Tatoueur tatoué (MOOREA) |
La pratique polynésienne du tatouage remonte à la nuit des temps. A celle où ce peuple vivait encore sur le continent indo-asiatique. Il y a plusieurs millénaires ce peuple partait à la conquête de l'océan. Ce creuset unique engendra autant de peuplades que d'îles colonisées. Les pratiques de tatouages, les similitudes de symboles propagés dans tout le Pacifique, sont autant de preuves de cette même origine.
Les Polynésiens se tatouèrent jusqu'au début du 19e siècle, puis pendant cent cinquante ans, les missionnaires interdirent le tatouage. Vers les années 1980, les Maohis se réapproprièrent cet art ancestral. Ils le travaillèrent et l'adaptèrent aux sensibilités contemporaines. Aujourd'hui le tatouage polynésien est en pleine forme!
Tiki Village (Moorea) |
Si cette pratique est répandue partout dans le monde, elle a atteint une surprenante intensité dans le triangle polynésien, dont les îles Marqtises seraient le point culminant par l'aspect spectaculaire des tatouages qui s'y pratiquaient. Les premiers explorateurs européens racontent à quel point les corps étaient totalement recouverts de motifs d'une diversité telle que certains ont cru y déceler les prémices d'une écriture. Les explorations répétées dans le Pacifique ont eu pour effet d'introduire durablement l'art du tatouage dans les cultures européennes. Au départ les explorateurs revenaient avec des "specimen". Omai fut le premier Tahitien ramené en Occident par James Cook. Il fréquenta les salons à la mode où il exhibait ses tatouages, et le président de la Royal Academy en personne voulut dessiner son portrait.
Tatouage |
Cet exemple rocambolesque prouve l'engouement de l'époque pour les tatouages considérés alors comme de réelles oeuvres d'art dignes de musées ethnographiques.
D'autres tatoués célèbres figurent maintenant dans les livres d'histoire, c'est le cas de l'Anglais Rutherford, l'Irlandais O'Connell. Mais contrairement à Cabri qui fut entièrement tatoué à Nuku Hiva aux Marquises, les deux autres ne le furent pas en Polynésie, mais pour le premier d'entre eux, en Nouvelle-Zélande (achèvement dans les îles de la Société) et en Malaisie pour le second... Marins ou Beachcombers (ramasseurs de coquillages) le 19e siècle est jalonné d'histoires burlesques de "blancs" tatoués de gré ou de force par les peuplades du Pacifique.
Les Polynésiens se tatouèrent jusqu'en 1819. Date à laquelle Pomare édicta un code qui interdit cette pratique sous l'insistance des missionnaires, qui y voyaient la traduction des cultes païens accompagnés de cérémonies immorales. Dans la foulée, les danses furent également interdites, ainsi qu'une foule de cultes ancestraux. Pendant 150 ans, du fait de l'interdiction par le code et de l'habillement des Polynésiens qui ne déambulaient dessortaient plus nus dans leurs îles, le tatouage disparut des moeurs. Jusqu'à ce qu'en 1980 le tatouage polynésien réapparaisse grâce aux notes et aux croquis du missionnaire allemand Karl Von Steinen qui avait fait plus de 400 schémas de tatouages polynésiens. Cette découverte a permis à quelques pionniers de réhabiliter le tatouage polynésien, à l’occasion des fêtes de Tiurai (Heiva).
Depuis 1980, l'art du tatouage n'a cessé de regagner ses lettres ancestrales. Les tatoueurs ont à coeur de renouer avec leur culture, leur histoire, ils interrogent les ancêtres et surtout, ils laissent émerger ce qu'ils ont dans le sang. Cette génétique transférée malgré les interdits rejaillit bel et bien aujourd'hui pour prouver au monde entier que le peuple Maohi est fier encore aujourd'hui de ses Tupunas!
Le terme tatou est un dérivé d'une mauvaise compréhension de James Cook d'un mot polynésien. Lorsque les Maohis lui parlaient de "Tatau", il entendait "tattow", mot qu'il consigna dans ses carnets et qui donnèrent le mot français Tatouage. La racine du mot maohi signifie "heurter", "frapper". Le Tatoueur se nomme de Tahua.
L'art du tatouage est dans le monde des Maohis hautement ritualisé. Ce qui en termes Polynésiens consiste à dire que toute la pratique était empreinte de Tabu à ne pas franchir. Les contraintes traditionnelles concernaient le lieu et le moment du tatouage, la personne désignée, les méthodes d'entretien des outils, les séquences et les surfaces du corps couvertes, les types de dessins et les fêtes pendant laquelle les nouveaux tatouages seraient dévoilés. Enfin, le paiement du Tahua était lui aussi ritualisé. Ces contraintes avaient pour objectif, d'une part la continuité au travers des générations et d'autre part, la haute qualité d'exécution des oeuvres.
Le tatouage: une seconde peau |
Plus tard, les filles devaient subir le tatouage des mains, afin de pouvoir préparer le repas familial.
Enfin, lorsqu'apparaissaient les premiers signes de la puberté, les jeunes Polynésiens devaient se soumettre à tous les tatouages rituels requis pour pouvoir participer aux actes quotidiens du village, et surtout se marier.
Les jeunes gens tatoués recevaient plus facilement des demandes en mariage que ceux qui ne l'étaient pas. Un homme non tatoué était considéré comme moins attirant. De plus, le tatouage prouvait à la fois le rang social et la santé physique. Il était un signe d'endurance et de courage. C'est ainsi que les chefs et les guerriers arboreraient les motifs les plus sophistiqués.
Chaque tatouage a une signification |
Les hommes tatouaient le plus souvent leur corps dans une optique guerrière, utilisant des motifs hypnotiques supposés renforcer le pouvoir d'une armure. Ils se faisaient également tatouer les yeux, afin d'augmenter leur pouvoir. Certains symboles étaient même tatoués dans le but d'affaiblir le "mana" (force, pouvoir) de l'adversaire, ou de l'accaparer à son profit. Aux îles Marquises, les motifs étaient remarquablement graphiques, suivant les courbes des corps. Aux îles de la Société, les tatouages étaient plus figuratifs. On raconte que certains arboraient des cocotiers sur les jambes. Les chefs quant à eux, se tatouaient tout le torse des scènes des batailles dont ils étaient ressortis victorieux.
Les outils traditionnels |
Ces techniques ont été abandonnées, voire interdites en 1986 pour des problèmes d'hygiène et de transmission de maladies par le sang. Dès lors les tatoueurs utilisèrent des rasoirs électriques métamorphosés en "ta" beaucoup plus rapide. Aujourd'hui, des tatoueurs équipés de matériel moderne fleurissent à chaque coin de rue de Papeete. Certains ont une renommée qui dépasse l'archipel. Mais, ils ne pratiquent pas seulement leur art à Tahiti, partout, dans chaque île de l'archipel des tatoueurs dessinent à main lever la peau des touristes et des locaux pour l'éternité de leur art.
sources
http://www.fenua-tattoo.com
http://www.lompre.com