Un
problème épineux pour les "tourdumondistes" !
Nous sommes en escale en Polynésie Française.
Escale où nous nous sentons merveilleusement bien, où nous vivons
sur l'eau sans arrière pensée, où nous nous baladons en toute
quiétude à terre. Nous oublierions presque qu'ailleurs, sur notre
belle planète, la vie de plaisancier n'est pas toujours sereine.
Un tour du monde se mérite, et se "réfléchit".
Nous correspondons avec les amis marins qui sont actuellement dans
l'Océan Indien avec le projet de rentrer cette année vers
l'Europe. Au sein de cette flottille, le Voilier Pro's Per Aim est
actuellement en Thaïlande. Il s'était inscrit dans un rallye
(Vasco de Gamma) qui permet le passage délicat de la Somalie, dont
la "mauvaise" publicité n'est plus à faire. Mais l'armée française
surveille les listes des équipages qui s'inscrivent aux "convois"
traversant cette zone. Les hauts responsables joignent les marins
directement par mail et les dissuadent de s'aventurer dans le
golfe d'Aden, invoquant, à force de détails, les actes de
piratages qui ont lieu dans les parages. Guy et Isabelle de Pro's Per Aim, ont eu la
gentillesse de partager les échanges de courriers avec l'armée.
Ils dressent un état des lieux précis. Ils ont également
communiqué tout le déroulement de leur réflexion et ils ont aussi
détaillé les diverses solutions proposées aux navigateurs qui
tiennent à effectuer un tour du monde avec leur bateau et leur
famille en toute sérénité. (voir leur site internet www.prosperaim.fr )
"L’activité des pirates s’est
accrue ces dernières semaines. Une zone de plus en plus large,
de plus en plus d’attaques, de plus en plus de violences.
Leur rayon d’activité ne cesse de s’étendre et la route vers La
Réunion devient risquée. Début mars, nous avons rencontré à
Langkawi (Malaisie), un skipper qui en arrivait et qui nous a
dit qu’un bateau de commerce s’était fait attaquer à 50 milles
de son voilier au niveau des Chagos. Il y a actuellement deux
bateaux « mère » avec leur flotte de skiffs au nord de
Madagascar et la marine française déconseille la navigation dans
le canal du Mozambique.
L’officier avec lequel nous sommes en contact nous a dit qu’une
trentaine de bateaux avaient été pris et que les Somaliens
détiennent environ 650 otages dans leurs camps où toutes les
violences sont permises en particulier sur les femmes.
Le 18 février, le QUEST, un voilier américain, a été piraté avec
quatre personnes à bord. Un navire de guerre US a pu rejoindre
le Quest et son escorte somalienne pour négocier la libération
des otages. Ces derniers ont été assassinés sauvagement par
leurs bourreaux le 22 avant la fin de la discussion. Les pirates
se sont rendus aux militaires américains et le chef a déclaré
que, désormais les règles seront les suivantes : « Toute
tentative de libération des otages par la négociation ou la
force se terminera par la mort des dits-otages. »
Le 24 février, un voilier danois (ING) a été pris avec à son
bord une famille, les parents et trois enfants. Ils sont en
route vers les camps somaliens.
Nous avons discuté ces jours derniers avec Quito qui convoie des
voiliers pour une société de location. Il a fait le trajet entre
la Méditerranée et la Malaisie 18 fois. Ou plutôt dix-huit fois
et demie car il a arrêté son dernier convoyage à Aden. Le
catamaran a été acheminé à Langkawi par un autre skipper qui ne
l’a fait qu’à la seule condition d’avoir à bord trois
mercenaires armés jusques aux dents (lance roquette etc.). Quito
a été attaqué une seule fois, il y a quelques années. Sous la
menace d’une kalachnikov, il avait donné tout son argent liquide
et du gasoil et s’en était tiré comme ça. Mais là il a préféré
renoncer. Aujourd’hui, la piraterie n’est plus artisanale. C’est
une mafia très organisée et très bien équipée qui « manage
l’entreprise."
(extrait de leur courrier du 7 mars 2011)
Le bilan de 2010 et rapport détaillé de l'ICC (commercial crime
service)
La situation dans le golfe d'Aden s'aggrave de mois en mois.
Le dernier bilan compte en 2010, 1181 marins pris en otage dont
huit ont été tués. Le nombre d'attaques sur navire est de 445,
avec 53 bateaux effectivement arraisonnés. Ce chiffre est en
hausse de 10% par rapport au bilan de 2009 où 1050 marins ont été
capturés. Par contre, si l'on compare ces chiffres avec l'année
2006, la hausse est drastique, car cette année-là 188 membres
d'équipage avaient été pris en otage. 92% des attaques proviennent
de pirates somaliens. Au 31 décembre 2010, 28 navires et 638
otages étaient incarcérés dans les camps de Somalie. La différence
entre le nombre de tentatives d'attaque et le nombre de piratages
réels est due à la présence de navires de guerre internationaux,
et au couloir "sécurisé" qu'ils établissent. Néanmoins, les
pirates gagnent du terrain d'année en année.
La situation en 2011
Voici un extrait de la chambre des commerces internationale daté
du 8 mars 2011
"So far in 2011, 13 vessels have been hijacked by suspected
Somali pirates, with a total of 243 crewmembers taken hostage.
In addition, six crew were kidnapped from a vessel that was
hijacked and then left adrift in the Indian Ocean. Of most
concern, however, are the seven murders committed by Somali
pirates- three of which were crew on board the hijacked Beluga
Nomination. " (Depuis janvier 2011, 13 navires ont
été arraisonnés, par des pirates somaliens. 243 membres d'équipage
ont été pris en otage. Six membres d'équipage ont été kidnappés et
laissés à la dérive dans l'océan indien. Sur les sept meurtres
commis par les pirates somaliens, trois d'entre eux ont été exécuté
sur le navire "Beluga Nomination".)
Bonne Esperance pour les tourdumondistes
Afin d'éviter les problèmes en périphérie de la mer Rouge, une
majorité de bateaux décident de passer par le cap de Bonne
Espérance. Solution qui jusqu'ici semble encore gérable puisque
touchant le nord de Madagascar, les bateaux traversent le détroit
du Mozambique, pour tracer une route en sauts de puces vers Bonne
Espérance. Cette route comporterait moins de risques de piratages
en mer (mais un risque croissant depuis 5 ans). Depuis
l'Indonésie, il convient également de ne plus naviguer vers les
Chagos, mais plus au sud. Dès que l'on quitte Madagascar, vers le
continent africain, les sauts de puce sont nécessaires afin de ne
pas avoir à effectuer, entre Réunion et Bonne Espérance, une
navigation de 1500 milles égrenée par des coups de vent récurrents
au sud de Madagascar (l'autre surnom de Bonne Espérance est "le
cap des tempêtes"). En bref, les navigateurs sont pris en
"sandwich" entre le mauvais temps et les pirates!
Bémol sur la route de Bonne Espérance
Malheureusement, les nouvelles que nous recevons du Voilier Pro's
Per Aim, et les recherches effectuées auprès des compagnies
commerciales, sont alarmantes. Elles donnent un périmètre de
risque qui s'étendrait à l'extrême nord du détroit du Mozambique.
Toute fin 2010 deux bateaux de pêche ont été arraisonnés, dans le
détroit et au Nord de Madagascar. L'avenir nous dira si ces
attaques augurent d'un agrandissement du territoire des pirates
qui jusque-là restaient plutôt actifs au nord de cette zone, ne
dépassant pas le sud des Seychelles. (voir en fin de messages les
cartes localisant tous les incidents)
Incompréhension...
J'ai du mal à imaginer que les autorités
mondiales, ce qu'on appelle "politiquement" les "grandes
puissances" laissent un quart d'océan aux mains de pirates.
Comment se peut-il qu'il n'y ait aucune solution? Pourquoi
laisser entraver le transport maritime mondial aux abords du
canal de Suez ? (L'un des points stratégiques de notre
planète après Panama)
En attendant qu'un changement positif intervienne dans cette
région, nous, les marins sur petits bateaux, nous ne pouvons plus
jouer à la roulette russe en nous aventurant dans ce canal miné.
Des solutions à envisager avec sérieux, d'autres à inventer :
- Utiliser la route Indonésie-Réunion (passant très au sud des
Chagos) puis nord Madagascar et continent africain jusqu'à Cape
Town
- Trouver d'autres routes, par le Horn? Le passage du Nord Ouest ?
- Attendre en Malaisie, Indonésie qu'une solution soit trouvée au
problème et que la route s'ouvre à nouveau?
- Le convoyage de nos bateaux par cargo? (prix du convoyage 750
dollars le pied)
- La vente du bateau dans l'océan indien et poursuivre sur un
autre ailleurs?
... L'imagination de chacun est mise à profit, et le partage d'informations entre les gens de
mer est plus indispensable que jamais.
Pour toute information que les amis marins voudraient
communiquer, passez par le Site Internet www.etoiledelune.net,
je m'engage à partager tout ce qui sera utile aux navigateurs
dans ce blog.
Conclusion et espoirs...
Nous avons tous en tête l'image de la grande boucle, et une
écorchure à ce rêve fait mal. Mais la question à poser relève de
la vie ou de la mort. Ainsi, espérons que des solutions se mettent
en place afin de laisser encore la place à la découverte de notre
belle planète.
Sites à visiter pour approfondir le sujet :
Le 8 mars, une lettre de la chambre des
commerces internationale a été envoyée à tous les
gouvernements concernés, avec un plan de solutions en six points.
Espérons que celle-ci ne reste pas lettre morte : http://www.icc-ccs.org/news/436-imb-adds-its-voice-to-calls-for-further-action-to-curb-somali-piracy)
Voici l'adresse d'un site internet à garder précieusement : www.icc-ccs.org
Il vous donne la situation sur le piratage mondial en temps en
réel
Autre site à garder à l'oeil : http://www.shipping.nato.int/CounterPir
Le "Nato" donne heure par heure la situation dans la zone, décrivant
les attaques et suspicions d'attaque.