Mail 49 - Juin 2006
Nombres de milles parcourus : 7086 milles
Zone de navigation : l'archipel guadeloupéen

Sur les Ailes du Papillon

"La forêt, c'est encore un peu du Paradis perdu. Dieu n'a pas voulu que le premier jardin fût effacé par le premier péché. " Marcel Aymé

Voici le dernier épisode de la trilogie sur l'archipel de la Guadeloupe. Nous quittons les Saintes, et partons pour Deshaies, où nous " logerons " pendant cette visite où randonnées et excursions se succèderont. Nous tentons ici de vous donner un aperçu de cette île qui recèle tant de richesses qu'elle ne peut se laisser enfermer dans un article si court...


Bonjour à tous,

Nous quittons les Saintes, le pain de sucre s'habille de rayons matinaux. La Guadeloupe en face est belle et imposante. Ses hautes montagnes verdoyantes monopolisent l'horizon. Les mornes du sud sont dégagés et offrent leurs pentes aux lumières tendres du lever du jour. La Soufrière boude, son sommet est emmitouflé dans son écharpe de nuages. Nous traversons le canal des Saintes. Nous naviguons sous le phare de Vieux Fort, une vieille connaissance...

Combien de fois, n'ai-je pas rêver, en assistant au départ de cette course mythique qu'est la Course du Rhum, d'achever une transatlantique en saluant ce phare ??? Si le phare n'a pas marqué la fin de notre traversée océanique, il a pourtant assisté à mes débuts à la barre d'un voilier-école. C'était en dix-neuf cents...(hum ! No comment !) Jusque là je n'avais pris " la barre " que d'une planche à voile. Quand j'ai demandé au skipper comment m'y prendre ? Il m'a répondu :  " comme sur ta planche à voile, pour suivre ta route, ne fixe pas le compas, prends des repères devant... un nuage par exemple ! " Curieux baptême du feu! C'était un voilier de cinquante pieds, et, à l'époque,  je me voyais mal suivre des nuages! Ce pauvre voilier n'a jamais tant zigzagué de sa vie que ce jour là... Aujourd'hui, le temps est radieux. Le plaisir et la magie de naviguer sont au rendez-vous, et je suis un nuage ma fois très sympathique !

Nous nous arrêtons dans l'anse à la barque, sous le vent de Basse-Terre. Cette baie a une petite histoire. En 1809, deux navires français, plus précisément des fluttes (ou corvettes de charge) ont été coulées dans la baie par les Anglais. L'un des bateaux était un véritable coffre-fort flottant. Il transportait un trésor de plus de 500.000 francs or. Aujourd'hui, une expédition sous-marine est à pied d'œuvre. Nous les voyons effectuer des recherches sur les deux épaves. Mais, lors de notre séjour, ils découvrent une troisième épave qui ne ferait pas partie de la flotte napoléonienne comme les deux premières, mais qui révèlerait des " caractéristiques inhabituelles ". Elle est posée sur l'avant d'une des fluttes. Le naufrage est donc postérieur... Pour le moment, le mystère reste entier, et les scientifiques sur place ne seront pas plus éloquents... Néanmoins, nous nous mettons à rêver dans le cockpit de l'Etoile de Lune. Et si nous avions fait un petit " snorkeling " avant que cette expédition n'arrive ??? Et si... et si....

Nous poursuivons notre route toujours en quête du nuage pilote... Il aurait aujourd'hui la forme d'un pirate ou d'un coffre clouté.... A quelques 10 milles de là, Deshayes nous accueille, l'anse s'appuie sur un village paisible au Nord-Ouest de la Guadeloupe, ce sera notre point de départ pour une visite en bonne et due forme du papillon.

Rien n'a changé depuis notre premier passage à Deshaies... Rien ? Si ! Deshaies est devenu un coin hyper branché, le spot incontournable, la coqueluche de ces dames Karet, Caouanne ou Olivâtre... Impossible de nager dans la baie sans voir l'une d'elles dresser la tête et reprendre, à quelques mètres de nous, une grosse goulée d'air. Avec le masque on peut assister à leur repas. Elles grignotent à longueur de journée un énorme plat de salade sous-marine en compagnie de leurs poissons pilotes... " Pilotes ", je me demande ce qu'ils gouvernent ? Ces paresseux sont agrippés à la carapace des princesses impassibles et se laissent convoyer ! Vous l'avez compris Deshaies est la piscine préférée des tortues. Depuis 1991, elles sont protégées dans tout le département de la Guadeloupe par un arrêté préfectoral. Aujourd'hui la population de tortues se reconstitue. C'est génial !

Pour le reste, le village a gardé son cachet paisible. Il vit, niché au fond de sa baie profonde, à l'ombre de bouquets de cocotiers. Lorsque nous nous rendons à terre, nous préférons laisser l'annexe dans la rivière qu'utilisent également les pêcheurs comme parking à barques. Chaque matin, nous croisons l'un d'eux. De bonjours timides, en grands sourires, une discussion finit par naître. (Une drôle de bestiole prise dans ses nasses nous avait intriguée.) Le lendemain, il nous appelle, ses nasses sont alignées sur le quai, il coupe des mangues qui visiblement serviront d'appâts( ?) Il nous en tend quelques unes, en nous disant : " vous verrez, celle-là sont très sucrées... Prenez, prenez... " Puis, il nous en dit un peu plus long, sur lui, sa vie, son métier... Il a 70 ans, il en parait 50... Il est à la retraite, mais il a besoin de bouger, alors chaque semaine il va poser ses nasses. Hier, il en a mis 6 vers la Perle, un rocher au Nord de la Guadeloupe. Il les laisse une semaine, et souvent, il récupère une dizaine de poissons chats. Lorsqu'il était encore du métier, il allait beaucoup plus loin, il se rendait avec sa barque jusqu'à Montserrat et même Antigua. Depuis que le volcan s'est fâché, il reste dans les parages de la Guadeloupe. Il nous dit, résigné : " le poisson est moins abondant. C'est plus difficile pour les jeunes d'aujourd'hui ! " Ces rencontres sont les vrais bonheurs de ce voyage...

Mais, il est grand temps pour nous, d'aller user nos chaussures sur les falaises et les rivages de Grande-Terre. Nous allons aussi les maculer de boue dans la forêt tropicale de Basse-Terre. Bref, nous partons pour une série de randonnées. Nous sommes curieux de la magie, du rythme, et des spécificités de la Guadeloupe. Nous partons vers la Porte d'Enfer, la Pointe de la Vigie, le Trou du Souffleur, la Trace des Douaniers, la Pointe des Châteaux, la Mamelle-pigeon, la trace des Contrebandiers.... Bref, nous chatouillons de notre curiosité insatiable les ailes du papillon aux mille facettes. Il est bordé d'un littoral si varié qu'il faut du temps pour l'apprécier. A l'Ouest, l'île est sertie de plages paradisiaques caressées par une mer chaude et calme. Au cœur du papillon, la côte est frangée de mangroves où les oiseaux, protégés, eux-aussi foisonnent. A l'Est des falaises vertigineuses plongent dans l'Océan qui déploie son éventail de couleurs : turquoise psychédélique, émeraude scintillant, bleu profond, outre-mer, indigo marbré.

Nous commençons notre villégiature par la Porte d'Enfer où nous assistons au déchaînement des éléments. Une houle de Nord-Est frappe à la porte, et pénètre dans l'anse tel un tsunami effrayant. Pourtant, le récif calme la furie. Ne parvient, à la plage lovée dans le fond de l'anse, qu'une caresse d'écume domptée. Au Sud-Ouest de Grande-Terre, à la Pointe des Châteaux, les rouleaux sont si furieux qu'ils volent quasiment la vedette à la silhouette particulière des Roches qui pointent vers la Désirade. Impossible de détacher son regard du tableau, il est hypnotique ! Chaque vague damassée d'un cristal virginal s'enroule. L'écume se cabre. Elle livre un combat incessant et s'acharne avec tant de fureur sur le rivage qu'on le verrait presque reculer...

Basse-Terre est le royaume de la forêt, elle attise une fascination particulière. Nous nous enfonçons dans l'empire de la végétation. C'est un monde profond, presque sans lumière, où les mystères sont à la portée de l'imagination. Ce grand gaillard, là, que nous croisons machette à la main, n'est-il pas un quimboiseur, à la recherche de quelques plantes aux effets magiques ? Au sommet des montagnes de Basse-Terre, un océan vert ondule de morne en morne telles les vagues qui se succèdent jusqu'à l'horizon. Par des chemins désaffectés, nous découvrons les chutes Moreau, souvent oubliées. Trois cascades partent du ciel, plongent dans des bassins, rebondissent et repartent le long de la roche noire tapissée de fougères arborescentes. Nous nous gavons de solitude dans des traces si reculées que nous n'y croisons personne. Ha vraiment, la Guadeloupe est belle !

Avant de clôturer ce mail, je tiens à partager avec vous une petite anecdote. Nous étions un soir à Sainte-Rose. Une doudou, nous capture par le regard. Elle achève notre apathie par cette espièglerie typiquement créole. Son appel est teinté d'humour. Elle parle sans embarras. Elle nous raconte la vie de son village, qu'elle ne reconnaît plus. Nous ne comprenons pas tout, ses explications sont enluminées d'expressions créoles qu'elle s'efforce de gommer. Surtout, qu'elle ne change rien ! Son accent, son "palé kréyòl  ", tout nous pousserait à l'écouter des heures durant. Elle a 87 ans, elle fait son boudin elle-même,  " alors, que les jeunes, eux, n'en prennent plus la peine ! " Elle a enseigné la recette à son fils pour que ça devienne son gagne pain. Tous ses enfants sont restés en Guadeloupe. Elle profite de la vie, au milieu d'une famille garnie de petits enfants et d'arrières petits enfants. Tout cela ne l'empêche pas de savourer les avantages de son âge pour partir en voyage, au Canada (c'est le dernier en date) avec le club du troisième âge. Elle conclut cette conversation ou, plutôt, ce monologue philosophique par cette phrase qui nous marquera pour la vie : " La mort est trop longue ! "
Jamais nous n'avons entendu phrase plus sensée ! Nous ne voyions décidément pas la chose sous le bon angle... Elle ajoute pour remplir le silence laissé par notre perplexité :
" Tant qu'on ne fait pas de mal, faut en profiter ! "
Voilà toute la philosophie d'une Doudou heureuse de vivre au cœur de sa merveilleuse Guadeloupe...

Mèsi anpil ! (merci beaucoup !)

Amitiés marines
L'Etoile de Lune

Retrouvez sur le site toute la magie de l'archipel guadeloupéen. Vous y attendent les albums photos et des articles complets sur Marie-Galante, les Saintes, la Guadeloupe ses possibilités de randonnées et des anecdotes historiques. Vous découvrirez également l'île des Petits Monde : Saint Martin. (cliquez sur chaque mot souligné pour naviguer dans le site.

Texte écrit par Nathalie Cathala et mis en page par Dominique Cathala en juin 2006.
Tous droits réservés.


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