers de Soleil.

Retrouvez sur le site les articles correspondants aux sujets énoncés dans ce mail en cliquant sur les mots soulignés.


Aujourd'hui le 24 mai 2005- Mail 37

Vent Sud Est faible à inexistant – Régime de brises en Caraïbe - Mer belle en Caraïbe à légèrement agitée en Atlantique - Temps ensoleillé - grains rares et nocturnes Baro = 1010 - T° de la mer en surface = 29,9° - T° air = 37° Nombre de milles parcourus : 5540 milles L’île des Petits Mondes

Nous venions à Saint Martin plus pour y retrouver la famille et y faire une grosse escale technique que pour découvrir une île de rêve. Finalement, en faisant le tour de l’île nous lui avons trouvé du charme, malgré sa réputation avérée d’île dévorée par le tourisme. Les Martinois sont courtois et agréables à vivre. La couleur des eaux mérite à elle seule le détour. De plus Saint-Martin reste une escale technique intéressante.

A suivre également, l’aventure de nos deux héros – moussaillons Loïs et Théo…

Bonjour à tous,

Nous venions à Saint Martin à reculons. L’île ne présente pas exactement les qualités que nous cherchons dans ce voyage : mouillages déserts, nature luxuriante, sentiers sauvages… Si Saint-Martin est trop touristique à notre goût, elle détient d’autres atouts.

Tout d’abord, l’île bénéficie d’un aéroport international et de connections quotidiennes avec les Etats Unis, le Canada et l’Europe. Nous avons de la chance, au 21ième siècle nous pouvons désormais entreprendre ce type de voyage sans nous couper complètement des liens avec la famille et les amis. Paris n’est plus qu’à 8 heures d’avion des Antilles. Et, les moyens de communications sont là pour rester en relation quasi permanente avec les siens. Le courrier par Internet est devenu le cordon ombilical qui relie les membres de la famille.

Toutes ces possibilités ont changé le goût de l’aventure. Quand on pense aux pionniers… Parmi tant d’autres, Annie Van de Wiele a fait son tour du monde, en 1950, coupée de toutes nouvelles familiales. Puis, 15 ans plus tard Auboiroux, à cause de vents contraires, ne parviendra jamais dans l’île des Marquises où l’attendait depuis des mois le courrier précieux de sa femme restée à Paris. Et plus tard encore, Moitessier frôlait les cargos au péril de sa coque pour y envoyer ses colis et lettres à destination de la France…

Accueillir une maman à bord, permet de changer l’angle de perception. Nous oublions les paysages des îles déjà vues. Et considérons celle-ci pour elle-même et non en comparaison de ce qui existe ou de ce que nous recherchons. Nous louons une voiture et faisons le tour d’une île avec l’enthousiasme du partage.

Faire le tour de Saint Martin demande de dépasser une aversion répandue pour les embouteillages. L’île est engorgée de véhicules. Les routes grimpent à l’assaut des collines sans se soucier de l’angle de pente que cela représente. Les camions souffrent et rejettent tout ce qu’ils peuvent de nauséeux pour en venir à bout. Et pourtant, tout cela se passe dans une courtoisie si remarquable qu’elle mérite d’être soulignée. Sans feux de signalisation, presque sans gendarmes, ni règles bien définies, les carrefours finissent par être franchis dans le sourire et les signes de remerciements.

Mais le temps des vacances se finit, et l’Etoile de Lune au bout de plus de 5000 milles n’avance plus tant elle héberge sous la ligne de flottaison, pousse-pied, coquillages, algues, petits crabes… La vie autour de notre Etoile s’intensifie au rythme où notre anti-fouling ( peinture sensée protéger la coque de tout cela) s’érode. Il est grand temps de sortir le bateau de l’eau. Nous trouvons un chantier (Polypat) sous le pont de Marigot. Sa méthode de levage nous change du travel lift c’est une grue qui lèvera notre Etoile dans les airs pendant que les poissons fuiront le vivier que représente notre puits de dérive.

Pendant 10 jours ça bosse fort autour de l’Etoile de Lune… Pendant cette période, un épisode nous a décidé à franchir un pas dans les investissements que nous projetions. En effet, tandis que Dominique s’attèle à la tâche, Loïs le mousse de 7 ans, sur un voilier ami, Théïs, est venu le chercher en kayak: leur bateau dérapait. (L’ancre ne croche plus et le bateau dérive) Avant cela,Théo, 11 ans, avait mis le kayak à l’eau (25 kilos) et envoyé son frère chercher Dominique pour relever l’ancre et la remouiller. Pendant ce temps, il était resté à bord, il avait mis le moteur en marche et gardait le bateau face au vent. Dominique a très vite réalisé qu’il ne pourrait rejoindre Théïs à la rame. Ainsi, en appelant une annexe qui passait par-là, ils se sont rendus rapidement sur Théïs, prêtant main forte aux deux valeureux moussaillons qui avaient su gérer une telle difficulté durant la courte absence de leurs parents. Plusieurs ingrédients ont joué à cette réussite. Tout d’abord, les parents n’ont eu de cesse d’impliquer les garçons aux manœuvres et à la vie du bateau. Ensuite, par leur sang froid et leur perspicacité, Théo et Loïs ont su utiliser leurs connaissances pour sauver leur bateau.

Quant à nous, cet épisode nous a décidé à pourvoir notre annexe d’un moteur hors-bord digne de ce nom. En effet, depuis le début de notre aventure, le nôtre, nous avait lâché, et nous trouvions amusant, voire romantique de nous balader à la rame. Cela nous donnait le temps d’admirer le paysage. Sauf que… si l’Etoile de Lune dérapait, elle aussi. Et que nous n’arrivions pas à temps pour la sauver d’un échouage ou pire d’une folle cavalcade vers le large… donc, finies les balades aux atmosphères de guinguette et bonjour la sécurité !

Nous sommes heureux de sortir du chantier, nous avons le cœur léger, satisfait du travail rondement mené. L’Etoile de Lune en sort transformée, à plus d’un titre puisque quasiment toutes les réparations ont été effectuées, tous les problèmes importants ont trouvé une solution. De plus notre Etoile ne se ressemble plus, puisque nous n’avons pas trouvé d’anti-fouling noir, ainsi avec un bleu électrique à marier au jaune de sa coque… elle est prête pour le carnaval de l’an prochain…

Petit clin d’œil, nous ne sommes pas restés suffisamment longtemps pour apprendre quelques phrases utiles à notre voisin le perroquet ! Le chantier est placé au bord d’un canal qui se transforme le jour en un abominable boulevard à annexes plus fières les unes que les autres des chevaux cachés dans leur hors-bord. Avec un peu plus de temps je reste persuadée qu’au lieu d’imiter le téléphone dès 6 heures du matin, le volatile se serait ennuyé utile dans sa cage en sifflant tel un gendarme et en criant à chaque annexe « trois nœuds maximum et sans vagues ! ».

Autre point noir : la pollution sauvage. Rien n’est prévu sur l’île pour recycler les déchets quels qu’ils soient. Nous avons assisté impuissant à la vidange d’une barge, transformant le lagon en un immonde lac visqueux. L’essence, l’huile de vidange, le gasoil.. et tous les rejets de notre civilisation sont à peine filtrés par le sable avant de se répandre dans l’eau. Que faire ? Ces îles ne disposent pas d’assez de moyens pour mettre en place des infrastructures de recyclage. Et pourtant ce n’est pas une question insulaire, mais les solutions à apporter à ce problème sont d’ordre universel.

Ceci dit, il est grand temps de quitter ce chenal habité de nombreux bateaux qui ne reprendront plus jamais la mer. En effet, Saint Martin est sans doute la dernière escale de bon nombre de bateaux. Ce ne sont pas, à franchement parler, des épaves, puisqu’elles ne sont pas échouées. Elles finissent leur vie à terre dans l’attente du prochain cyclone dévastateur, hésitant entre la rouille et la décomposition. Certains bateaux sont enchâssés dans la végétation. D’autres ont construit leur maison sur deux coques sèches de catamaran. Pourvu que notre Etoile ne subisse pas ce sort là…

L’air du large nous manque et trop d’horizons inconnus nous attendent encore… Alors, en route vers le Sud !!!!

Amitié marine L’Etoile de Lune Nouveautés sur le site : Retrouvez l’article et l’album photos consacré à Saint Martin Vous lirez également les « recettes » et impressions tirées des expériences vécues durant ces derniers mois dans neuf nouveaux articles qui vous attendent dans les rubriques « Eudaimon » et « La cuenta »


Aujourd'hui le 15 avril 2005- Mail 36

Vers le Nord de l’Arc Antillais Vent Est à Est Sud Est modéré à soutenu - Mer agitée Temps ensoleillé traditionnels passages nuageux grains rares et nocturnes Baro = 1016 - T° eau = 27° - T° air = 25 à 30° Nombre de milles parcourus : 5180 milles Séquence animalière

Nous quittons Antigua pour rallier rapidement Saint Kitts, puis île Fourche et enfin Saint Martin. Nous y faisons une escale technique et familiale. Au cours de ces navigations, nous croisons plusieurs mammifères marins, leur rencontre est toujours vécue comme une fête. Nous découvrons aussi, dans le Nord de l’archipel une faune étrange et très localisée…

Bonjour à tous,

L’étoile de Lune quitte Antigua avec difficulté. Cette escale tant didactique qu’éblouissante au niveau des paysages, nous a laissé des souvenirs impérissables. De plus, faute de temps, nous n’avons pu explorer tous les lagons que cette île couve derrière des barrières de corail qui laissent aux eaux des teintes à couper le souffle. Mais, nous sommes attendus plus au Nord, donc nous quittons l’île « sooo british » avec la ferme intention d’y revenir. Pour nous consoler, en quittant tôt le matin les eaux d’Antigua deux tursiops truncatus (ne vous laissez pas impressionner, ce sont deux représentants de la famille des « grands dauphins ») viennent à notre rencontre. Ils babillent quelques instants avec notre figure de proue. Ils sont vraiment énormes, et leur évent forme un gros trou que nous voyons s’ouvrir dans un souffle puissant. Voilà une jolie manière de débuter une navigation !

Nous voguons vers Saint Kitts, cette fois c’est une simple escale qui coupe la route vers le Nord. Nous ne savons pas trop si nous y restons un jour ou si nous repartons dès demain… Le sort décide pour nous : nous tombons très mal ! Nous nous présentons au mouillage le jour de la conférence au sommet des fourmis volantes. Visiblement, notre bateau les gêne car nous sommes au beau milieu de leur piste d’atterrissage. Tout faisceau lumineux émanant du bateau les attire immanquablement ! Fiasco dans les deux camps ! De nombreuses disparitions sont à déplorer dans le camp des conférenciers et les nerfs de la Pitaine à vif ! Je n’associe guère le Cap à ce paragraphe. Ce genre de considération n’est absolument pas dans ses habitudes! Néanmoins, il a pitié de moi et nous levons l’ancre dès le lendemain, direction île Fourche.

Nous passons le long de la côte au vent de Saint Kitts, et nous nous disons qu’un jour il faudra y revenir. Cette île est sans doute l’une de celles qui présente la silhouette la plus élégante vue du large. Le Star Clipper et le Sea Cloud II passent devant nous, et offrent à nos objectifs photos l’occasion de faire des clichés de voiliers de 3 et 4 mâts sous l’enceinte du fort Saint Charles. Ce sont des fortifications édifiées en haut d’un promontoire volcanique. L’ensemble donne une impression de pyramide maya… Il faudra décidément que nous revenions…

Sur la route, une espèce de « camion des mers » nous fait bondir. Nous sommes tranquillement installés tribord amure, bon plein, 8 à 10 nœuds de vent. Un rêve de langueur tropicale ! Ceci dit, ce n’est pas suffisant pour être manœuvrant rapidement… C’est ainsi que masqué par le génois déployé nous ne voyons pas le monstre d’acier arriver. Il navigue sur son rail, comme un train. Il fait la liaison marchande entre Saint Martin et Saint Kitts. Heureusement, ce sont ses machines bruyantes qui nous alertent. Bon OK, le Cap reste toujours calme, la manœuvre n’est pas belle, mais efficace ! Moteur mis en route rapidement, et nous remontons au vent pour nous éloigner du sillage de cette grosse bête prête à nous éperonner. Ce petit incident confirme que le temps des priorités octroyées aux voiliers (sous voile !) est révolu. Il est impératif de garder une veille ATTENTIVE ! C’est bien joli de regarder l’eau en quête des dauphins, mais…

Dans le canal qui nous sépare d’île fourche une autre émotion nous attend. A moins de cinq mètres de la coque, un souffle puissant nous fait sursauter. Une ombre ronde et grise ondule tout à côté de nous. Une arrête dorsale petite sur une grosse masse sombre… « Viiiiiite Dom, une baleine… Non, deux ! » L’une contre l’autre, elles nagent à fleur d’eau. Chaque ondulation fait naître autour d’elles des teintes émeraudes. C’est magique.

En fait, les baleines à bosse viennent mettre bas et s’accoupler sur les plateaux maritimes que forment Anguilla et Saint Barth. Depuis quatre ans, les scientifiques viennent régulièrement observer l’évolution de cette population de cétacés. Une Réserve naturelle a été créée autour des îles de Saint Martin et de Saint Barth afin de protéger la faune aquatique.

A l’approche de Saint Barth, nous pénétrons dans une Réserve, c’est sûr ! Mais celle-ci n’abrite pas seulement des baleines sympathiques. Elle abrite également une faune insolite. Le parc est correctement délimité, non par un balisage marin, mais par un trafic tout à fait différent de ce que nous venons de quitter plus au Sud. Nous ne savons pas encore si les frontières sont là pour empêcher la faune locale de sortir et de contaminer le reste de la Caraïbe ou pour signaler à tout nouvel entrant, qu’ici, les choses ne se passent pas tout à fait comme ailleurs ( !?!) En tout, cas, nous avons droit au comité d’accueil.

Le Lady Lauren, un ketch bleu de trois fois notre longueur, entreprend de nous foncer dessus alors que nous nous sommes déjà engagés dans la baie d’île Fouche. Nous sommes sur notre aire de mouillage, baille ouverte, mais nous voyons clairement les moustaches blanches de ce bateau prestigieux se précipiter sur la menue Etoile de Lune. Le Cap lui tient tête et poursuit sa manœuvre tranquillement. Lady Lauren vient rapidement à l’approche, faisant ronfler ses moteurs et appuyant avec énergie sur la manette de gaz. Nous ne lui lançons pas un regard mais sentons celui du barreur qui se situe en hauteur, entre notre portique arrière et la première barre de flèche. Il marque clairement son territoire et vient derrière nous très près, nous empêchant de reculer. Tant pis, il verra bien… Le Cap ne se laisse pas démonter et me laisse dérouler nos 40 mètres de chaîne…

Un gros bateau comme ça, venir voler le mouillage du pauvre petit que nous sommes… Du jamais vu !!! Bon OK, nous manquons peut-être de compréhension vis à vis de ce pauvre homme qui n’a sans doute pas eu le temps d’apprendre le savoir-vivre marin. Si ça se trouve, personne ne lui a dit que dans le prix du bateau, la mer n’était pas comprise…

Nous quittons les parages de Saint Barth devenus trop… ou pas assez… Nous nous dirigeons vers Saint Martin, où nous retrouvons notre famille après presque un an d’absence…

Amitiés marines L’Etoile de Lune

Sur le site vous trouverez de nombreuses photos mises en ligne ce mois ci!


Aujourd'hui le 19 mars 2005- Mail 35

Nelson’s Dockyard : ANTIGUA Vent EST NORD EST 10 à 15 nœuds - Mer belle à peu agitée – Temps ensoleillé - Baro = 1017 - T° eau = 27° - T° air =30° Nombre de milles parcourus : 6074 milles Dans le sillage de Nelson

Nous quittons, début février, Madinina, "l'île aux fleurs" et rejoignons la Dominique "l'île aux 365 rivières", où nous reviendrons plus tard. Puis, nous naviguons au large de "l'île aux Belles eaux", la Guadeloupe, pour rallier Antigua, repaire de Nelson. Cette escale nous entraîne dans l'Histoire passionnante des Antilles et de la flibuste des XVII et XVIII ièmes siècles.

Bonjour à tous,

Nous vous laissions, dans le précédent mail, le mercredi des Cendres aux pieds de la Montagne Pelée, tout tristes d'enterrer Vaval. Depuis, nous sommes remontés vers le Nord, ralliant la Dominique après une navigation musclée dans le canal qui sépare la Dominique de la Martinique. Celui-ci a mauvaise réputation, en fait, il sera gentil avec nous. L'Etoile de Lune (dériveur lesté) nous a encore prouvé sa vaillance à remonter au près dans 20 à 25 nœuds de vent, sans se laisser déjouer par les courants, qui perfidement, auraient voulu l'entraîner trop à l'ouest.

Sous le vent de la Dominique nous croisons la route d'un bébé cachalot, il attend à la surface "maman" qui est partie en sonde. Visiblement il est effrayé par notre carène dodue comme un ventre de cétacé. Il envoie dans un angle de 45 degrés de rapides et fréquents panaches blancs. Il communique certainement avec sa "môman" et lui transmet par des clics caractéristiques ses craintes. Très vite elle refait surface et se retrouve à ses côtés. Petit à petit le chœur des souffles se fait plus régulier, ils sont l'un contre l'autre, tout va bien, nous passons notre chemin. En plus de cette petite famille, nous verrons de nombreuses tortues. Elles seront nos compagnes dans chaque mouillage. Il y a quelques années on n'en voyait pas autant. Est-ce signe que l'homme du 21ieme siècle prend soin de sa planète?

Nous faisons une escale paresse et retrouvailles à Prince Ruper Bay tout au Nord de la Dominique. C'est un endroit reposant, où nous reviendrons pour explorer toutes les richesses que cette île recèle. Lors de notre dernier jour, nous entendons un bourdonnent, sourd, et tout le bateau vibre anormalement, très brièvement. En un regard, le Cap confirme mon appréhension : encore un tremblement de terre! Depuis le 23 novembre 2004 les Saintes sont régulièrement "secouées". Quelques jours plus tard, des émanations de souffre s'échapperont du côté au vent de la Soufrière à Capesterre et la terre tremblera à nouveau. En poursuivant notre route, nous trouvons Montserrat sur bâbord. Sa montagne fabrique des nuages alors que le ciel est bleu. Le cratère est visible aux jumelles et envoie de grosses colonnes de fumées blanches. De temps en temps, celles-ci s’assombrissent et deviennent couleur de cendre. Sous le cratère, une large bande grise, interdit toute reconquête de la vie. Tout cela est impressionnant. Nous pensons beaucoup aux habitants de la région qui malgré la surveillance accrue du site par des experts deviennent de plus en plus inquiets.

Nous ne faisons qu'effleurer les Saintes et la Guadeloupe, car nous sommes attendus plus au Nord. Je pense que ces îles n'ont pas apprécié que nous les "zappions". Car, sous le vent de la Guadeloupe nous cueillons un vent de nord-ouest. Tiens, le Mistral qui s'ennuierait déjà de nous? Méchantes rafales et vilain clapot usent les nerfs et les écoutes de génois!

En écrivant ces lignes, je songe au sourire qui doit illuminer le regard des courageux qui ont choisi de naviguer "aux isobares" dans le Grand Nord... J'avoue tout! Les nav. sous les alizés ne présentent pas (hors période de cyclone) une difficulté insurmontable... L'alizé, vent gentil et plus ou moins régulier est de dominance est, agrémenté de nord soutenu ou de sud farouche. Il dépasse rarement 35 nœuds sous grain. Exceptionnellement, le ventilateur passe en position 4 et génère des vents autour de 40 nœuds, mais ce sont des passades, très vite réprimées par la régularité légendaire des alizés. En moyenne, on trouve plutôt des forces beaufort comprises entre 3 et 5 (6 pour les rafales). Si vous cueillez comme nous du vent de NW, ce sont les alizés qui font le tour de la montagne sous laquelle vous naviguez...

D'ailleurs en nous libérant de la Guadeloupe, dans le canal d'Antigua nous récupérons l'alizé. Il a mal dosé son cocktail et nous voici avec beaucoup trop de Nord, pour faire route directe sur Antigua. Notre VMG est décourageante, le Cap sort toute la garde robe de l'Etoile de Lune. Il ne se décourage pas et laisse passer avec un oeil de dédain les "Voiles-moteur" qui nous dépassent. Je ne voudrais pas attiser les inimités ancestrales en dénonçant ici les couleurs des pavillons tricheurs... Non, non, tel n'est pas notre propos!

Nous arrivons soulagés en fin de journée face aux colonnes d'Hercules, véritable sésame qui ouvre les portes du repaire de Nelson.

OK! We plead guilty! Nous sommes restés presque 2 semaines dans le camp adverse. C'est la sensation que nous ressentons en tant que « Frogies » en pénétrant dans le port le plus British que nous connaissons. Le culte à Nelson y est vénéré avec tant de ferveur que nous nous sentons coupables de son sort... Et pourtant… si on lit entre les lignes de l’Histoire, il n’y a aucune raison ! (voir article)

Toutefois, notre séjour à English Harbour a été si agréable que de rallongements en prolongations nous avons payé notre tribut aux magnifiques restaurations du site. En effet, les clearances (chères) financent l'entretien de ce qui est le dernier exemple d'architecture navale de l'époque géorgienne. De plus, tout est hors de prix (Internet, avitaillement, souvenirs, cartes postales…)

Cependant, il reste des loisirs gratuits. Un réseau complexe de sentiers est un réel paradis pour les amateurs d'Histoire, de botanique et de promenade.

Pour le Cap il est hors de question de laisser passer un morne, un piton, une montagne sans entreprendre de gravir et d'escalader ces promontoires jusqu'au sommet. Il est ravi, le Nelson's dockyard est cerné de hauteurs, il entraîne donc à sa suite tout l'équipage. Il y a tant de possibilités de randonnées qu'en plus de bonnes chaussures, il faudrait s'armer d'une paire d'yeux dans le dos. Chaque grimpette révèle un panorama plus époustouflant que le précédent.

En plus du régal des yeux, ces randonnées permettent de partir sur les traces des pionniers anglais qui s'établirent dans le Sud de l'île au temps de la flibuste. Nous visitons ainsi des forts, des sémaphores, d'anciennes citernes, les quartiers des officiers, l’hôpital, des entrepôts de poudre et même des tombes datant de 1795. Lors d'une promenade nous avons la chance de voir arriver le Royal Clipper voilier exceptionnel de cinq mâts. La scène est parfaite et donne l'illusion de revivre au temps de Nelson. Le soir même, notre figure de proue se trouve nez à nez avec celle du Tenacious, 3 mâts barque britannique.

Il est grand temps de filer ! Notre acclimatation est si facile, que nous commençons à nous pencher sur les plans de la batailles de Trafalgar. Pire, nous sommes pratiquement sur le point de mettre du thé dans notre citron vert! Blasphème!

Antigua est également surnommée l'île aux 365 plages, et recèle presque autant de mouillages, qui sont chacun les paradis des amateurs de "couleurs lagon". Mais c'est une autre histoire...

A suivre

Amitiés marines L’Etoile de Lune

Découvrez les mises à jour du site : Antigua (textes et photographies) ; « la presse en parle », et les nouveaux albums photos.

PS : Pour les maîtres de toutous voyageurs, ni la Dominique, ni Antigua ne posent de problème lors des formalités de douanes. Nous établirons une liste complète au fur et à mesure de nos découvertes.


Aujourd'hui le 13 Février 2005- Mail 34

Point GPS : 14°44N – 61°10W – Saint Pierre Côte Caraïbe : Vent Nord Est 5 à 10 noeuds- Mer belle – Houle Nord Ouest - Temps nuageux grains isolés - Baro = 1009/1011 - T° eau = 27° - T° air =30° Nombre de milles parcourus : 4954 milles Sous le vent de la Martinique

Fin Janvier, nous levons l’ancre et quittons le Sud de la Martinique, direction le Nord, via le Rocher du Diamant. Deux étapes intermédiaires nous permettent de musarder au village d’Arlet puis à l’anse Mitan. Ensuite, nous prolongeons, malgré la houle, l’escale à Saint-Pierre. Nous profitons de son carnaval et nous vous racontons le parcours historique insolite de cette ville.

Bonjour à tous,

Depuis notre arrivée en Martinique nous avons mené une « petite vie » marine, parcourant régulièrement et avec une paresse appliquée les deux milles et demi qui séparaient le Cul de Sac du Marin de l’anse Caritan. Autant dire que la chaîne et l’ancre de l’Etoile de Lune étaient devenues LES HLM très en vogue pour une colonie d’algues et de petits animaux marins du coin…Quant à la dérive, elle souffrait d’horribles fourmillements. Notre compagnon de voyage craignait-il que nous prissions racines ? Premier objectif en ligne de mire de notre fidèle étrave : LE DIAMANT ! Tout un programme ! L’alizé gonfle le génois, l’étrave s’ébroue, elle soulève une écume scintillante. L’eau coure le long de la coque et lui murmure des petits mots doux

En l’approchant, le Rocher, nous montre son plus effrayant profil : celui qui aurait pu inspirer Dark Vador à Monsieur George Lucas. C’est fou ! Mais, un « Diamant » ça galvanise l’imaginaire ! Le Cap. est en pleine forme, il nous rase le caillou de si près que je pense un moment aller vérifier s’il n’a pas échangé notre figure de proue contre une scie sauteuse ! « Pourquoi raser le Diamant d’aussi près ? Et si une rafale nous rabattait sur le « trop cher Rocher » ? L’atmosphère du bord s’électrise … (idéal pour recharger les batteries !)

Avant de consacrer « trop » d’énergie à l’affaire, je me ravise et songe un moment : « et si c’était là une manière de me cueillir quelques éclats du précieux joyaux ? » Dames Valentine, ne rêvez pas ! Le Cap. seul maître à bord, avait calculé sa trajectoire ! Cette manœuvre, pragmatique, lui permettait d’éviter de tirer un bord… Marin, jusqu’au bout, il restera !

Cessons donc de jouer les croqueurs de diam’s et poursuivons notre route vers le Nord ! Au détour du Cap du Morne Larcher, les habitations cèdent leur place à une végétation dense et variée. La Martinique, quoiqu’on en dise à su préserver son patrimoine naturel. Naviguer le long de la côte sous le vent de la Martinique est un plaisir qui ne se dément jamais. Les mornes (ici le mot colline n’existe pas) se chevauchent et courent de ravines profondes en plages dorées. La végétation n’est arrêtée que par le tapis d’azur de la Caraïbe qui envole vers l’horizon une profusion d’étoiles.

Une petite troupe de dauphins nous accompagne et nous montre le chemin pour pénétrer dans l’anse Chaudière. C’est une petite baie, jumelée au village d’Arlet. L’entrée est tapissée de bouées qui marquent l’emplacement des casiers des pêcheurs. L’Etoile de Lune se lance dans un véritable gymkhana. Au-delà de ce parcours tarabiscoté, la récompense est au rendez-vous. Nous n’aurons, pour seule voisine dans ce lieu paisible, qu’une tortue qui nous fera ses salutations quotidiennes. Nous logeons au pied de coteaux qui n’abritent que quelques maisons très haut perchées au sein d’une végétation qui paraît, vue de la mer, inextricable. Entre mer et terre, sur une plage de galets anthracite l’écume se love dans un roulement de tambour étouffé. Au Nord de l’anse Chaudière, à l’endroit où les mornes se rejoignent le village d’Arlet s’étire paresseusement au bord de sa plage. Le clocher de son église révèle un éclat particulier, presque glamour, dans le couchant du soleil. A ses côtés, des cases pays. L’une d’elles totalement rénovée, dans les tons jaunes et bleu pastel, est ravissante. Les autres attendent que les bonnes volontés les extirpent du travail de la rouille. Ce village est serein, il y fait bon vivre. Nous quitterons, à grand-peine, les eaux translucides de l’Anse Chaudière.

Prochaine escale, l’anse Mitan ! C’est de la haute villégiature ! Sur les 12 milles qui nous séparent de cette halte, nous croisons à quelques encablures de Grande Anse d’Arlet. Cette vaste baie, n’a pas changé en 15 ans ! La végétation tenace, a repoussé toutes les tentations immobilières ! C’est l’une des plus belles plages de la Martinique. Elle dessine un croissant de lune ambré ponctué de bouquets de cocotiers dont les palmes brillent sous les rayons du soleil. Ce décor de carte postale a beaucoup de succès au près des plaisanciers. Mais, l’espace réservé au mouillage ayant été limité récemment, les places sont « chères » !

Au-delà du Cap Salomon, nous pénétrons dans l’immense baie de Fort-de-France. La « capitale » grimpe à l’assaut des Pitons du Carbet dont l’altitude avoisine les 1100 mètres. Lorsqu’ils ne sont pas encapuchonnés de nuages, la vue sur Fort-de-France depuis l’Anse Mitan, est magnifique. A quelques milles de l’Anse Mitan, nous embrassons du regard toutes les typicités géologiques de l’île :une plage dorée se blottit au sein de l’anse Dufour, tandis que tout à côté, l’anse noire abrite une plage de sable anthracite, qui témoigne de l’activité volcanique de l’île. La paresse nous gagne à nouveau et nous établissons des records de lenteur pour notre progression vers le Nord…

Un petit vent portant bat le rappel des troupes, et nous levons l’ancre pour une GRANDE navigation (14 milles !) vers Saint Pierre. Cette navigation, vers le volcan est toujours chargée d’une émotion particulière. Nous attendons l’apparition de la vieille dame autoritaire et solennelle. Enfin, elle se montre au détour de la pointe du Carbet : la Pelée ! A chaque fois que nous naviguons vers elle, la magie opère. Peu à peu, l’arc de cercle de la plage anthracite de Saint Pierre se dessine. Nous jetons l’ancre, là où il y a plus d’un siècle les trois et quatre mâts barques mouillaient eux aussi. Les navires au long cours avaient choisi Saint Pierre car c’était le mouillage le plus sûr, au pied de la ville la plus florissante de la mer des CaraÏbes. Saint-Pierre était la corne d’abondance des Petites Antilles, jusqu’à ce jour de 1902 … Ce jour fatal où la Montagne, décida de tout ensevelir en 69 secondes. Le présent de Saint-Pierre est indissociable de son Histoire. Un voyage à Saint-Pierre marque ses visiteurs à jamais !

Nous logeons au cœur même de la ville. Ainsi, bien que nous soyons en bateau, nous vivons au rythme de celle-ci. Et quel rythme ! Celui des percussions du carnaval ! C’est un carnaval bon enfant, où l’industrie du tourisme n’a pas droit de cité. Les maîtres de ballet y sont l’improvisation, la tradition et la bonne humeur ! Nous assistons au sacre de la Mini Reine (adorable !), aux défilés des tout petits (féérique !) et des addos des collèges A et B (splendides !) Nous nous mêlons aux randonnées dansantes menées tambours battants par des orchestres traditionnels (quelle santé !) Il y a aussi l’élection de Miss ou Mister ( ?) travesti (désopilant !), les mariages burlesques ( irrésitibles) et le « vidé » diable rouge (effrayant !) Le jour de l’enterrement de Vaval, dès le lever du soleil, le zouk transcende les rues : « zouk la sé seul medicamen to me ! »

Le temps passe et l’Etoile de Lune se prend au jeu. Elle dodeline de la jupe arrière (poupe d’un voilier) Vue de la plage, elle ressemble à une carioca de carnaval ! Par contre, lorsque nous remontons à son bord : finie la samba ! Notre bateau se prend pour une tambour endiablé, pratique pour le carnaval et même pour la machine à laver de la Mère Denis ! Mais alors, pour l’équipage !...

Le mouillage de Saint-Pierre, se révèlerait-il, donc, parfois rouleur? Pire, pervers ! Car, non content de rouler, il tangue aussi, et dans le même temps (performance !) il agrémente le tout d’effets d’ascenseur ! Onze jours… nous tiendrons 11 jours ! Saint-Pierre le vaut bien !...

Amitié marine L’Etoile de Lune

Nous vous avons préparé deux pages documentées de nombreuses photos (actuelles et anciennes), n’hésitez pas à consulter : la légende du Diamant et le fabuleux destin de la ville préférée des flibustiers : Saint Pierre

IMPORTANT: Si vous souhaitez répondre à ce mail, merci de ne pas nous retourner le message d'origine et d'utiliser de préférence notre adresse suivante: etoile-de-lune@wanadoo.fr


Aujourd'hui le 26 janvier 2005- Mail 33

Point GPS : 14°25N – 60°53W – Anse Caritan Martinique Vent Sud Est 3 à 4 (15 à 20 nœuds)- Mer peu agitée – Houle Nord Est Temps ensoleillé nuages épars- Baro = 1013/1016 - T° eau = 27° - T° air =30° Nombre de milles parcourus : 4880 milles

Bonjour à tous,

Depuis le début de ce voyage, l’équipage aspirait à un seul et unique but. Sur notre route, nous croisions des archipels, et abordions les îles avec les yeux éblouis de la découverte. Mais, nous n’étions pas libres de nos pensées, elles étaient entièrement vouées à cette idée fixe : Arriver de l’autre côté ! Traverser l’Océan. Nous avancions, le cœur enivré par l’attente, vers cette échéance chargée de tous nos espoirs. Et voici qu’il est derrière nous cet Océan. Nous y sommes dans ces îles bercées par les alizés, les vrais ! Non ceux que l’on qualifie de Portugais et qui n’en sont qu’une copie peu fiable.

La Martinique nous tend les bras et nous accueille avec son accent coloré au goût d’épices. La gentillesse et la joie de vivre indéfectible des insulaires est au rendez-vous. Nous nous délectons des paysages et de ce climat facile à vivre, même si la saison des pluies joue les prolongations. Partout, la végétation, gorgée d’eau, luit dans les rayons du soleil. Sainte Anne est un village agréable. Les doudous sont adorables. Nous faisons la connaissance de Monique qui n’a pas son pareil pour alpaguer le badaud qui se balade dans le marché couvert. Avec son merveilleux sourire et sa générosité elle vous fera goûter, si vous êtes sages, les « délices de Monique ». A l’anse Caritan, où nous « logeons », nous bénéficions d’une vue exceptionnelle et imprenable sur le célébrissime Rocher du Diamant. Où devrais-je dire ? Her Majesty’s Ship Diamon Rock ? Car les Anglais ont répertorié dans leurs registres « NOTRE » rocher, comme un navire de sa Majesté, relique des guerres qui opposèrent les Français et les Anglais dans la région. Mais alors… les couchers sur le Diamant… Imaginez-vous la débauche de couleurs….

Chaque jour est une gourmandise. Et pourtant, les premiers temps de notre arrivée nous laissent perplexes. La mesure exacte de notre projet dans nos vies nous échappe, un peu comme si nous étions tout à coup en panne de rêve. Plusieurs circonstances ont contribué à nous jeter dans cet état d’esprit.

En effet, dès notre arrivée nous découvrons les restes de la catastrophe qui s’est abattue sur les îles du Sud de l’archipel le 6 septembre dernier. Ivan, le terrible cyclone qui a frappé Grenade, a semé sur son passage la panique chez les plaisanciers. La flotte des « Amel » semble avoir beaucoup souffert, mais nous avons vu une cinquantaine de bateaux, toutes marques confondues, endommagés. En effet, se fiant aux statistiques qui commençaient à classer Grenade hors zone cyclonique, plusieurs propriétaires de Super Maramu avaient laissé leur bateau en hivernage à Grenade. Nous découvrions en arrivant de véritables éclopés (démâtés, coque éventrée et réparée dans l’urgence…). Les plaisanciers ont dû fuir Grenade, car la délinquance a immédiatement suivi le carnage laissé par le cyclone. La plupart d’entre eux se sont réunis en Martinique. Ils ont affrété un cargo spécialement conçu au transport de bateaux. Quel triste spectacle que de voir le voyage se finir de telle manière !

Pour les fêtes nous avons rejoint un groupe de bateaux amis au Marin (Sud de la Martinique). Le Grand Cul de Sac du Marin affiche complet ! Que de changements en quelques années ! Nous étions venus pour la première fois en 1990. Le fond de ce trou à cyclone réputé ne comportait que quelques pontons. L’industrie du charter démarrait. Les collines du fond de la baie abritaient au-delà des mangroves à moustiques quelques cases hors d’âge. Les nuits du Marin étaient habitées d’une cacophonie typique qui se jouait à trois voix. Les grenouilles-pays tapissaient le fond sonore de leur coassement strident, cette musique de fond ininterrompue était ponctuée des aboiements des chiens bo-case et des fiers cris des coqs de combat. Comme occupation privilégiée, les moustiques accueillaient en grande pompe les nouveaux venus. Ce chahut tropical ne cessait qu’avec les premières lueurs du jour. Aujourd’hui, de nombreux immeubles ont poussé sur la partie Nord et Est du Cul de Sac. La marina s’est développée et elle atteint maintenant une renommée qui attire la plupart des plus belles et des plus luxueuses unités qui naviguent dans la mer des Caraïbes. L’anse profonde est également le point de rendez-vous favori de centaines de bateaux plus modestes.

Nous passons les fêtes au rythme de la biguine qui revient au goût du jour et que seul les anciens savent encore jouer. Une Doudou qui affiche fièrement plus de 80 ans passera la soirée entière du nouvel an à m’apprendre à danser au son d’un orchestre, dont les membres étaient « beaucoup plus jeunes qu’elle ! ». Les trois musiciens affichaient ensemble presque 200 ans quand même !

Mais le mois de janvier débute bien mal, et l’Etoile de Lune est endeuillée. Dominique doit rentrer en France, il a perdu son Papa. Nous étions partis accrochant nos rêves aux étoiles, mais la vie reste là, avec ses mauvaises passes, difficiles à traverser. Un voyage ne nous met pas à l’abri de tout cela.

Le Capitaine fera confiance à son équipage qui veillera à l’ombre du Diamant sur le bateau. A son retour, il sera fier de ses moussaillons qui ont su gérer son bateau en son absence. Il désire « oublier tout cela » et formule le désir de continuer.

Nous nous laisserons du temps avant d’approcher le prochain Océan : le temps de flirter avec les îles des Caraïbes dont les beautés sont autant de baume au cœur. Nous nous transformerons en véritables cœurs d’artichaut, les aimant chacune à leur tour. Tels des collectionneurs obstinés, nous les voulons toutes ! Combien sont-elles ? De Grenade à Saint Martin, des Vierges britanniques, américaines, espagnoles aux Grandes Antilles, des Bahamas aux Turcs et Caïcos, des îles du Sud aux îles néerlandaises mais, combien sont-elles ?

La mer des Caraïbes, parfois rebaptisée par les spécialistes "La Méditerranée Américaine" dépasse de plus de 50% la superficie de "notre Méditerranée". L’Arc antillais de Porto Rico à Grenade compte une cinquantaine d’îles majeures. Si l’on additionne à ce chiffre toutes les îles qui parsèment la mer des Caraïbes, nous nous trouvons face à la tâche titannesque d’aborder dans les prochains mois plus de 200 îles clairsemées sur un arc de plus de 3.500 Km.

Tant pis (ou tant mieux !) L’Etoile de Lune prendra le temps d’écumer la mer des Caraïbes à satiété ! Alors, en route !

Amitié marine L’Etoile de Lune


Aujourd'hui 10 Janvier 2005- Mail 32

Position du bateau: Martinique Vent Est Nord Est 5 à 10 nœuds - 20 nœuds sous rafales de grains Mer calme derrière les îles houle de Nord Est, mer agitée à forte dans les canaux (15 à 20 nœuds) Temps couvert et pluvieux - Baro = 1015 - T° eau = 26,7° - T° air =26° Nombre de milles parcourus : 4863 milles

Bonjour à tous,

Tout l’équipage de l’Etoile de Lune se rassemble sur le pont pour vous adresser ses vœux pour l’année 2005. Que les vies terriennes et marines s’écoulent telles des fleuves, qui, quoiqu’ils traversent, convergent toujours vers l’Océan. Que chacun de vous conflue infailliblement vers ses rêves !

Nous tenons également à vous remercier pour le courrier abondant qui nous attendait au cyber café. Vos mails nous ont beaucoup émus, car ils sont autant de messages de sympathie et d’encouragements à continuer de partager avec vous les aventures de ce voyage. Nous tenons à rassurer les inquiets, qui présagent de la mauvaise influence des langueurs tropicales sur la plume de l’Etoile de Lune : elle ne s’engourdira pas !

Quant aux nombreuses questions concernant la vie à bord d’un bateau en traversée océanique, nous ne pouvions vous répondre à tous personnellement. Malheureusement, le temps de connexion Internet aux Antilles dilapide rapidement une cagnotte. Nous vous avons donc préparé une page dans la rubrique « les traversées ». Vous trouverez nos conclusions sous forme de bilan technique, humain et canin (réclamé à corps et à cri par les Maîtres-chiens-marins). Nous vous racontons également dans la rubrique escales notre passage au Banc d’Arguin (Mauritanie).

Pour tous les nouveaux venus, n’hésitez pas à consulter les pages qui relatent les escales qui ont égrené le voyage pendant ces 6 derniers mois. (Gibraltar, Madère, Porto Santo, Graciosa, Lanzarote, Ténérife). Vous pouvez également nous suivre au travers des mails mensuels archivés chaque mois.

Depuis notre arrivée en Martinique, le temps ne se prête pas vraiment à la villégiature. Le ciel a entrepris de baptiser l’Etoile de Lune. Le pont n’a jamais été aussi propre, et de la tête de mât à la ligne de flottaison, toute trace de sel ou de sable du Sahara ont été effacés. Tauds de récupération, gamelles, bidons et siphons sont devenus les outils de notre passe-temps quotidien. Tout l’équipage (sauf Lune) s’affaire sur le pont pour déplacer les récipients afin qu’ils récupèrent le maximum d’eau douce. Le produit de cette récolte est ensuite transvasé dans les réservoirs. Aujourd’hui, ils sont pleins : « coupez les vannes la-haut ! » A présent, nous aurions plutôt besoin de soleil, afin de chasser l’humidité qui s’est insinuée dans les moindres recoins du bateau.

A bientôt, Amitiés tropicales L’Etoile de Lune