Vallée d'Opunohu : Archéologie

 

Opunohu : gravure ancienne

La vallée d'Opunohu est réputée l'une des plus belles de Polynésie. Le nombre de clichés que j'ai partagé récemment témoigne de ce décor unique et majestueux. Outre une beauté sans égale, Opunohu est aussi la vallée la plus fertile de Moorea. Cette abondance dispensée par la nature a très tôt attiré les premiers peuples polynésiens qui s'y établirent en grand nombre. Contrairement aux habitants actuels qui n'occupent que le rivage de Moorea, dans les temps reculés, les tribus privilégiaient l'intérieur des terres.

Aujourd'hui, les villages d'autrefois sont ensevelis sous une épaisse forêt de "mapes" (Inocarpus fagiler). Cet arbre est considéré comme le "châtaignier tahitien", il produit des fruits que les Polynésiens cuisent et dont le goût se rapproche des marrons chauds vendus en Europe. Son tronc, lorsqu'on le frappe émet des sons de tambours sourds et servait de moyen de communication entre tribus. Ses grandes racines tortueuses envahissent les lieux de vie maohis : fare, fa'a'apu, marae, centres cérémoniels... toute une infrastructure dont les générations actuelles ne soupçonneraient pas l'existence, si une poignée de passionnés n'avait décidé de répertorier et de protéger chaque vestige de ce passé glorieux.

Dès 1920, une première équipe d'archéologues hawaiiens, dirigée par Kenneth Pike Emory et financée par l'américain Medford Kellum, dressent un inventaire du patrimoine dans le but de préserver l'immense domaine de Opunohu. A cette époque, les terres appartiennent à des familles privées et tous les vestiges archéologiques risquaient de disparaître sous l'impulsion des activités agricoles. Grâce aux initiatives de Kellum, le domaine est devenu propriété du Pays et représente aujourd'hui la dernière grande "vallée-fossile" préservée des îles sous le vent.

Plateforme ancienne de tir à l'arc

Par la suite, les archéologues se sont succédé afin de dégager les sites et de comprendre le fonctionnement des sociétés maohies. Ainsi, Roger C. Green en 1961 reprend le flambeau. En 1969, le Dr. Y.H. Sinoto du Bishop Museum de Honolulu restaure les structures archéologiques des principaux marae. En 1990, c'est au tour de Dana Lepofsky d'étudier les vestiges laissés par les ancêtres, et enfin en 1999, Jennifer Kahn, poursuit l'oeuvre de ses prédécesseurs.

Ces différentes vagues de recherches sont si fructueuses qu'elles permettent de retracer l'établissement des premiers peuples. Les plus anciens niveaux d'habitat datent du treizième siècle de notre ère. La vallée a été habitée de façons continue pendant au moins six cents ans. La population, tournée vers l'agriculture et l'horticulture en terrasse, gardait néanmoins le contact avec le rivage. La diversité et l'évolution des vestiges révèlent que la population a augmenté au fil du temps pour atteindre son apogée à la fin du dix-huitième siècle. Puis, elle décrut rapidement. Ce revers pour la population insulaire est directement lié à l'arrivée des premiers Européens qui propagèrent des maladies jusque-là inconnues dans le Pacifique.

Ils sont pourtant les seuls témoins d'une époque de gloire, où Moorea, sans cesse investie par les guerriers de Tahiti, se défendait avec bravoure et ne cédait pas un pouce de terrain au voisin envahisseur. Ainsi Cook, lors de son deuxième voyage observe "une flotte de plus de deux cents pirogues de guerre, emportant une armée de quelque dix mille hommes, s'apprêtant à lancer une attaque contre Moorea. Cette flotte impressionnante n'obtint pourtant pas la victoire..." Ce qui laisse augurer du nombre de guerriers de Moorea qui "accueillirent" leurs assaillants.

Reproduction de site archéologique

Mais au dix-neuvième siècle, les guerriers ne travaillent plus leurs frondes et leurs lances. Ils se meurent et au rythme où le nombre d'autochtones décroît, ils désertent les vallées et vont rejoindre le rivage où sont installés les Missionnaires. Moorea constitue, en Polynésie, le premier vivier des convertis au protestantisme.

Mais avant que l'Européen ne vienne perturber le quotidien des Maohis, celui-ci était imprégné de religion... LEUR religion. L'organisation politique et sociale, la vie de famille, les activités quotidiennes et les grands événements tombaient sous le joug des croyances ancestrales. La frontière entre "le religieux" et "le pratique" n'était pas marquée comme elle peut l'être dans d'autres cultes. Le marae, par exemple, n'était pas seulement un lieu où les prêtres invoquaient les dieux et leurs ancêtres vénérés. Il représentait aussi un titre de propriété foncière, une _expression_ du rang social ou de victoires guerrière, il appartenait à une corporation (pêcheur, agriculteur, guerriers...) pour évoquer le dieu qui la protégeait, il était enfin le symbole de l'organisation familiale. Tous les marae se construisaient autour d'une pierre d'un marae plus ancien.

La civilisation maohie ne disposait pas de l'écriture pour transmettre aux générations futures les connaissances acquises. Les trésors religieux, les exploits des ancêtres, la généalogie des grandes familles se transmirent pendant plusieurs siècles par des experts sacerdotaux doués d'une mémoire phénoménale. En récitant des chants incantatoires, ils préservaient la mémoire de tout un peuple.

Les marea étaient aussi des lieux d'offrandes, on y déposait pour le dieu Oro des fruits, des légumes, des poissons, des cochons, des chiens... et des humains (uniquement du sexe masculin préalablement immolé... paraît-il!). De "l'humain boucané" en offrande au dieu (c'était une autre époque, un culte oublié et une conception de l'univers bien lointaine des carcans actuels).

Opunohu : gravure ancienne (détail)

Les quatre grands "maîtres" du culte maohi étaient le "mana", les "tapu", l'"ari'i", et le ti'i ou tiki...
Le mana est le grand esprit qui gouverne tout. Le tapu, c'est l'interdit à ne pas transgresser sous peine de froisser le "mana", l'ari'i c'est le chef, l'être qui porte en lui la "vérité spirituelle de la tribu" et le ti'i (dans les îles de la Société) ou tiki (aux marquises) est une représentation d'une "divinité", mais plus que de représenter un dieu, il est le concept même du "mana". Aujourd'hui, il ne reste plus d'ari'i... les "patu" sont devenus propriétés privées, mais le mana est toujours très présent dans les tiki. On nous raconte encore des histoires de tiki déplacé contre leur gré et de leur mana qui ont porté la "poisse" à ceux qui ne l'ont pas respecté...

N'oublions pas le rôle de sépulture... Sur le marea les prêtres devenaient à la mort d'un ari'i (chef) le prêtre endeuilleur. La cérémonie étaient un hymne à l'art maohi. Quel peuple mettait mieux en scène le passage d'un monde à l'autre? Le "costume" du prêtre était un pur chef d'oeuvre façonné dans la nacre, les plumes et le tapa (étoffe d'écorce d'arbre). A la mort de l'ari'i, les femmes de la famille se frappaient à coup de dents de requins. Elles ne versaient pas de larmes de sel... mais bien de sang pour témoigner leur attachement au défunt. Puis, le corps évidé était exposé dans une sorte de tente où la famille se relayait pour l'ondoyer d'huile de monoï. Les témoignages des premiers européens reflètent toute la nuisance olfactive de cette pratique. Puis les restes de l'ancêtre étaient enfouies dans le marae. (Lors d'une de nos balades dans les hauteurs d'une île marquisienne, nous avons pu mesurer toute l'ampleur de ce culte, nous retrouvons "nez à nez" avec quelques crânes surgissant des tréfonds d'un marae abandonné...

 

Voici ce que les fouilles ont révélé dans la vallée d'Opunohu

  • des petits marae familiaux ou corporatifs
  • des grands marae communautaires
  • des habitations (type fare, haupape ou fare pote'e
  • des grandes maisons communautaires
  • des plates-formes de réunion
  • des nombreux aménagements de murs
  • des terrasses agricoles
  • trois plates-formes de tir à l'arc
  • Plate-forme de tir à l'arc...
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    Une première pour nous. Bien que les sites marquisiens étaient d'une richesse indéniable, nous n'avons jamais vu de plate-forme de tir à l'arc. Celle de Moorea est bien dégagée et donne un aperçu des jeux d'antan. Ces jeux n'avaient aucun rapport avec la guerre, ils étaient l'apanage de l'élite, qui se donnait "en spectacle" pour des "olympiades" aux rites très contrôlés.

     

     

    Moorea

     

    Moorea

     

    Moorea

     

    Moorea

     

    Moorea

     

    Moorea

     

    Moorea

     

    Moorea

     

    Moorea

     
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