Les classes de physique, de chimie étaient particulièrement bien dotées, celles de mécanique ou d'ébénisterie étaient aussi bien outillées que celles qu'on trouve dans les écoles professionnelles d'Occident. Les classes pour les filles, "technologie de la cuisine ou du textile", étaient nanties d'ustensiles que l'on ne voit pas même dans la cantine de l'école.
Nous avons le fin mot de l'histoire. Sila, notre hébergeur, était le principal de cette école pendant plusieurs années. Il s'est démené pour lever des fonds australiens de solidarité. Il a reçu l'équivalent de 80 millions de Vatu soit 650 000 euros. Une somme énorme, qui a permis de créer un internat pour jeunes filles et garçons, des classes dans plusieurs bâtiments solidement implantés sur une colline qui surplombe l'océan. Une librairie nantie de nombreux livres.
Les bâtiments sont propres, bien entretenu, les infrastructures nous paraissent presque luxueuses, tant le reste des villages est basique. Silas avait reçu tant d'argent qu'il eut l'idée de ne pas tout dépenser dans une seule école. Il a réparti les sommes vers des écoles particulièrement démunies d'îles voisines comme Ambaé, ou d'autres écoles nécessiteuses du nord de Pentecôte.
Ces choix ne sont pas surprenants. Après tout, les enfants doivent apprendre à gérer des outils "modernes" afin de trouver un travail dans l'hôtellerie ou la restauration destinés aux touristes. Par contre, ils n'oublient pas le mode traditionnel de cuisiner et cette nourriture, riche, à laquelle ils sont habitués est leur quotidien.
Aujourd'hui, Silas a été "limogé" par ses supérieurs de Port Vila. Son coup d'éclat, la gestion admirable de l'école, a fait des jaloux politiques qui craignaient qu'il ait des arrières pensées. Finalement, ils lui en ont donné "des idées", et au mois d'octobre, il se présente pour les élections parlementaires. S'il gère aussi bien la politique qu'il a géré cette école. Et bien, je pourrais affirmer que pour la première fois de ma vie, j'aurai rencontré un politicien digne d'être élu!
Cela dit, tout n'est pas rose...
Partout au monde les histoires se répètent lorsqu'il s'agit de mélanger le pouvoir, l'argent et la politique.
Dommage que dans ce lot nauséabond, les enfants en souffrent. L'école dans laquelle nous nous arrêtons est démunie de tout. Les enfants ont de larges sourires dans des vêtements, trop grands, des chaussures de 7 lieues, ou carrément des "loques dépenaillées. Nous étions arrivés, heureusement, avec des cahiers, des crayons, des livres et vêtements (c'est fou ce que notre bateau peu contenir!). Le maître d'école était si heureux de ces présents, qu'il a réuni les enfants sous un arbre, à l'ombre pour nous chanter des petites chansons. J'avoue ne pas avoir compris la moindre parole de ces chants criés avec une telle verve, et des voix si aigües que mes pauvres vieux tympans vibraient autant que leurs cordes vocales. Mais quels sourires, sur les visages. Au passage, entre deux chants, un plus grand se retient de justesse de chopper le pou qui court sur la tête de son cadet. Que ça gratte ces pauvres têtes!!!! La prochaine fois, il faudra que je pense à leur amener les shampoings capables de traiter ce désagrément (!)
Au retour, à Port Vila, grosse ironie. Les professeurs français envoyés par la France au lycée de Port Vila ont été sollicités afin de réduire les charges. Leurs salaires qui sont "très élevés" par rapport au salaire moyen du Vanuatu seront diminués de quelques euros. Ils font grève et choquent la population locale, qui ne compte que sur des revenus allant de 200 et 500 euros par mois.
Ainsi va la vie... Et je me rends compte qu'à voyager de pays en pays, nos valeurs changent complètement. Nous ne sommes plus dans un cocon dicté par une quelconque société. Nous sommes des électrons libres et nos yeux s'ouvrent, s'ouvrent, s'ouvrent!