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Mes pronostiques d'hier étaient bons. Dans un régime de rafales infernales, nous avons joué au ping-pong toute la nuit. Et nous étions les balles! Cela nous apprendra à écouter les beaux catamarans de 17 mètres! Nous n'avons décidément pas les mêmes valeurs gravitationnelles! Cela dit, Valérie et François ont eu raison de nous conseiller de venir à Ua Huka, avec les conditions météo du moment, nous avions décidé d'éviter cette île, et cela aurait été franchement dommage. Dans notre livre de souvenirs, nous ne retiendrons pas le tumulte de la baie, mais tout au contraire, nous garderons dans nos mémoires l'accueil qui nous a été fait, et une expérience bien insolite.
En attendant demain, nous assistons à un spectacle qui, pour nous, est bien singulier. En tant que terriens, nous n'étions pas chasseurs. Et là, une vingtaine de chasseurs débarquent tous leurs effectifs d'une vedette rapide. Les rouleaux frappent avec une telle violence le rivage que la barque reste à l'écart du ressac, tandis que ses occupants plongent à l'eau. Ils font la navette entre la terre et la barque, les épaules chargées de chèvres. Les chasseurs veillent à ce que le sang ne coule pas dans l'eau, la baie est connue pour être appréciée des requins. Le déchargement se fait à vive allure. Ils sont aidés par des collègues qui reviennent à cheval. En quelques minutes l'aire de débarquement se peuple de Marquisiens, de chevaux et de cabris. Quelle effervescence ! Je suis impressionnée par le courage de ces chasseurs. Ils ont passé toute la nuit à battre la montagne, pour remplir les réfrigérateurs des familles du village. Cette battue se fait tous les six mois. C'est le seul moyen d'obtenir de la viande. Il n'y a pas de supermarché, sur cette petite île de moins de 500 habitants, perdue au milieu du Pacifique. S'ils devaient acheter la viande aux cargos de livraison venant de Papeete, cela leur coûterait toute une fortune! Autant utiliser les ressources de l'île. Les chèvres y pullulent. Il faut limiter leur développement, car elles s'attaquent à la végétation, privant les chevaux sauvages de leur nourriture. Les chasseurs utilisent, soit le cheval, soit la vedette rapide pour rallier des points inaccessibles de leur île. Ils affrontent la mer par tout temps, ils débarquent à flanc de falaise. Il faut imaginer les reliefs hostiles que présente cette île! Qu'importe, ils partent pratiquement nu-pied, la machette à la main. (Ils ont peu de fusils, les munitions sont rares.) Ils gravissent des parois qui nous paraissent tellement abruptes que nous les pensions infranchissables.
La chasse terminée, les bêtes sont réparties en tas. Chaque tas fera la viande pendant six mois de toutes les familles du village. Les familles qui disposent de congélateurs conditionneront elles-mêmes leur viande. Celles qui n'en possèdent pas ont accès au grand congélateur municipal. Ici, les rapports entre habitants sont régis par l'entraide, le respect et la solidarité. Une belle âme! Et une belle leçon de vie en communauté. Le vent est prévu de s'amortir, la houle aussi. Le plus mauvais est passé, et nous pourrons profiter quelques jours de Ua Huka. De toute manière, même à conditions égales, nous ne gâcherions pas notre chance d'être ici. Il paraît que sur l'île il reste des troupeaux de chevaux sauvages! Plein! Je vais réaliser mon rêve. J'associais toujours les Marquises aux chevaux sauvages. Dans les îles du sud, la sécheresse, plus le fait que la population mange du cheval a décimé la population hippique. Ici... on va enfin les voir gambader librement! |
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