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Dominique a mis à profit ses deux mois en solitaire pour approfondir le sujet. Il a visité tout ce qui était à portée de ses chaussures de marche, et pour le reste il a étudié l'archéologie maohie dans un excellent recueil écrit par Catherine Chavaillon et Eric Olivier. Nous ne pouvions rêver meilleur guide! Nous nous évadons donc vers les sommets de l'île. Nous passons des cols qui nous révèlent des panoramas superbes. J'avoue que les Marquises sont plus belles vues de terre que vues de mer! Lorsqu'on les aborde par bateau, les paysages sont oppressants, arides, tortueux. En pénétrant dans les vallées, les panoramas s'ouvrent, spectaculaires, vers l'océan. La ferme des O'Connors Avant la bifurcation vers Hanapaaoa, nous nous arrêtons à la ferme des O'Connor. Celle-ci nous a été chaudement recommandée par Gaby. Les pluies de ces derniers temps ont rendu les chemins boueux, mais Dom maîtrise à merveille les glissades dans les virages et nous finissons par trouver les cabanes d'une famille recluse. Le patriarche, Lucien, nous accueille.
Sa descendance irlandaise ne fait aucun doute. Il est blanc, rouquin, mais il a l'accent marquisien, profond qui roule les "r". J'ai pu remarqué en côtoyant les insulaires, qu'ils étaient fiers d'afficher leurs mélanges génétiques. Je n'ai pas trouvé une seule personne qui se disait marquisienne ou maohie à 100%. Tous ont des ancêtres tchèques, allemands, italiens, bosniaques, irlandais, chinois... Lucien O'Connor nous fait déguster sa spécialité : la banane séchée. Elle leur a valu un bel incendie le mois dernier. Toute la ferme a failli voler en fumée. Ici, ils font sécher les bananes à l'étouffée. Un feu de bois brûle pendant quatre jours sous les bananes bien mûres. Au bout de ce traitement, elles acquièrent une couleur ambre et un goût concentré de banane gardant toutes ses vertus, sans date de péremption. Chez Lucien, nous faisons provision de pamplemousses, de bananes fraîches et séchées, de vinaigre de banane et de citron mariné, condiment pour cuisiner le canard à la mode marquisienne.
Des paysages spectaculaires Une route tortueuse, je dirais même vertigineuse (!), nous entraîne sur la côte nord de l'île. Nous traversons des villages oubliés du monde, tels Nahoe et Eiaone. Les falaises, rongées par l'océan, ressemblent à des orteils de cyclopes. La nature est sans partage, la végétation sèche laisse paraître une roche rouge, incandescente. Les contrastes chromatiques sont aussi puissants que les falaises sont abruptes. Le paysage tout entier nous emporte dans un monde tranchant, incisif et sans nuances... Le village de Puamau Au bout de la route, nous trouvons le village de Puamau. Il respire le bon vivre, flanqué de deux pitons rocheux, il se tapit derrière une plage rondelette de sable noir. Un cheval broute l'herbe, non loin de claies où sèche le coprah. La vie s'écoule tranquille, dans la plus pure tradition marquisienne. Sur la route des tikis, Thérèse nous accueille. Elle tient un snack et nous promet de nous préparer un plat asiatique à la mode marquisienne. Avant de déguster sa cuisine, elle nous invite à visiter le site du grand Tiki. Sur des terrains appartenant à sa famille, se dresse le plus grand tiki de Polynésie. Ce n'est pas le plus grand de tout le Pacifique, puisque les statues Moai de Rapa Nui (île de Päques) lui volent la vedette. Le site est très bien entretenu. Aux frontières de l'archéologie, un vrai jardin d'agrément embaume de fleurs de tiarés. Les hibiscus sont à l'honneur, ici, leurs fleurs sont géantes. Le site de Puamau vaut le voyage! Situé au pied du piton Toéa, au coeur d'un immense cratère, le me'ae Iipona est magnifiquement restauré. C'est un travail de longue haleine qui débuta en 1991 et qu'il faut maintenir, sans quoi la végétation aurait vite fait de l'envahir. Cinq tikis sont mis en évidence dans ce site magistral.
Le premier est très particulier et unique dans l'art polynésien. Il se nomme Makii Taua Pepe. Il représente un tiki couché, sur un socle cubique qui révèle quatre motifs sculptés en bas-relief.
Derrière lui, un premier grand tiki debout d'environ deux mètres. Il porte le nom de Te Ha'a Tou Mahi a Naiki. Sur une plate forme, comme une scène offerte au coeur de la forêt pour l'éternité, le grand tiki nommé Tikaii toise de ses 2.67 mètres la vie des mortels. Il a été taillé dans de une pierre volcanique rouge. Il a tout subi et tout traversé debout : les guerres intestines, l'oubli des hommes et l'envahissement de la végétation, la déforestation et la plantation de caféiers, puis enfin, grâce à une poignée de passionnés, il a retrouvé sa majesté et il se dresse à nouveau fier et droit dans la vallée de Puamau. Le cinquième tiki a été décapité par les Allemands lors de la seconde guerre mondiale. Sa tête se trouve au musée archéologique de Berlin. La plupart des tikis de ce site ont été taillés dans un agglomérat volcanique ou tuf trouvé dans une carrière située loin dans la vallée. Les Maohis ne possédaient alors que des outils de pierre type pics ou herminettes. Le monumentalisme des tikis laisse rêveurs lorsqu'on pense aux moyens dont ils disposaient à l'époque. Les tikis de ce site représentent des ancêtres maohis. La légende raconte qu'au dix-septième siècle Te Eita fafa, Hakieinui et Maiauto, trois nobles de la famille Naiki entrèrent en guerre avec les voisins des vallées de l'ouest. Ils capturèrent leur chef, Tiu Oho et l'offrir en sacrifice (ce qui signifie qu'il finissait à la casserole!). Pour venger sa mort, les clans amis de Tiu Oho s'allièrent et combattirent les Naiki. Ceux-ci furent vaincus et chassés de cette vallée vers Atuona, Nuku Hiva , Ua Pou et Ua Huka. Les vainqueurs s'emparèrent de la résidence des chefs Naiki. Ils la transformèrent en me'ae où s'érigèrent des tikis représentants les grands chefs vainqueurs.
Et... pour finir une rencontre inopinée. Quelle belle journée! Et quel bonheur de la partager avec vous! |
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