Lettre de voyage 107– écrite en avril 2013
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Le tuk-tuk traditionnel |
"C'est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas." Victor Hugo
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En fin de lettre :
Photo du mois : Pas évident de se tenir informé...
Résumé
Nous sommes arrivés en Thaïlande avec l'intention de nous y installer lorsque le bateau sera vendu. Et nous en sommes repartis convaincus qu'elle ne sera pas notre terre d'asile. Nous nous sommes laissé le temps de visiter le pays le plus largement possible (8 semaines) afin d'en dégager une vue d'ensemble. Et une conclusion sévère et rapide serait : que ce pays bénéficie d'une image "liftée", du moins en tant que pays préféré des retraités expatriés. En ce qui concerne les voyageurs de courte durée, le pays offre encore quelque dépaysement.
Bonjour,
Le scooter omniprésent |
Tout change et il est probable que nous sommes partis en mer, au moment où le monde a le plus changé. Songez que Skype n'existait pas au jour de notre départ, les tablettes non plus, le WiFi inexistant...Tout ce qui fait votre quotidien aujourd'hui et ces petites choses qui vous accompagnent dans les recoins les plus intimes de vos vies n'étaient pas là. Le voyage en mer protège du monde, et rend son équipage "décalé" (je parle de ceux qui, comme nous, n'ont vécu que la mer, sans vraiment rentrer au pays, toujours sur les "routes" de l'océan sans pause dans cette vie de SDF). Et encore... au bout de 9 semaines de trip, le mot "décalé" me paraît être un euphémisme. Nous sommes arrivés sur terre, après une longue déconnexion. Avec un regard sur le monde qui vous semblera tellement éloigné du vôtre, d'emblée pardonnez-moi, si je suis trop sévère.
Bangkok du XXI ième siècle |
Au rythme de nos déambulations, nous nous rendons compte à quel point nous sommes "à part" de la plupart des visiteurs venant directement en avion depuis leur pays d'origine. Ils passent du froid au chaud. De la ville à la plage. Du quotidien au dépaysement. Des humeurs grises aux "sourires" d'ici, de la morosité aux "full moon party". En général cela suffit à faire passer de bonnes vacances à 99% des touristes du monde. La deuxième raison de "passer de bonnes vacances" est de "tout payer pas cher". Voilà les buts premiers des touristes.
Bangkok au quotidien |
J'aurais envie de jouer mon Cyrano et de dire "Ha non c'est un peu court!"
Ne nous jetez pas la pierre, en Europe vous êtes abreuvés d'émissions et de reportages prônant les bienfaits d'un déménagement en Thaïlande, témoins à l'appui qui disent tous la même chose. Il n'y a pas eu, bizarrement de reportage sur ceux qui, inspirés par la télévision, et son flot d'images et de sons, sont revenus fissa dans leurs pénates, déçus des goûts de paradis : "trop chaud", "trop de moustiques" (avatars de tous les pays tropicaux!), "barrière de la langue INSURMONTABLE", "affluence touristique et autochtone", "pollution", saleté chronique, "disparition de la nature sous l'impulsion du lucre", "marre de se faire "arnaquer avec le sourire", "fossé entre les cultures". Voilà les arguments entendus et glanés ci et là.
Je vous rassure, tout n'est pas aussi noir.
Le massage s'installe dans la rue |
La Thaïlande n'est pas à compter dans les "pays pauvres" comme je le vois dans vos réactions sur le blog et la page FaceBook. La Thaïlande est un pays "émergeant" qui s'est complètement démarqué des pays en voie de développement. Elle est une sorte de "petite Suisse" de l'Asie (toutes proportions gardées, car selon les régions la population s'en sort plus ou moins bien). Ce pays n'a jamais subi la colonisation occidentale, il a échappé aux conflits d'Indochine et du Vietnam et reçu l'appui des Américains dans ces années confuses, ou la diplomatie a permis au grand frère à bannière étoilée d'installer sur la Thaïlande ses bases arrière de bombardiers qui ont détruit les pays voisins.
Bangkok moderne et fleuve Chao Praya |
Nous sommes au "pays des mille sourires" prôné par les agences de voyages. Une caricature aussi grosse que si je vous disais : "La France est le pays des râleurs". Autant pour moi... mauvais exemple (!)
Costume traditionnel |
Voici donc un des rares pays, où j'ai été frustrée de ne pouvoir communiquer autrement qu'avec un billet de 100 baths à la main. Depuis dix ans, même au coeur de populations ne pratiquant que leur langue vernaculaire, nous sommes arrivés à établir de véritables contacts, des échanges de point de vue, à apprendre une autre manière d'envisager le quotidien, à comprendre le monde au travers de leur regard, à percevoir ce qu'ils pensent de l'étranger. Ici, je ne suis pas parvenue à traverser le mur. Ils sont restés imperméables. Et moi qui suis une vraie éponge à émotions, je me suis littéralement desséchée. Ce n'est pas de leur faute... c'est simplement une sorte "d'incompatibilité".
Hors Bangkok on dialogue par signes |
Nous avons vécu dans notre monde de "visiteurs" et eux, dans le leur au sein de leur pays, sans possibilité de partage. Sans doute un choix, pour eux, à respecter.
Venons-en donc à ce que nous avons "vu".
Le brouhaha omniprésent |
Le Tao est un long chemin à parcourir... (oui je sais c'est Confucius et il est Chinois!)
Les Thaïs, tout comme leurs voisins cambodgiens sont, par contre, très doués dans d'autres arts, dont ceux de la sculpture qu'ils partagent avec leurs voisins cambodgiens, nous y reviendrons, dans une autre lettre.
Le bouddhisme: religion d'état |
Le merveilleux palais royal de Bangkok |
En dehors de ce folklore commercial, les temples autour du Chao Praya sont réellement les merveilles de Bangkok. Pour bien profiter du Palais Royal, il faut s'y rendre dès l'ouverture afin, pendant une première demi-heure de se sentir moins cerné par la foule. Au-delà de 9 heures du matin, nous sommes carrément engloutis sous le flot des visiteurs qui ne se réduit qu'à l'heure de fermeture. Par contre, le Palais royal par son clinquant est une merveille époustouflante.
L'artère fluviale de Bangkok: le Chao Praya |
Sortis de Bangkok, je ne saurais que trop déconseiller les tours vers Kanchanaburi (le pont de la rivière Kwai, les rivières et cascades, le marché flottant, le temple des tigres) tout cela n'est que déception, et perte de temps et d'argent. Le pont ne vaut pas la peine d'être vu, le marché flottant n'a plus rien d'authentique et n'est qu'un immense piège à touriste. Les cascades bondées de monde. Quant aux tigres...
L'éléphant n'a plus qu'une vocation touristique |
Concernant les animaux de compagnie, nous avons été favorablement étonnés. Là encore depuis des années, je ferme les yeux sur la conditions de nos amis chats et chiens dans les pays traversés. En Thaïlande, je n'ai pas vu de "pauvre bête". Ils sont chouchoutés, et j'avais la fausse idée qu'on les servait au repas. Les Thaïlandais ne sont pas friands de ces choses là, et ne ressemblent donc pas à leurs voisins sur ce point là.
Les tuk-tuk taxis s'insinuent partout |
Incroyable manière de conduire!
La seule règle en vigueur est "on roule où ça passe".
On ne freine que rarement, et tout le monde est à fond sur les pédales, quel que soit l'état de la route. La bande d'arrêt d'urgences est pratiquée pour le dépassement, ce qui fait que l'on double aussi bien par la gauche que par la droite. Au risque de basculer dans les bas-côtés. Quant aux lignes jaunes continues, elles sont tracées, mais c'est une dépense de peinture inutile. En Thaïlande, les voitures sont censées rouler à gauche de la route. Et je vous assure que plusieurs fois j'ai cru que nos divers chauffeurs étaient tous ambidextres du volant. Combien de fois avons-nous roulé à droite, dépassant un camion, une mobylette, une voiture voire les trois à la fois et frôlant le parechoc avant de celui qui venait en sens contraire, sur sa propre bande? Nous ne les comptons plus! Avec deux bandes de circulation à sens contraires, ils parviennent à faire 4 voies.
Une voie ferrée bien encombrée ! |
Phimai le plus grand temple Khmer de Thaïlande |
Pak Chong est une ville comme toutes les autres en Thaïlande: dénuée de tout intérêt. Mais à proximité, le parc national de Kao Yai nous a offert de très belles découvertes de la faune en liberté, observant à l'envi un grand éléphant mâle se gavant littéralement de racines de gingembre. Nous sommes restés un long moment avec lui, ainsi qu'avec les gibbons qui se balancent de branche en branche et s'interpellent de chants mélodieux d'arbre en arbre. Les macaques, gourmands et curieux, se donnent en spectacle à tout moment de la journée. Les biches, et cervidés sont bien représentés. Rencontre furtive avec un cobra royal qui s'est faufilé dans la forêt, où nous passons un long moment en compagnie de calaos, oiseaux étranges tant par leur taille que leurs couleurs.
Le parc historique de Sukhothaï |
Chiang Mai est une ville qui avait beaucoup impressionné Dom, lors de son premier voyage. A présent, hyperdéveloppée, je l'ai classée au rang des villes les plus kitchs du monde. Certains temples affichent sur leur "parvis" des Donald Duck, et autre animal de cartoon. C'est là que nous croisons le plus de moines dans les rues. Ils ne cessent d'étonner Dom qui se souvenait que les moines ne devaient rien posséder. A présent, il n'est pas rare de les voir bandoulière d'appareil photo sur l'épaule, clope au bec, avec le dernier téléphone tactile qui sonne dans la besace!
Le monde bouge, tout change, pourquoi ne pas projeter nos bons moines dans le 21e siècle, ils auront toujours un siècle de retard sur la Thaïlande !
Réfugiée Birmane de la région de Chiang-Mai |
Hors de Chiang Mai, nous avons poussé jusqu'à Pai et Mae Hong Son aux frontières de la Birmanie. Il faut faire attention lorsqu'on désire rendre visite aux tribus montagnardes de ne pas se retrouver dans un "zoo humain". A certains endroits, les communautés sont rassemblées afin d'en voir le plus possible en peu de temps, ce qui pousse les Thaïs à les "parquer" dans un coin accessible. Mieux vaut privilégier la visite de villages éloignés. Ceux-ci vivent du tourisme, seule ressource pour ces personnes qui ne bénéficient pas de la nationalité thaïe et n'obtiendront jamais que le statut de réfugiés, souvent méprisés par les autochtones. Tandis qu'ils n'ont aucun espoir de retrouver leurs terres dont ils ont été chassés en Birmanie, au Népal, en Chine... pour des raisons ethniques et de discrimination.
Les parcs nationaux du Nord réservent quelques belles surprises, comme de magnifiques cascades sorties d'une forêt épaisse et dense, devenue trop rare dans le pays, ainsi que des grottes aux formations calcaires magistrales dignes de celles que l'on trouve en Dordogne.
Plage de la région de Krabi (océan Indien) |
Pour les amateurs de plages, j'avoue que j'aurai du mal à conseiller un endroit plus qu'un autre. Tout dépend de ce que l'on cherche. Nous avons délibérément évité Pattaya, sa réputation, son affluence nous ont d'emblée persuadés que ce "n'était pas là", du moins selon nos critères. L'extrême sud du pays soit, les quatre dernières provinces avant la Malaisie sont déconseillées en raison de nombreux conflits qui éclatent à tout moment entre les musulmans et l'armée thaïe. Les premiers désirant obtenir une indépendance, les seconds défendant les frontières établies.
Du côté de Krabi et Phuket, tout le monde vit en paix, les musulmans tenant les commerces côté Krabi. Par contre, la réputation du sud de la Thaïlande est telle que la plupart des touristes en reviennent complètement dégoûtés par le bruit, la saleté et l'affluence. A moins de chercher à faire la fête en permanence et de s'éclater à bon compte, la foule de touristes gâche réellement le paysage qui eut pu être idyllique. Le summum a été atteint à Kho Phi Phi, ce paysage si célèbre des cartes postales! Nous n'avons pas vu la plage de Maya Bay, car dissimulée derrière un rideau de bateaux et ensevelie sous une "horde" de touristes. C'est déplaisant! On nous dit qu'il faut loger à Kho Phi Phi et s'y rendre au petit matin pour voir l'endroit (non pas désert) mais avec moins de touristes. La rançon à payer : nuits blanches, car ces îles paradisiaques au visuel, sont infernales d'un point de vue acoustique la nuit. Les îles sont transformées en discothèques où les touristes boivent toute la nuit, laissant derrière eux des montagnes de canettes et de bouteilles cassées sous les cocotiers.
L'archipel des Hongs (rocher James Bond) |
Côté mer de Chine, l'île de Kho Samui réserve encore quelques antres de quiétude, dont la plage de Lamai qui a été classée par les guides touristiques "has been". Cela nous convient très bien. Quoiqu'il y ait un peu de monde, les quelques formations rocheuses dont les célèbres "grand-père" et "grand-père" qui font rire tout le monde sont cocasses. L'ensemble est assez calme et la plage longue de sable blanc belle . Les plages sont propres à condition d'éviter comme partout en Thaïlande, les lagunes stagnantes où l'eau est nauséabonde. Malgré sa réputation, on y trouve encore des plages raisonnablement fréquentées. Ne rêvez pas à la plage déserte, seuls les logiciels de retouche de photo le permettent. Deux belles cascades au centre de l'île. En résumé, Dom trouve que Kho Samui ne mérite pas sa réputation. Quant à moi, après tout ce que nous avons vu, j'ai trouvé que ce n’était "pas trop mal".
Paysage granitique de Ko Samui |
Pour finir ce tour d'horizon, allons à Ko Tao, petite île aux formations rocheuses qui pourraient faire penser aux Seychelles, côté nature. Cependant, chaque formation est "utilisée" par un hôtel qui y appuie des bungalows, des terrasses, une piscine, un restaurant. Dom y a eu cette réflexion: "on dirait que plus rien n'existe en dehors du tourisme".
La Thaïlande en résumé... |
Nat et Dom
Pas évident de se tenir informé...