Incursion américaine au paradis

 


Localisation sur Bora Bora

Le 7 décembre 1941, la base navale de Pearl Harbor, aux îles Hawaï, est attaquée par l'aviation japonaise. Ce coup porté par surprise inflige de très lourdes pertes aux forces navales et aériennes américaines. L'effet psychologique sur le peuple américain est violent. Théodore Roosevelt signe des pactes d'alliance avec les pays menacés par l'Allemagne et le Japon. Les Etats-Unis entrent dans une phase décisive de la Seconde Guerre mondiale.


L'Amérique tente de protéger l'Australie et la Nouvelle-Zélande qui sont les bastions alliés du Pacifique Sud. Quinze jours après le raid japonais sur Pearl Harbor, l'état major américain étudie « le problème d'une base de ravitaillement dans le Pacifique Sud, du côté des Marquises, des îles de la Société ou des îles Cook ».


En décembre 1941, l'île de Bora-Bora est choisie comme base arrière. Elle sert de dépôt d'essence, de base d'hydravions... Nom de code de l'opération : Bobcat. L'amiral Turner dirige les opérations menées conjointement par la marine et l'armée de terre.


Le 17 février 1942, le déploiement américain sur l'île de Bora est impressionnant. Alors que l'île ne compte que 1200 habitants, 4450 soldats, 178 officiers et l'amiral Turner débarquent des 2 croiseurs, 2 destroyers, 4 cargos, 2 transporteurs partis un mois plus tôt de Charleston en Caroline du Nord.


Construction de la piste

L'armada entreprend immédiatement des travaux de captage et conduction d'eau, la construction de route de ceinture, des quais et une piste d'atterrissage. Sur tous les points stratégiques fleurissent des batteries de canons. (8 canons de 7 pouces et des batteries antiaériennes de 75 mm (DCA). Cette petite île de 9 km de long sur 4 km de large parvient à approvisionner 193 navires. Mille deux cents navires y ont été déchargés et chargés, ce qui représente, 50 000 tonnes de fret. L'activité de la base américaine s'est maintenue cinq ans, au cours desquels on a pu recenser le passage de vingt mille personnes en provenance des navires américains.


L'ensemble de la base est opérationnelle le 5 avril 1943, mais entretemps le front s'est fixé aux Philippines et dans les Vanuatu.


C'est une chance, les Japonais ne s'en prendront jamais à Bora. Et pour tout vous dire, certaines îles parmi les 118 petits mondes de Polynésie n'auront pas la moindre information concernant cette guerre. Les habitants des atolls les plus reculés des Tuamotu apprirent un certain jour de 1945 la fin de la guerre, et du coup furent au courant qu'une guerre avait éclaté.


Quel déploiement d'énergie! Etait-ce bien utile? Les Américains font avec l'opération Bobcat leurs premières armes. Les erreurs commises ainsi que les difficultés rencontrées permettent aux États-Unis d'en tirer des conclusions exploitables en d'autres lieux. Ainsi, l'utilisation de Guam, en 1944, par les forces américaines, sera efficace grâce à la leçon donnée par la petite base de Bora Bora.


Canons qui ne serviront pas

Je m'arrête ici, pour vous dire à quel point, l'Histoire est exploitée par les Politiques. Regardez ce qu'on lit dans les rapports d'assemblée polynésienne : " Il faut insister sur le fait que l'administration commit une grande erreur, lors du départ définitif des Américains, le 2 juin 1946, en ne rachetant pas, pour une somme ridicule, l'énorme stock de matériel que les Américains étaient prêts à céder. Et la population de Bora Bora dut assister à ce spectacle navrant : des tonnes et des tonnes de matériel (toutes les infrastructures démontables de la base) furent jetées au lagon par les soldats. Quant à la base elle-même, elle fut laissée à l'abandon.


Que de gâchis ! Et l'absurdité devint totale, criminelle même, lorsque le système de captation et de distribution d'eau et la centrale électrique furent abandonnés, alors que les habitants de Bora Bora auraient pu, grâce à ces installations, vivre mieux sans qu'il en coûte beaucoup aux finances des Établissements Français de l'Océanie".


Cette remarque, en bonne place dans les pages de l'Assemblée de la Polynésie, n'est pas anodine, dans un contexte où l'Histoire polynésienne est arrangée au goût des uns et des autres, selon que la couleur soit à l'indépendantisme ou à l'autonomisme. Mais que pensent les habitants, ceux qui ont vu leur île métamorphosée en l'espace de cinq ans?


En général, ils ne sont pas si sévères envers l'état français et ne sont pas enclins à lui jeter la pierre. Lorsque les Etats-Unis décidèrent de s'installer dans l'île, ils disposèrent des terres des insulaires, sans pour autant leur demander leur avis, sans le moindre respect ou dédommagement pour les propriétaires fonciers. Qu'avaient-ils apporté sinon plus de pollution dans un atoll qui jusque-là vivait paisiblement? On peut croire qu'en dédommagement de l'accueil généreux des habitants, ils auraient pu offrir les quelques "trésors de guerre utiles", plutôt que de les "jeter au lagon". Au final, ils laisseront , les habitants désoeuvrés face à une nature appauvrie par une surpopulation externe et impuissants devant les tonnes de détritus de l'armée que lentement la forêt ensevelit afin de cacher la honte de la rouille. Et que dire des déchets engloutis sous la surface du lagon, invisibles à l'oeil et que pourtant la nature ne parviendra jamais à digérer?


En manoeuvre dans le lagon

Sur ce constat, plutôt que de payer les Américains pour disposer d'un matériel de guerre, dont personne à des milliers de milles à la ronde n'avait d'usage, les Polynésiens auraient été en droit, comme ce fut le cas récemment dans les bases de Vieques et de Culébra près de Puerto Rico, d'exiger que les Etats-Unis d'Amérique nettoient, à leur frais, toute trace de leur passage.


Le seul vestige utile de cette incursion à Bora est l'aéroport. Ce fut longtemps, pour toute la Polynésie, la seule piste d'atterrissage capable d'accueillir des gros porteurs. Les touristes étaient par la suite acheminés en hydravion ou par bateaux vers les autres îles.


Quant aux canons, ils ont été récemment repeints, et "mis en valeur". Subrepticement, des tags s'ajoutent à la peinture antirouille.


sources :www.tahitiheritage.pf http://histoire.assemblee.pf

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