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Nuku Hiva : Baie de Anaho

Nuku Huva : Baie de Atiheu

Nuku Hiva vue du large

tampon etoiledelune

Message 90 – écrit en décembre 2010
Nombres de milles parcourus : 18 188 milles
Nombre de personnes inscrites à la lettre : 930
Récit sur les Marquises Nord : Nuku Hiva, Ua Pou
Position actuelle de L'Etoile de Lune : Tahiti

Eloignez les âmes sensibles...
- Deuxième épisode -

Le PDF
Photos

« Les indigènes sont en général peu causeurs(...) J'étais de plus en plus frappé par l'insoucieuse allégresse qui régnait de toutes parts. Tout leur plaisir, du reste, semble fait des petits incidents futiles de l'heure qui passe (...) »
Herman Melville dans « Les mers du Sud. »


nuku hivaNouveauté sur le site etoiledelune.net :
- Un nouvel album photos sur la plus marquisienne des îles Marquises : Nuku Hiva

Dans le journal
Vous vivrez, au jour le jour, notre navigation vers Tuamotu et les impressions sur les premiers atolls que nous visitons.

En fin de message :
Le bon moment pour partir vers la Polynésie...

Photo du mois : Viril Tiki


Résumé
nuku hivaAprès une navigation tranquille, Nuku Hiva, s'offre à notre étrave. Nous pensons y trouver le « meilleur mouillage des Marquises ». Nous devrons le fuir, tout comme les autres. Entre le 28 octobre et le 21 novembre nous ne compterons que trois nuits où il fut possible de dormir relativement « à plat ». Malgré ce désagrément, nous nous obstinons à visiter les îles du nord des Marquises.

Nuku Hiva souffre d'une sécheresse qui ne la révèle pas sous son meilleur jour. Pourtant, nous y dénichons une oasis : Atiheu. Une merveille de la nature. Nous finissons ce séjour par une randonnée vers les fameuses chutes (sans eau) d'Hakaui. Des paysages inoubliables, si étranges qu'ils paraissent irréels. Si extravagants, qu'ils méritaient encore un peu de patience.

Enfin, nous quittons les Marquises sans pouvoir jeter l'ancre à Ua Pou. Les houles de nord et de sud encerclent l'île et la rendent inaccessible. Nous profitons du panorama sur ses cimes insolites, en passant au large.
Direction : les Tuamotu!
Mais ceci est une autre histoire, bien moins agitée...


Bonjour,

Heureux terriens! Vous vous pelotonnez dans votre lit! Vous posez votre tête sur un oreiller moelleux. Songez-vous, avant de sombrer dans un sommeil solide, à ces milliers de marins qui se font brasser sur tous les océans de la planète? Combien de nuits ai-je disputé un tournoi de ping-pong ? Combien de nuits, me suis-je sentie l'objet de revers, renvoyée à l'adversaire telle une vulgaire balle à la merci de pongistes au plus haut de leur condition physique? Néanmoins, je refusais la défaite. Je cherchais avec âpreté le point stratégique, un centre de gravitation salutaire, où je pourrais enfin sombrer dans les nimbes hypnotiques qui m'offriraient l'illusion de la stabilité!

panoramique

Ô, archipel ennemi !
Ne suis-je venue jusqu'ici que pour voir s'enfuir mon sommeil à jamais ?

Fin de lyrisme! Vous l'aurez compris, après Ua Huka, nous n'avons pas trouvé le sommeil à Nuku Hiva. Dans la baie d'Anaho, « le meilleur mouillage des Marquises », nous avons dormi « à plat » une nuit. Puis, la houle nous en chasse dès le lendemain. A Taipivai, vallée chérie de Melville, nous résistons moins de 24 heures. Dans la capitale, de Taioahé nous abdiquons au bout d'une semaine, pour trouver refuge à Hakaui. Mouillage si fermé qu'il ressemble à une prison de pierre et qui, pourtant, laisse rebondir la houle et s'infiltrer le perfide mouvement qui trouble tant nos nuits.

anahoNulle part... Nulle part il n’est possible de trouver le repos aux Marquises. Bien que le mousse du bord supplie, sur tous les tons, le capitaine de fuir, et de trouver ailleurs la tranquillité, il reste quelques curiosités inassouvies à voir. Et nous prenons patience pour finir le tour des Marquises en beauté. Après tout..., nous n'y reviendrons pas! Cédons leur quelques nuits supplémentaires...

Dans notre sillage, Ua Huka s'efface et Nuku Hiva grandit sur l'horizon. Une silhouette aux contours vagues se dérobe dans la brume. La côte est apparaît comme un éboulis volcanique taillé au lance-pierre. Rien n'accroche le regard. Le soleil, au zénith, dévoile une côte chaotique, monochrome et aride. La sécheresse est cause de désolation. Les Marquises ne s'apprécient que sous son manteau de verdure. Pourtant, me reviennent en mémoire des phrases lues dans le livre de Dominique Agniel « Aux Marquises ». Contrairement à nous, elle est tombée en période diluvienne. « La pluie ici est une prison. Elle nous enferme à l'abri des tôles, interdit toute activité. Elle rend inaccessible les autres vallées, impraticables les pistes de montagne transformées en torrents. (...) Sous le déluge, le paysage luxuriant des Marquises devient désolé, misérable. Dans ces moments-là, le désespoir nous gagne. La nature menace. Des dizaines de cascades furieuses surgissent des crêtes. L'océan déchaîné fait trembler les falaises, des vagues mauvaises nous emprisonnent au port. La montagne, muraille infranchissable, est terrifiante. Toute l'île vibre comme un vaisseau grinçant sous la bourrasque. »

anahoUn point commun entre périodes sèches ou pluvieuses, l'océan est toujours aussi démonté.
Quel drôle de pays!
Archipel des extrêmes, enchaîné dans ses montagnes, malmené par les assauts de l'océan, soumis à la violence de pluie interminable, ou tributaires d'un climat si désertique que le paysage déshydraté ne livre plus que des cascades asséchées, des agrumes rabougris, des bananiers sans régimes, des cultures avares...

L'Etoile se faufile au vent de la côte nord. Au détour d'un rocher noir, en forme de tikis, un golfe profond s'insinue au coeur du rivage. L'aridité cède la place à une variété extraordinaire de perspectives et de nuances. Les parois roussies, calcinées par le soleil de plomb s'ouvrent, tel le rideau d'une scène de théâtre qui dévoile un tableau majestueux. Un dôme verdoyant s'élève par paliers vers le ciel, il s'appuie sur des piliers de basaltes. Ces éperons surgissent hors de la végétation.

anahoSi parfois la montagne engendre le vertige, à Anaho, elle donne envie de s'envoler.

Nous pénétrons dans la dernière vallée épargnée par la sécheresse. Une oasis au coeur du désert. Une avancée rocheuse cache le mouillage, au fond de la baie, des plages lascives se baignent dans les rouleaux d'écume. Les falaises s'érigent en pans de mur successifs. Les détours, les élévations tortueuses évoquent le mur de Chine. Nous contournons l'avancée, et... Oh! Surprise. Deux voiliers sont déjà à l'ancre. Nous avons perdu l'habitude de partager les mouillages. Mais rien d'étonnant à cela, ici, le bateau s'arrête de danser. Ici, dans ce petit lac intérieur, au creux d'un décor unique, la mer se calme!

Après une bonne nuit de repos, nous nous lançons dans une nouvelle randonnée. Anaho, la baie où nous sommes mouillés est séparée du village voisin par une montagne. Celle-ci est sillonnée par un chemin de chevaux. Le sentier franchit un col et retombe de l'autre côté, dans la vallée la plus renommée de toute l'île : Atiheu.

anahoAnaho est le bout du monde. Aucune route ne conduit ici, la baie n'a jamais vu la moindre voiture. Les habitants (non permanents) rallient Atiheu à cheval. Nous croisons quelques insulaires qui à chaque fois, nous souhaitent bonne chance et bon courage. Il est vrai que nous avons devant nous, une bonne journée de marche. Celle-ci, malgré le dénivelé, n'est pas difficile. Sur la route, des cairns nous servent de guide et de distraction, ils sont tous plus originaux les uns que les autres. Nous avons de la chance qu'il ne pleuve pas, le sentier se transformerait rapidement en torrent.

Nous cheminons dans les sous-bois, les oiseaux chantent et les arbres ouvrent quelques fenêtres sur des panoramas enchanteurs. De l'autre côté du col, Atiheu est une merveille! Un village-jardin ! Il croule sous les fleurs, les flamboyants sont à leurs débuts, ils couronnent les maisons d'une auréole rouge incandescente. Ils offrent un premier plan parfait pour le décor somptueux... majestueux de la baie d'Atiheu. Des pics de basaltes, nommés Adam et Eve, surplombent le village, où l'ambiance champêtre règne, malgré les quelques voitures qui amènent de rares touristes. Les ruelles de sable ou de terre battue sont agencées avec un goût exquis. Toutes les fleurs tropicales sont représentées. Des tikis sculptés sont disséminés partout dans le rivage. Parfois, à l'ombre d'un arbre, ils offrent un clin d'oeil narquois lancé aux clochers de l'église qui les dominent...

atiheuNous trouvons en bord de mer, le merveilleux havre de Yvonne. Un restaurant réputé, sans doute le meilleur des Marquises. Nous y dégustons le « plat gastronomique » rassemblant toutes les spécialités locales : arbre à pain, banane cuite, coco, poisson cru, chevrettes (écrevisses), poissons cuits... Pendant le repas, nous voyons la houle se lever. Elle roule de grosses vagues de surfeurs sur la plage. Nous sommes heureux de n'avoir pas mouillé notre Etoile à Atiheu, nous serions incapables de rentrer au bateau. Nous l'oublions, il nous reste du chemin à parcourir...

Sur le versant opposé à la montagne dont nous venons, deux lieux de cultes ont été restaurés. Celui de Hikokua et celui de Kamuihei. Ce sont les plus beaux me'ae de toutes les Marquises. Restaurés dans un site majestueux, dominé par les pics de basalte, ils ont été agrémentés de tikis récents, mais fidèles à la tradition. Ce sont les lieux de cultes les plus parlants pour les néophytes. Nous cherchons en vain les pétroglyphes... Sans guide, nous ne pouvons les débusquer et l'heure avance. Il nous faut redescendre la montagne, gravir celle qui est en face pour la redescendre et tenter d'arriver avant la nuit au bateau...

tikiNous avons passé une excellente journée. Ce fut la plus belle randonnée des Marquises. La tête pleine d'images, nous rentrons au bateau. Le bruit caractéristique, sourd qui gronde sur le rivage nous signale que demain, il sera temps de lever l'ancre.

La houle est forte à la sortie d'Anaho, mais le vent reste faible. Notre Etoile a pris l'habitude de se faire rouler, elle courbe l'échine et nous mène sans broncher vers le sud de Nuku Hiva. La déception est cuisante en pénétrant dans la baie tant décrite par ce cher Melville. Nous n'y décelons pas la moindre originalité, de vastes collines dénudées, des bras de mer rocailleux, pauvres. En jetant l'ancre, nous sentons l'odeur caractéristique du feu... Une vallée brûle, les flammes gravissent les parois de la montagne. Il n'y a rien ici pour éteindre l'incendie. Nous regardons tout un versant partir en fumée durant toute la journée... Quelle tristesse! La fumée s'arrête au sommet, là où la végétation avait déjà disparu quelque temps plus tôt dans un autre foyer involontaire.

taipivaiNous ne restons qu'une journée dans la baie de Taipivai. Le temps d'aller rendre hommage aux Maohis qui laissèrent un me'ae de petite dimension, mais complètement encerclé de tikis. Il y en a plus de dix défendant l'accès à la plate forme sacrée.

Prochaine étape, Taiohae : la capitale administrative des Marquises. Une dizaine de bateaux roulent au mouillage, les équipages ont, presque tous, trouvé un « job » à terre. Une petite communauté de marins très sympathique s'établit autour de la crêperie montée sur le quai par une Allemande de l'est, Nadia. Une femme au caractère trempé, à la détermination travailleuse qui mène à la baguette ses deux petits garçons. Le mari, un tatoueur de l'île, a su la retenir dans les parages pour qu'elle ne revienne plus jamais au pays natal... Nous retrouvons une ambiance nautique, des collègues rencontrés à Curaçao, à Panama. nuku hivaBrèves retrouvailles d'une petite semaine où nous partons à la découverte d'autres sites archéologiques. L'un d'eux mérite d'être mentionné. Au centre du Tohua (l'aire des réjouissances) trône le siège sacré du dernier couple royal maohi, le roi TeMoana et sa reine Vaekehu. Non loin, une reproduction de Moai de l'île de Pâques a été offerte par des Pascuans venus célébrer le passage de l'an 2000 sur Nuku Hiva.

La houle, encore elle (!) nous chasse de Taiohae. Nous partons vers la dernière curiosité immanquable de Nuku Hiva : Hakaui. Jacques, que nous avions rencontré à Ua Huka, nous avait persuadés de ne pas partir des Marquises sans voir cette cascade spectaculaire, certifiant que jamais elle ne s'assécherait, criant les grands dieux que si Hakaui manquait d'eau, l'heure était grave!

taihaeDu large, impossible de repérer le mouillage. La vaste baie de Hakaui cache deux baies plus petites, calfeutrées derrière un promontoire. Une porte s'ouvre en pointant l'étrave sur la falaise. Nous conduisons notre Etoile dans une prison de pierre. Partout autour s'érigent des à-pics insensés. Les deux baies aveugles s'enfoncent sous des échafaudages titanesques, des amas de roches volcaniques monumentaux. Une trace de calcaire gravée dans la roche laisse imaginer le saut, jadis, vertigineux de l'eau. L'une des vallées semble morte, tandis que sa voisine laisse présager de beaux restes.

Depuis le mouillage, nous nous dirigeons vers la seconde. Nous pénétrons avec le dinghy dans une rivière, nous le laissons sous la bonne garde des quelques rares habitants, moins d'une dizaine. Autrefois, la vallée d'Hakaui était l'une des plus fertiles de toute l'île. Elle comptait plus d'un millier de personnes. Elle fut la dernière à se soumettre à l'envahisseur colonial (l'amiral Dupetit-Touars). L'histoire de cette vallée laisse un goût amer dans les gorges des descendants des valeureux guerriers qui défendaient leur territoire. Elle est si terrible, qu'elle est encore « tapu » et que personne sur l'île ne s'épanche sur la fin tragique de ce peuple. hakauiC'était au temps où Nuku Hiva était peuplée de plus de 10 000 personnes. Au temps, où l'île appartenait aux Maohis, où chaque vallée abritait une communauté solidaire, régie par des croyances et des « tapu » qui maintenaient la cohésion du groupe. A cette époque, les affinités unissaient certaines tribus et l'antipathie déclenchait des guerres entre les autres. La tribu d'Hakaui était ennemie acharnée des grands guerriers Taipis dont Melville ne tarissait pas d'éloge sur leur invincibilité. C'était au temps où les combats se terminaient par des kaikai enana (manger des hommes). Etait-ce plus condamnable que toute la suite colonialiste qui faillit causer la perte définitive de tout un peuple? Les nouveaux venus ont déstabilisé un ordre établi, par leurs lois foncières inadaptables au milieu ambiant. Ils ont généré une confusion telle dans le fonctionnement des insulaires, que ceux-ci furent dépossédés de leurs terres. Des vallées entières, abandonnées par les premiers possesseurs, ceux qui ont su les rendre fertiles. Tel fut le drame de Hakaui.

hakauiVoilà pourquoi, ici plus qu'ailleurs, l'ambiance est lourde, les paepae (anciennes demeures) abandonnés. Seule la rivière chante. Elle coule entre les parois des montagnes environnantes, roussies par le soleil. Le village s'entortille autour des méandres de ses rives où l'eau diffuse sa richesse, donne à la végétation ce vert luisant, aux fruits le suc généreux, aux fleurs l'éclat de leurs teintes.

Dans la forêt un me'ae oublié, un tiki ancien à la croisée des chemins, et une multitude de témoignages d'une époque faste. La randonnée nous fait traverser plusieurs lits de rivières. Plus nous pénétrons dans le fond de la vallée, plus l'eau est présente et s'échappe des sources souterraines. La vie est là. Les oiseaux chantent. Au pied d'un écriteau mettant en garde contre les chutes de pierres, Dom me tend un casque. Nous nous faufilons entre deux falaises et pénétrons dans un canyon. Nous cheminons dans un décor hallucinant.

tikiLe bruit de l'eau s'arrête. Seuls les pailles-en-queue crient au-dessus de nos têtes. Lorsque nous regardons vers le haut, le vertige donne la sensation que les falaises parallèles s'avancent l'une vers l'autre et tendent vers le bas, vers nous... Moins de deux cents mètres séparent les parois de 600 mètres d'altitude. Ici, il n'existe plus qu'une seule dimension, celle de la verticalité.

cascadeLe bruit de l'eau me manque... Nous allons vers l'une des cascades réputées les plus hautes (350 mètres), et... rien... Nous n'entendons rien. Les murs immenses, noirs, se referment sur nos êtres minuscules. Ils étouffent tous les bruits. Nous passons d'un versant à l'autre, le silence, lourd, nous engloutit dans un sentiment opaque. Au bout du labyrinthe, la cascade, n'est plus qu'un filet d'eau. Mais nous ne sommes pas ici pour voir chuter l'eau. Il y a autre chose ici. Ce n'est peut-être pas la plus grande cascade, mais c'est certainement la plus étrange configuration rocheuse que j'ai vue dans ma vie.

C'est inimaginable. Indescriptible. Des encorbellements de falaises noires, des amoncellements de roches aussi hautes que les pyramides, et puis un couloir vertical. On s'y enfonce dans l'ombre, sans plus d'horizon. Il faut lever les yeux, par-dessus la nuque, et trouver très haut par-dessus les hauteurs, un bout d'azur rassurant. Tout est si encaissé, si haut que le soleil ne pénètre pas dans cet endroit. cascadePuis, chose jamais vue, la cascade est comme un rideau de théâtre très épais. Elle coule dans un entrelacs de roches, mais elle vient d'un arrière-plan, encore plus haut, qui démarre très en arrière de tout ce décor... Un tout insolite si gigantesque qu'aucun cliché ne peut l'englober.

Nous croyons avoir tout vu... Et pourtant, notre séjour aux Marquises s'achève par les pics fantasmagoriques de Ua Pou. Nous traçons notre sillage, au large de campaniles immenses, ils s'élancent du fond de vallées vers le firmament. Des monolithes si fabuleux qu'ils ne pouvaient être le fruit d'aucune imagination humaine. Plus de 1200 mètres sortent d'un bloc et s'engouffrent dans les nuages. Les vallées s'enfuient du centre hérissé vers des rivages calcinés.

Une brise de 25 noeuds pousse notre Etoile vers l'horizon. Elle garde longtemps dans son sillage l'allure inexplicable des reliefs de Ua Pou. Puis... tout s'efface, nous sommes seuls, pour six jours au milieu du vaste disque océanique. Nous pointons l'étrave vers de nouvelles aventures : Les Tuam's!
Cela sonne comme Diam's!

Amitié marine
Nat et Dom de L'Etoile de Lune

ua pou

Le bon moment pour partir vers la Polynésie...

De quoi traite cet article ?
Ceci n'est pas un guide nautique ou météorologique, il ne détaille pas les théories très compliquées sur El Niño ou la Niña. Son but, simple, est de prendre en considération les conséquences des apparitions cycliques des épisodes météorologiques majeurs du Pacifique Sud, afin que vous puissiez déterminer les moments opportuns pour quitter le continent américain vers la Polynésie ainsi que les périodes de navigations sans risque. En fin de dossier, vous trouverez la liste des moyens de communication fonctionnant dans le grand océan, ainsi que celle des bulletins météo intéressants.

Sommaire
tattooIntroduction
La fréquence d'apparition des Niño-Niña
Comment savoir dans quel cycle on se trouve?
Quelles sont les zones cycloniques de la Polynésie?
Quand traverser et quand naviguer?
Episode Niño
Stratégie Niño
Départ du continent sud-américain
Pendant la saison cyclonique
Episode la Niña
Stratégie la Niña
Départ du continent sud-américain
Avantages d'un départ tôt dans l'année
Pendant la saison cyclonique
Année « normale »
Stratégie de navigation pendant les années « normales »
Départ du continent sud-américain :
Pendant la saison cyclonique
Les sites utiles sur le Net
Obtenir la météo
Les moyens de communication du bord : IRIDIUM - BLU - WINLINK - SAILMAIL

Introduction
Le Pacifique ne fonctionne pas tout à fait comme l'Atlantique. Dans la Caraïbe, chaque année, la saison cyclonique pointe son nez vers juin/juillet et s'arrête fin octobre ou tout début novembre. Dans cette période, il vaut mieux fuir la zone, trouver abri sur les bordures. Pour le Pacifique Sud, les météorologues définissent des grandes zones cycloniques et leurs périodes à risque (de novembre à mai). Mais, il n'y a pas dans l'océan de réel « abri ». A moins de le traverser en six mois, il faut jongler avec les particularités de ce vaste océan pour trouver un programme de navigation adéquat.

tattooLa fréquence d'apparition des Niño-Niña
La fréquence de l'apparition des deux phénomènes semble se réduire de plus en plus. Les années Niño ne sont pas toujours suivies d'une année Niña. Mais sur ces vingt dernières années, il y eut 8 années Niño et 6 années Niña. Les années normales sont au nombre de 6. Durant cette période, cinq Niña ont directement suivi un Niño. Les manifestations de ces épisodes peuvent durer jusqu'à dix-huit mois. Leur impact dans le Pacifique est surtout important pendant la saison cyclonique générant plus ou moins de perturbations tropicales selon la phase dans laquelle on se trouve.

Niño = risque élevé de cyclones sur la Polynésie
Niña = risque très faible de cyclones sur la Polynésie

Années Niño Années Niña
1991-1992
 
1992-1993
 
1994-1995
1995-1996
1997-1998
1998-1999
 
2000-2001
2002-2003
 
2004-2005
 
 
Début de 2006
2006-2007
 
 
2007-2008
2009
 
 
la fin de 2010

Comment savoir dans quel cycle on se trouve?
Les sites Internet de la Noaa, et celui de cyclonextreme seront les meilleurs alliés de ceux qui projettent de passer dans le Pacifique, consultez-les avant de vous y élancer. Dès le mois de juillet précédent votre passage du canal, vérifiez la phase de ENSO. Cela vous aidera à planifier vos navigations jusqu'en Polynésie, activant le pas ou le ralentissant selon le cas.

tattooQuelles sont les zones cycloniques de la Polynésie?
Quelle que soit l'année, la cyclogenèse la plus active de la Polynésie concerne les archipels des Tuamotu, des Gambiers, des Australes et de la Société. Les Marquises sont réputées être « hors de la zone cyclonique ». Ce n'est pas tout à fait vrai. En 1983, deux cyclones sont nés autour de la ligne du 10 Sud entre le 132 et le 141 W :
- William débutant le 15 avril autour du 9 S 132 W (sur la route des Marquises)
- Nano débutant le 21 janvier sur le 10 S 141 W).
Les Marquises peuvent, lors des années Niño, être le siège de cyclones qui s'orienteront vers le sud-sud-est.

Quand traverser et quand naviguer?

Episode Niño
En raison du réchauffement de la couche de surface de l'océan (60 mètres), la saison cyclonique sur l'archipel de la Polynésie présente un FORT potentiel d'être actif du mois de novembre au mois de mai avec un pic de risque de janvier à fin mars.
Cas extrême, en 1998 la saison a commencé le 10 octobre avec un cyclone précurseur et s'est finie le premier mai avec une dépression tropicale. Entre les deux perturbations tropicales, six phénomènes se sont baladés dans l'archipel.
De plus, ce cher Niño aura tendance à accélérer les alizés hors période cyclonique et à générer plus de tempêtes au nord et au sud du Pacifique générant des houles disproportionnées par rapport aux vents réels.

tattooStratégie Niño

Départ du continent sud-américain
Pendant une année Niño, il est préférable de ne pas jouer au chat et à la souris avec les cyclones. Ne partez pas des Galapagos avant début avril, vous atterrirez sur Marquises en fin de mois.
Il convient, lors des années Niño de planifier correctement sa traversée, de prendre une météo quotidienne pendant la navigation, d'envisager de détourner sa route vers le nord pour contourner les éventuelles perturbations.

Pendant la saison cyclonique
Pour les équipages qui bénéficient des nouvelles lois de séjour s'étendant à 24 mois, l'année Niño est difficile à gérer. Sans doute, la meilleure solution est d'assurer son bateau à terre et de s'offrir un voyage, ailleurs. Sinon, il faut tenter les Marquises et se dire que les statistiques comptent peu de départs de cyclones dans ces latitudes. Mais, il faut savoir qu'il n'y a, sur l'archipel, aucun mouillage à l'abri des houles.

Episode la Niña
La température de l'eau dans le sud-est et le centre du Pacifique Sud reste fraîche, et le risque de voir se développer un cyclone est rare. Les archipels exposés de la Polynésie restent les Gambiers ou les Australes. De 1973 à 2009, aucun cyclone ne s'est développé dans la zone Marquises, Tuamotu, îles de la Société, durant les années Niña.
A noter entre 1973 et 2010 pendant les épisodes Niña:
- 1976 au mois de février, le cyclone Frances traverse les Australes
- 2001 au mois de mars, Rita, une dépression tropicale modérée balaye les Gambiers.
En revanche, la partie sud ouest du Pacifique Sud (Fidji, Samoa, Vanuatu, Nouvelle Calédonie) sera plus exposée au risque de cyclone que la Polynésie pendant une année Niña.

tattooStratégie la Niña

Départ du continent sud-américain
En principe, la Niña protège les marins. Ils pourront, dès lors, démarrer leur transhumance pacifique plus tôt dans l'année. Ce qui leur donnera d'autant plus de temps, pour traverser l'océan. Surtout pour ceux qui ne bénéficient pas des facilités de séjours octroyées aux Européens (Canadiens, Américains, Australiens, ... NZ...). Pour ceux qui visent de rallier la Nouvelle-Zélande avant la fin octobre, grignoter un ou deux mois au départ, n'est pas négligeable!
A noter qu'avant la fin de mars, la houle et le vent sur le parcours Galapagos-Marquises est plus faible. Il en manquera parfois, mais la traversée sera tranquille et non soumise, comme c'est le cas mi-avril, aux houles croisées générées par les tempêtes australes ou arctiques. Attention à ceux qui choisissent d'atterrir aux Gambiers, le mois de mars peut encore être difficile à gérer. Par la suite, l'hiver s'installera avec des dépressions qui parfois devront orienter les étraves plus au nord. (En 2010 trois bateaux-amis n'ont pu atteindre les Gambiers en raison des fortes dépressions qui se développaient dans la région)

Avantages d'un départ tôt dans l'année
-Passez le canal de Panama en décembre ou tout début janvier et vous serez hors-saison (parfois tarifs plus avantageux, moins de monde au mouillage de Panama City)
-Profitez des Perlas avant que les grands rallyes (World Arc, Blue Water...) ne passent, vous serez tranquilles.
-Arrivez aux Galapagos en janvier ou février (moins de risques d'orages dans la ZIC, et à la faveur des fronts froids du Golfe du Mexique vous aurez du vent de NE sur une grande partie du parcours). Dans les mouillages de San Cristobal et de Isabella moins de voiliers (Puerto Ayora est toujours bondé).
-La traversée en mars ou avant devrait être calme, moins soumise aux houles croisées.
-Aux Marquises, le gros de la troupe des voiliers n'est pas encore arrivé, vous pourrez mieux profiter de la rencontre avec les insulaires, et des mouillages qui présentent une capacité restreinte.
-Lorsque le flot des voiliers arrivera sur Marquises, vous serez déjà partis sur Tuamotu, et là encore vous devancerez la plupart de vos collègues.

tattooPendant la saison cyclonique
Pendant une année Niña, les marins pourront circuler plus librement. Ils choisiront leur lieu de villégiature dans un espace compris entre les Marquises, les Tuamotu et les îles de la Société. Mais, la présence de la Niña n'empêche pas de surveiller attentivement la météo et de ne pas oublier que nous nous promenons sur le terrain de jeu potentiel des cyclones même si aucun cas n'est recensé depuis près de quarante ans durant un épisode Niña. N'oubliez pas que malgré la rareté des cyclones, les Tuamotu et les îles de la Société sont en saison pluvieuse de décembre à mars (le risque d'orage est plus élevé)

Année « normale »
Les cyclones sont rares, mais existants. Depuis 1973, seule l'année 1981 a vu passer une tempête tropicale, Diola qui a zigzagué du Nord Tuamotu au Sud Tuamotu entre le 27 et le 30 novembre. Dates précoces qui ont surpris tout le monde! Plus tard, en mars, un cyclone est passé sur le 20° sud, bifurquant vers les Australes.

Stratégie de navigation pendant les années « normales »

Départ du continent sud-américain
Le départ vers Marquises pourra s'opérer tôt en saison. Tandis que ceux qui visent les Tuamotu et les Gambiers ne devront pas toucher les archipels avant début avril.

Pendant la saison cyclonique
J'aurais envie d'écrire : à la grâce de Dieu. Le risque est minime, mais il est potentiel. Prendre la météo quotidiennement est un bon plan, tout en ne s'éloignant pas des trous à cyclones ou des chantiers capables de vous sortir de l'eau rapidement (c'est rare! Seul le chantier d'Apataki (Tuamotu) y consent)
Les Marquises seront considérées par la plupart des marins comme « hors zone cyclonique ». De plus, de novembre à mars, l'archipel est en saison sèche et les houles y sont moins importantes que pendant la saison des pluies d’avril à octobre.

tattooLes sites utiles sur le Net
www.cyclonextreme.com
INCONTOURNABLE. En français. Le site est une mine d'or. Il vous donnera toutes les statistiques, des tableaux clairs relevant les années Niño et Niña, des schémas de suivi des cyclones sur la zone qui vous intéresse. Etc...
Le site internet de la Noaa : weather.gov

Obtenir la météo
- (A partir des Marquises) RFO diffuse un bulletin météo tous les matins entre 7h10 et 7h30 (heure des Marquises)
-Un abonnement buoyweather vous permettra d'apporter des précisions aux prévisions et de les recevoir à 7 jours sur demande. (nombreuses requêtes possibles depuis la messagerie du bord, sans surcoût) Prix : (environ) 90 dollars par an. Voir leur site Internet : www.buoyweather.com
-Sur Winlink et Sailmail, les fichiers grib sont fiables.
Dans le catalogue Sailmail, météo France donne un bulletin valable pour moins de 24 heures. Mais la requête sur winlink est plus complète, et relativement fiable pour 48 heures.
Dans le catalogue Winlink, sous l'onglet Global vous obtiendrez les requêtes valables pour toute la Polynésie (bulletins surtout utiles pendant la saison cyclonique) :

Code/Categorie/Description/volume
NWP_SEP.ACV3 METAREA XI Tropical weather advisory Pacific 1412
FRENCH POLY S/PACIFIC_WX french polynesia marine wx in french 1720
NADI_WX_BULL S/PACIFIC_WX Nadi marine Wx Bull Area >EQ/25S 1415
120w 180E
TC_ADVISORY S/PACIFIC_WX trop cyclone advisory 2140
WEATHERGRAM S/PACIFIC_WX latest bob Mac Davitt NZ Yotres... 2988
FZPS40.PHFO WX_HIGH_SEAS s. mid Pacific 1910
GWIR.JPG SAT_PIX Western pacific southern hemisphereIR 57901

Toutes ces requêtes peuvent être demandées par BLU, certaines, comme la photo satellite (gwir), demandent un bon débit. Il est parfois plus opportun d'utiliser le satellite (type iridium) en quelques minutes toutes les requêtes sont livrées.

tattooLes moyens de communication du bord
(A partir des Marquises) Le système de téléphonie portable se nomme VINI en Polynésie. On trouve des téléphones dans les petits magasins d'Atuona et des cartes SIM dans les postes de Nuku Hiva (Taiohae) et de Hiva Oa (Atuona)

Le préfixe des Marquises est le 689. Pour joindre la France, il faut composer l'international : 00 33

Aux Marquises, le Wifi est disponible dans le mouillage de Tahauku à Hiva Oa et de Taiohae à Nuku Hiva. Ailleurs, il est inexistant. Le prochain hotspot prévu serait Hanavave à Fatuiva. Impossible de donner une date précise pour l'installation du système dans la baie des Vierges. Deux pourvoyeurs de réseau : Iaorane et Hot Spot.
Pendant la traversée la BLU et le satellite fonctionnent bien. Arrivés aux Marquises, les plaisanciers qui disposent de la BLU ou de tout autre service de communication seront surpris du manque de couverture. Ils se poseront des questions sur l'état de marche de leur matériel, tant, à certains endroits, le signal est faible, voire inexistant.

IRIDIUM
Dans certaines vallées, la montagne cachait le satellite et nous perdions le signal iridium. Hors des montagnes, l'iridium est ce qui marche le mieux et évite les longues attentes en onde pour passer les messages ou recevoir la météo. N'oubliez pas que si vous avez les deux systèmes (BLU et Iridium) vous pouvez utiliser airmail et la fonction « Telnet » pour basculer sur le système satellite.

BLU
Les hautes montagnes, et l'encaissement des mouillages vous rendront la vie dure. Plus que jamais, aux Marquises, il vous faudra de la patience et respecter le tableau de propagation pour accrocher une station, et pour envoyer vos messages ou recevoir de la météo.

tattooWINLINK
C'est la guerre des ondes! Il y a de plus en plus de bateaux dans le Pacifique et beaucoup moins de stations que dans la Caraïbe. Au moment de la grande transhumance (entre mars et août), les Américains, Néo-Zélandais, et Australiens sont très présents sur les ondes. Il est difficile de trouver un créneau. Lorsqu'il est trouvé, une station essayera d'émettre en même temps que vous. Je vous rappelle que cela ne sert qu'à ralentir le débit de celui qui a accroché une station. Donc d'attendre encore plus longtemps ! (pendant cette période d'affluence, le satellite est un bon compromis)

Les stations qu'il est possible de crocher sont celles de :
Californie K6CYC ou KB6YNO (elles sont presque sur la même fréquence 14108,5 et 14108,9, ce qui ne facilitera pas votre tâche)
(K6XA est moins performant)
San Diego : W6IM
Parfois vous pourrez crocher Panama : HP2XBA
Honolulu K4XV, mais elle est sur la même fréquence que W6IM.

La Nouvelle-Zélande et la station ZL2ABN sont encore trop loin. Il faut attendre les Tuamotu pour commencer à la joindre. Station très prisée pendant la saison cyclonique, car le gros des troupes est situé dans son rayonnement.

tattooSAILMAIL
Le fait que les stations n'ont droit qu'à 10 minutes par jour limite d'autant l'affluence. Sur les Tuamatu, la station de Manihi donne des résultats variables, mais assez bons dans l'ensemble. Honolulu est encore joignable, Niu est souvent saturée.

Départ des Marquises vers Tuamotu
Au large, les possibilités de connexions s'ouvriront. Les Tuamotu bénéficient d'une assez bonne couverture. Par contre, en quittant les Tuam's vers les îles sous le vent, les stations d'Amérique du Nord seront de pus en plus difficile à joindre, l'ouverture se fera sur Nouvelle-Zélande. Là encore, le tableau de propagation est à suivre avec une bonne discipline sans quoi, c'est vraiment laborieux.


Toutes ces données sont des suggestions de navigation, la décision finale appartient à l'équipage qui prendra le large.

Photo du mois

Ce Tiki a-t-il échappé à la vindicte castratrice des Missionnaires du milieu du dix-neuvième siècle? Fut-il reconstitué, en l'état, récemment? En tout cas, au centre de la «capitale » de Nuku Hiva, il arbore les attributs incontournables du panthéon maohi.

tiki

 
© Droits réservés 2019 : etoile-de-lune.net | Article rédigé par Nathalie - Mise en page de Dominique