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tatou

Tahuata : Vue depuis Hiva Oa

Tahuata : Baie de Hanamenu

Danses au village Hapatoni

tampon etoiledelune

Message 88 – écrit en octobre 2010
Nombres de milles parcourus : 17 205 milles
Nombre de personnes inscrites à la lettre : 901
Position de L'Etoile de Lune : Marquises - Tahuata

Tahuata
S'illumine, s'illumine le voyage!

Le PDF
Photos

"Le Pacifique est gourmand... On en sort souvent écoeuré d'avoir navigué dans un festin météo. Il bouillonne en tout sens. C'est Wagner à l'oreille. La mer donne l'impression d'avoir été brisée à coups de masse." Olivier de Kersauson (Ocean's songs)

Programme de navigation à venir
Après Hanamenu qui clôturera notre visite du nord d'Hiva Oa nous partirons à l'ouest vers Ua Pau, première île du groupe Nord des Marquises.

Nouveautés sur le Site Internet : www.etoiledelune.net
Album photo : Tahuata

Dans le blog : Vous vivrez, au jour le jour, nos plus belles découvertes de Tahuata

nathSupplément du mois : Les langues parlées en Polynésie et leurs particularités très exotiques...
Photo du mois : Farandole de cabrioles de dauphins.

Résumé
Dans le mail 87, nous vous disions à quel point les Marquises nous apprivoisaient. En contournant la pointe nord de Tahuata, l'île au sud d'Hiva Oa, nous sommes conquis. Cette île, peu visitée, en marge des grands attraits touristiques de la Polynésie, revêt une ambiance charmante. D'un bout à l'autre, nous trouvons une variété telle de paysages que nous changeons de monde et de climat en deux petites heures de navigation. Pour ne rien oublier, Tahuata est le paradis des raies mantas qui « volent » autour du bateau et des dauphins à longs becs qui sautent et éclaboussent le pont par dizaines. Nous approchons des virtuoses, car l'art des sculpteurs de Tahuata est réputé dans tout l'archipel. Mais, les insulaires « ne se prennent pas la tête », d'un tempérament tranquille, ils ne recherchent rien d'autre que des plaisirs vitaux et naturels.

A Tahuata, nous vivons en grandeur nature l'essence de l'épicurisme.


Bonjour,

tahaukuRappelez-vous de la légende de la création des Marquises, dans notre dernière lettre. Le dieu O'Atea n'avait pas fini de créer l'archipel que le soleil commençait à poindre. Sa femme lui dit : « L’image lumineuse scintille. » Cette expression donna naissance à l'île de Tahuata.

C'est l'exacte sensation que nous eûmes en contournant la pointe nord de Tahuata. Mais avant d'atteindre l'Éden, c'est bien connu, les candidats se soumettent aux épreuves initiatiques.

La dernière nuit à Tahauku, dans le sud d'Hiva Oa, nous précipite dans la plus sombre géhenne. La houle traître culbute notre pauvre Etoile, la transformant en un abominable engin à ressorts. Nuit infernale... Nous aspirons à trouver le repos, nous levons l'ancre!

vague tahaukuOui, mais... Les profondeurs du mouillage de Tahauku recèlent des surprises! Tantôt les ancres s'enfoncent dans une surface si vaseuse qu'elle les aspire telles des ventouses, tantôt, le sable fait de petites caillasses, ne retient aucune forme d'ancre. Le pire étant de crocher les fondations d'une ancienne digue qui traverse toute la baie. Là, prises au piège de ferrailles et de dalles en béton, seul un plongeur en bouteille peut tenter de les récupérer. La veille, deux requins marteaux de belle taille avaient rôdé autour des bateaux. Et lorsque nous voulons récupérer nos ancres, elles ne répondent pas à l'appel. Mon capitaine s'équipe de son masque et s'enfonce dans une eau si opaque que je ne peux repérer un éventuel prédateur. Il me dira plus tard qu'il s'est cogné le front, tant il n'y voyait rien!

Dom bataille plus de deux heures pour nous dégager.

temetiuA la sortie, la mer est cabossée. Comment en serait-il autrement? Secoués comme nous le sommes à l'intérieur, dehors, nous ne pouvons trouver un lac! L'immense caldéra marine qui enchâsse Taaoa, Atuona et le mouillage de Tahauku se nomme « la baie des traîtres ». Ici, les traîtres ne sont pas humains, ils sont intemporels, désincarnés et voraces. Les vagues, immenses mâchoires gourmandes, enfoncent dans notre sillage des dents d'écume acérées. Notre Etoile courbe l'échine, se plie aux mouvements erratiques et poursuit son chemin clopin-clopant. Le traitement n'est pas long. Le temps de la traversée du canal du Bordelais.

De part et d'autre du canal, les arrêtes montagneuses de Tahuata et d'Hiva Oa titrent plus de mille deux cents mètres. Elles forment un couloir où l'alizé trouve un terrain de jeu idéal pour caracoler en tête de notre anémomètre. Il siffle dans les haubans. Il lève des crêtes d'écume. Fouettée par les rafales, l'âme poétique s'envole et gambade entre les lignes de cette lettre que je vous écris. Nous naviguons au sein de paysages fantasmagoriques. canal bordelaisLes îles emprisonnent au coeur de leurs contours indéchiffrables les énigmes des cultes, ma'ohis jamais transmis. Comme si les paysages, dans leur immensité, hurlaient pour se faire entendre du ciel. Seul l'imaginaire peut lire dans ces montagnes, comme il le ferait dans les nuages. Oui, les montagnes des Marquises sont à l'image des nuages. Façonnées par le vent, elles dessinent sur un fond d'azur un dôme improbable, une pyramide d'Egypte, une dent de requin!

Notre Etoile contourne la pointe nord de Tahuata, c'est l'éblouissement!

La mer se calme, le vent s'atténue sur un relief qui s'efface. tahuataDes bras doux, tout doux enlacent un miroir d'émeraudes. La baie de Hanamoenoa se finit sur une plage blanche hérissée d'une haie de cocotiers. C'est le coup de coeur! Nous avons la sensation de renaître à la lumière. Hanamoenoa signifie en marquisien, « le travailleur tout le temps allongé ».

Et pourquoi pas « le repos du guerrier »?

Après notre séjour à Hiva Oa, notre vie bascule dans une béatitude divine.
(Euphémisme me direz-vous? Hé bien oui, je l'assume!)
Dans une solitude généreuse, nous ne comptons plus les jours. Ils s'étirent entre les grains du matin qui diffusent de merveilleux arcs-en-ciel au-dessus du mât et le dernier rayon, souvent vert, du soleil. Les nuits étoilées veillent sur un sommeil heureux de dormir à nouveau « à plat ».

raie mantaNos activités se concentrent sur l'observation intensive des princesses de ces lieux: Mesdemoiselles les Raies Mantas. Elles volent gracieusement sous la surface translucide. Facétieuses, elles font la planche et offrent leur ventre blanc au soleil dessinant dans l'eau claire une onde turquoise. Cabotines, elles ne se laissent pas approcher, ni en annexe, ni en kayak. En masque palme tuba, nous n'aurons pas la chance de leur grattouiller le dos. Néanmoins, nous ne boudons pas notre plaisir de les observer depuis le pont. Elles sortent leurs ailes de la surface de l'eau.

Au coucher du soleil, nous avons droit à un jeu de lumières féériques. Le soleil envoie de lumière chatoyantes sur les parois polychromes qui nous abritent de la houle du canal.

cheval tahuataAu large nous voyons passer des vedettes rapides. Personne ne s'arrête dans la baie. Nous sommes transparents. Délicieusement transparents. Au bout de plusieurs jours, un homme, inquiet de notre relative immobilité, s'approche de notre Etoile dans son bateau à moteur. Il se nomme José. Il nous demande si tout va bien à bord. Il nous permet de cueillir les pamplemousses, les citrons, les mangues qui foisonnent derrière la cocoteraie. Il nous indique les chemins de randonnée. Puis, il s'en va. Nous laissant le loisir de profiter de cette épicerie naturelle.

Quelle prodigalité ! C'est LE bonheur!

Dom part à l'assaut des collines environnantes. Il doit s'inventer des chemins, dans une « brousse » aux piquants très hérissés et aux guêpes amateurs de gambettes poilues et de fessiers musclés. Mon Indiana Jones ( Il n'en a pas la machette, mais il en a le chapeau! ) revient ravi et très égratigné de ses échappées. Lorsque le chemin est praticable, il se transforme en éclaireur pour son moussaillon. Nous suivons des sentiers inventés par les sabots d'un cheval, poursuivons « au pif » grâce aux cadeaux laissés par les chèvres. Ainsi, nous gravitons au-dessus de notre antre. Un paradis vu du haut des collines, n'est-il pas la plus belle récompense à une randonnée parmi les épineux marquisiens?

plage tahuataNotre curiosité nous pousse à lever l'ancre, pour les baies voisines, nous saluons les raies mantas, qui d'un coup d'ailes passées par-dessus la surface, nous rendent la politesse. Et nous retrouvons, tour à tour deux petites baies jumelles, Iva Iva Iti, et Iva Iva Nui. Elles aussi ont adopté le blanc pour leur plage. N'est-ce pas curieux? Ces îles volcaniques au récif inexistant offrent une majorité de plages noires. Rarement du sable, souvent des galets et des roches anthracite. Mais, dans le nord de Tahuata, les plages de sable blanc dominent. C'est un pur régal que ces traits de lumière, dans ce décor ténébreux.

Ici l'on croit forcément aux prodiges de la nature!

plage tahuataCes plages ne sont accessibles que par la mer. Aucune route carrossable ne les atteint. Quelques sentiers devinés, sur des cartes anciennes montrent le chemin. L'une d'elles est la propriété de la famille Tamatai, ce qui signifie en marquisien : Enfants de la mer (Tai en marquisien est la mer, Tama signifie enfant de). Quel beau trait d'union entre nous! Patrick vient souvent dans la baie de Iva Iva Nui. Il vient nourrir son cheval, ses cochons et son chien. Il nous permet de nous servir en fruits. Mais pour l'heure, notre cockpit est plein...

A quelques petits milles au sud de ces havres, la baie de Hanamiai abrite le village principal de l'île : Vaitahu. En passant le cap qui la protège, nous changeons de monde. Des rafales saisissent le plan d'eau. L'inclinaison des monts environnants dessine un toboggan parfait pour le vent. Au pied des pentes du volcan effondré, le village résiste aux assauts incessants. Ils sont si violents, qu'ils soulèvent des nuages d'embruns.

vaitahuLa nature n'a pas changé depuis la venue de James Cook. Lors de son deuxième voyage dans le Pacifique, son escale à Vaitahu a failli lui coûter son bateau. Le 8 avril 1774, le Résolution commandé par Cook et l'Adventure commandé par Furneaux entrent dans la baie :
« Nous entrâmes et essayâmes d'y tourner, manoeuvre au cours de laquelle nous subîmes les assauts de si violentes bourrasques venues des hauteurs qu'il s'en manqua de quelques pieds que nous fussions drossés contre les rochers sous le vent. »
James Cook partira au large pour retenter la manoeuvre. Il restera 4 jours à Vaitahu. Les habitants en sont à leur deuxième expérience de visite d'étrangers. La première fut celle de l'Espagnol, Mendaña. Il avait dû tirer des coups de mousquets contre les « Indigènes » trop prompts à subtiliser quelques babioles. Cook réitère les mousquetades. Et il vise juste! Décidément, le premier contact avec les Occidentaux a de quoi perturber des millénaires de relations entre les peuples...

vaitahuAujourd'hui Vaitahu se souvient. A coups de plaques gravées, l'Histoire subit l'érosion de la pluie et du vent. Celle de l'arrivée sanglante de Mendaña. Puis, passant outre l'épisode anglais, la colonisation par les Français est notée sur une plaque de cuivre où les lettres s'effacent subrepticement. Mais, il y a surtout près du petit musée où les objets des Ma'ohis retrouvés dans les vallées trônent, une plaque aux grandes lettres d'or. Celle-ci remet tout en place : « FENUA ENATA : TERRE DES HOMMES. En 1595, elle fut appelée Iles Marquises, nom qui la fit connaître au reste du monde. Qu'aujourd'hui, le monde connaisse son nom d'origine. Vaitahu le 29 juillet 1995 »

A côté du petit musée, des enfants chantent à tue-tête des refrains traditionnels. Leurs voix résonnent dans tout le village et nous accompagnent jusque sur le parvis de l'église. eglise vaitahuLes pierres volcaniques dont elle est construite reflètent les couleurs chatoyantes du grand vitrail aux figures naïves. L'autel est sculpté de tikis dans un arbre du pays, un pahu (tambour ma'ohi) attend dimanche. Les églises marquisiennes mélangent l'art oublié des Ma'ohis et la discrétion liturgique. Il n'y a pas d'ostentation, pas de dorures. Des matières naturelles, un espace où l'on ressent tout le poids de la religion, mais où s'immisce l'emprise des ancêtres.

A la sortie de la baie de Vaitahu, le pic acéré de Tepea, se dresse hors de l'eau indigo, sur une hauteur de 800 mètres. Cette avancée excentrique se dresse devant nous et détourne notre attention de l' empilement baroque de monts anthracite qui forme le théâtre du village. La végétation gravit des échelons démesurés de roches hors de portée. Une faille fantasque scinde la montagne en deux, elle s'enfonce dans la chair de la roche. Elle trépane le décor, d'un plaisir fendu.

Quel étrange paysage!

tahuataDes falaises vertigineuses protègent le mouillage de Hanatefau. Là, en posant l'ancre, nous avons non seulement changé de décor, mais aussi de climat. Les sommets sont empêtrés dans d'épais nuages. Le soleil ne parvient pas à passer outre la muraille de plus de 1000 mètres qui s'élève derrière notre Etoile. L'air va en chatouiller le sommet, et par un curieux jeu de technique des fluides, il revient, refroidi dans notre cockpit. Il fait frais! Vingt-trois degrés! Le ciel, au-dessus du mât, s'accroche aux humeurs grèges, tandis que vers l'horizon, il resplendit d'azur...

L'accueil est somptueux.

Une dizaine de famille de dauphins à long bec saute autour du bateau. Ils sont en tout une centaine et se divisent en clans d'une dizaine d'individus. Au centre des clans, nous remarquons des ailerons plus petits, des ventres roses. Nous sommes dans une nurserie. Ici, autour de notre Etoile, naissent des bébés dauphins. C'est extraordinaire. Les marraines, qui entourent la mère, envoient le bébé par-dessus la surface pour prendre sa première respiration. Elles l'accompagnent, lui montrent comment plonger. C'est une chorégraphie parfaite. Les dauphins à long bec sont réputés pour leurs sauts. Et nous sommes leurs spectateurs privilégiés. Tout au long du jour, il suffit de nous installer dans le cockpit ou sur le pont et c'est un festival de cabrioles.

C'est magique... Il n'y a pas de mots pour décrire ce que cette présence suscite comme camaïeux de sentiments.

hapatoniPour compléter notre plaisir, à un mille de ce mouillage, nous trouvons l'ambiance charmante du village d'Hapatoni. Nous ne pouvons loger devant le village, le mouillage n'est pas approprié aux petites unités. Il vaut mieux le laisser à l'Aranui ou au Taporo, ces deux petits cargos qui viennent approvisionner les îles toutes les trois semaines. Notre Etoile, reste sous la garde de nos amis les dauphins et nous rallions Hapatoni en annexe.

Sur le quai, nous avons droit au comité d'accueil. Les enfants sont en vacances, et la venue de deux « touristes » dans cette saison d'inactivité est l'occasion de varier leurs jeux. Nous sommes mis en joue par un « mutoi » (gendarme) qui traque avec son vélo aux roues de fer les « voleurs ». Deux camps se forment dans les troupes, aux sourires enrobés de chocolat, de reste de mangues, et de bonbons sucrés. Les yeux pétillent.

Les portes du village s'ouvrent.

sculpteur tahuataChaque enfant porte en pendentif un tiki, une raie, un dauphin sculpté par leurs parents qui perpétuent la tradition. Ici, nous trouvons les meilleurs sculpteurs sur os des Marquises. Ils sculptent des rostres de merlin ou d'espadon. Ils en font des dagues ou des lances somptueuses. Les bijoux sont faits d'os de chevaux, de chèvres ou de cochons. Leurs outils sont des fraises de dentistes . Ils travaillent aussi le bois. C'est fabuleux de voir ces femmes et ces hommes sortir d'un bout de bois de rose une pagaie dont le manche n'est qu'un enchevêtrement de tikis et dont la « pelle » est travaillée de formes géométriques ou de dauphins, de tortues, de raies... Les sculpteurs travaillent les essences de l'île : bois de santal, bois de rose ou ce qu'ils nomment le tohu, dont je n'ai pas trouvé la signification. Nous avons beaucoup de chance, ils nous laissent les regarder travailler... Et, découvrir le résultat est un moment de profonde émotion.

petroglypheAu bout de plusieurs jours, nous sommes acceptés par les villageois. Ils nous confient leurs enfants pour des promenades autour de Hapatoni. Ils nous emmènent voir les pétroglyphes. En réalité, je ne sais pas qui entraîne l'autre, car nous nous rendons compte en cours de route que les enfants ne savent pas du tout où se trouvent les roches gravées. L'instinct et un sens de l'orientation (spécialité du capitaine) viennent à bout d'une matinée à cheminer sur les sentiers enfouis sous une épaisse végétation. Au détour d'une fougère arborescente, le trésor est en vue. Les deux plus grands, Terii et Teii, crient à tue-tête qu'ils ont trouvé les preuves incontestables de l'existence d'un lieu de culte ma'ohi.

Effectivement, nous découvrons une pierre à cupule (en forme de coupe), une pierre aiguisoir et une foultitude de tikis gravés dans la pierre. L'un des plus beaux pétroglyphes que nous ayons vus depuis notre arrivée aux Marquises. Et très peu visité, à en croire l'inexistence du chemin d'accès.

pierre aiguisoirAu retour à Hapatoni, les enfants ont a coeur de nous entraînés sur le me'ae qui siège au centre du village. Cet ancien lieu de culte a été remis en état de manière remarquable. Les jeunes du village y ont consacré plusieurs semaines de travail, pour un résultat exemplaire. Là aussi, c'est pour nous l'un des plus beaux du sud Marquises. Au bord de la mer, en terrain dégagé, l'ancien temple païen toise le clocher de l'église toute proche.

Lors de notre premier passage à Hapatoni, nous nous sommes promenés sur ces enceintes de pierres. Mais ces enchevêtrements de terrasses embrouillaient autant notre entendement que des idéogrammes japonais. Notre passage à Hiva Oa, la rencontre de spécialistes du culte ma'ohis, nous ont beaucoup aidés dans le domaine. Nous gardons d'immenses lacunes, mais le peu que nous connaissons nous aide à imaginer quelques pans de la vie d'antan.

site hapatoniAh! Que ne donnerais-je pour voyager dans le temps? Revenir ici, il y a 500 ou 1000 ans. Rester transparente, pour ne rien altérer. Mais nous donner la chance de comprendre un peu mieux.

Lorsque nous grimpons sur ces terrasses de pierres, nous foulons un lieu sacré. Un lieu « tapu » (attention un lieu « tabu » est un lieu sacré, mais gentiment sacré). Un lieu « tapu »... c'est un lieu où le caractère sacré porte la superstition à son paroxysme. Ici, des vies humaines étaient sacrifiées. Les premiers-nés de certaines castes étaient éliminés avant leur premier cri. Ici, les prêtres invoquaient les Dieux pour porter chance aux guerriers, aux chasseurs... Ils leur demandaient de l'eau en temps de sécheresse, du soleil quand il pleuvait trop, un océan calme pour les laisser pêcher... Ici, sous nos pieds, les grands chefs se réunissaient et décidaient s'ils feraient la guerre aux habitants de la vallée voisine.

Une île aussi petite que Tahuata était divisée en vallées. Chacune était un petit monde autonome. Pourquoi se battaient-ils entre vallées? Pour l'accès à l'eau douce que possédaient les habitants de haut. Pour l'accès à la mer dont disposaient ceux du bas. Une organisation humaine complexe, comme il en existe partout, où l'homme a décidé d'établir des frontières.

site hapatoniEn 1843, une femme a tenté de rétablir la paix entre les vallées : la reine Vaikehu a engagé tous les hommes de Tahuata à construire une grande oeuvre : la route de la reine. Elle avait pour but de rétablir la paix entre les vallées. Cent soixante-sept ans plus tard, la route a résisté aux assauts dévoreurs de la végétation prodigue. Elle est encore praticable sur le bord de mer à Hapatoni. Fouler les grosses pierres volcaniques de cette allée ombragée d'arbres centenaires et d'énormes manguiers, anime le questionnaire de l'Histoire. Des murets à hauteur d'hommes défient le temps, les tsunamis et l'océan et perpétuent les intentions humanistes d'une des dernières reines ma'ohies.

Aujourd'hui, un homme a lui aussi tenté de réunir les vallées. Cette fois la paix n'est plus remise en cause, mais l'aspect pratique est indéniable! Il y a dix ans à peine, les quatre communes situées aux antipodes de l'île n'étaient reliées par aucune route.
Aucune route à l'aube du 21e siècle!
L'ancien Président de la Polynésie, Gaston Flosse a fait voter la construction d'une ceinture routière reliant les quatre villages. La route de Hapatoni a été finie cet été. Et l'internet est promis pour les mois à venir.

hapatoniTahuata est aspirée vers le progrès!

Pour autant, l'âme profonde des habitants ne change pas. Ils ont acquis les 4*4 pour utiliser les nouvelles routes, carrossables, mais non bitumées (elles restent en terre battue sur plus de 90% de l'île). Quant à Internet, ils ne se soucient guère que cette « bête indomptable » arrive dans leur foyer. Le seul à disposer d'un ordinateur à Hapatoni est un Français intégré. tatooLe reste de la population regarde la télévision en tahitien et passe des soirées entières dans l'espace communautaire à sculpter le bois et l'os en écoutant de la musique du territoire.

Personne ne s'agite, même lorsque le tuyau d'alimentation générale d'eau douce fuit. Aucun villageois ne s'étonne de ne plus avoir d'eau au robinet. Elle reviendra bien un jour... Pendant ce temps, ils attendent la pluie et se lavent dans l'océan.

Amitié marine
Nat et Dom de L'Etoile de Lune

Les langues parlées en Polynésie

L'origine des langues polynésiennes

marquisienLes langues polynésiennes appartiennent à un ensemble de plus de 4000 idiomes, utilisés dans un large périmètre dont les extrémités sont Madagascar, l'île de Pâques, et Hawaï. Les racines des ces dialectes trouvent dans les langues austronésiennes dites aussi malayo-polynésiennes. Leur point de départ linguistique est l'Asie (Taiwan et Chine). Les groupes ethniques se sont ensuite dispersés dans tout le Pacifique. En perdant le contact avec la "patrie mère" les langues ont évolué vers des dialectes endémiques. C'est pourquoi l'on saluera différemment à Tahiti, aux Marquises, aux Tonga, aux Samoa ... et jusqu'à Hawaï.  
 
Avec la venue des Européens, les langues polynésiennes se sont enrichies. Ainsi, à partir du XVIIIe siècle, l'anglais puis le français ont été la source de très importants apports dans le vocabulaire polynésien. Exemple : le mot « argent » en marquisien se dit « moni » directement issu de l'anglais « money »

Un alphabet restreint
 
Les chansons polynésiennes ont la réputation d'être les plus douces à l'oreille. Les voix mélodieuses se perdent dans une succession langoureuse et suave de voyelles. Il n'y a pas de sons gutturaux, tout est harmonie. Les chants polynésiens doivent cette mélodie naturelle à la langue polynésienne qui n'utilise que treize :
cinq voyelles: a, e, i, o, u
huit consonnes : f, h, m, n, p, r, t, v.
 
marquisienEn langues polynésiennes toutes les lettres se prononcent. L'accent tonique, bien souvent placé sur une voyelle est très important et peut faire varier de sens, deux mots jumeaux :
- ‘ marque un arrêt du son
- u se prononce toujours « ou »
- le i se prononce « i » ou « y »
- e se prononce "é"
- le h se prononce très aspiré
- le k est très prononcé, « keuh »
- le « v » est imperceptible
- le « p » se confond avec le « b »
Ainsi le mot tabou vient du mot « tapu ». Et aujourd'hui certains Marquisiens font la différence entre le mot « tapu » appartenant à leur langue et le mot « tabu », revenu dans leur langage, via un passage dans le français. Un « tapu » était vraiment très sacré, et un « tabu » étant plus « gentiment sacré »...
 
Afin de préserver la culture ancestrale, la langue tahitienne est enseignée aux enfants d'école primaire dans les îles de la Société. Il en est de même aux Marquises, où le marquisien est enseigné à Hiva Oa ou à Nuku Hiva.

Diversité de dialectes d'un archipel à l'autre

eglise tahuataEntre archipels, il ne se comprennent pas. Aux îles de la Société, dans les Marquises, les Tuamotu et les Gambiers, les dialectes sont différents. Un Tahitien se rendant aux Marquises ne comprendra pas les insulaires. Par contre, en raison de la diffusion de la langue de Tahiti par la radio, la télévision et la messe, un Marquisien comprendra un peu mieux le tahitien. Entre polynésiens, le français est donc la langue commune.

Le Tahitien vous dira "nana" (au revoir) et le marquisien vous saluera d'un "apai". Le mot chemin en tahitien se dit "Ara" (le paquebot Aranui, signifie "long chemin" et en marquisien "taha". En tahitien la mer se dira "miti" et à Tahuata, ils utiliseront le mot "tai". Tandis que le mot "miti" signifiera cuillère.

Pour compliquer le tout, la langue du sud des Marquises n'est pas la même que celle des insulaires du nord de l'archipel. Ainsi, un chien se dira "nuhe" dans le sud, et "peto" dans le nord.

Quelques applications pratiques

marquisienDepuis notre arrivée aux Marquises j'ai gribouillé des carnets entiers de mots et de leurs significations. Mais, j'ai très vite compris que jamais je ne parviendrais à parler cette langue. Malgré le contexte linguistique hermétique, j'ai, néanmoins, appris à dire bonjour (kaoha), merci (vaie nui), au revoir (apai). Et encore... J'ai réalisé à quel point ces petits mots pouvaient se révéler scabreux.

Nuance de prononciation, variation de sens

Si le "h" de kaoha n'est pas aspiré convenablement, le Marquisien auquel vous pensez adresser vos salutations entendra le mot « poisson » (kaooa). Il en est de même pour les mots vahi (casser) et vai (eau).

Les voyelles étant mises à l'honneur, il convient de les prononcer avec précision. Mais, certains sons divergent tant du français qu'il nous sont hors de portée. Comment reproduire un "Heiau" (longue couronne) ?

Et puis, l'accent tonique est important. Dans le mot merci "vaie" (merci) l'accent tonique se trouve sur le "e" qui se prononce "é" très très fort! S'il n'est pas prononcé correctement, les Marquisiens entendront « vai » (l'eau)

Quelques mots de marquisien et leurs traductions en français et tahitien

Marquisien
Français
Tahitien
ee
oui
'e
aoe
non
'aita
kaoha
bonjour
'ia ora na
apai
au revoir
nana
vaie nui
merci beaucoup
mauruuru
mave mai
bienvenue
maeva / manava
a mai apei
viens avec moi
haere mai
iti
petit
iti
nui
grand
nui
manihii
touriste
popa'a
peau pâle
tahitien
ta'ata tahiti
'Enata
marquisien
tama
l'enfant de
tama
Tamatai
l'enfant de la mer
kua
Charmant, poli
tuu fae
ma maison
ehi
noix de coco
ha'ari
Ta'a pu
agriculture
fenua
terre
fenua
humu kai kai
four polynésien
ahimaa
kai kai
nourriture
maa
humu
four, feu
ahi
mei
arbre à pain
uru
popoi
purée de mei fermentée
Pahu
tambour
to'ere
Pu
corne ou coquillage dans lequel on souffle pour produire un son
metani
le vent
matai
tai
la mer (eau salée)
miti
vai
eau (de rivière)
vai
ani
ciel
reva, ra'i
fetu
étoile
fetia ou fetu
mahina
lune
ava'é
Fetu mahina
L'etoile de lune
Fetu ava'e

 

Expression et croyance marquisienne
mahina Eia tao'e : littéralement « voilà à toi la lune ».
Cette expression est encore utilisée aujourd'hui, lorsqu'une personne présente une allergie cutanée, de gros boutons inexplicables, il se met face à la pleine lune et lui transmet son mal en prononçant ces mots : mahina Eia tao'e.

Photo du mois

Farandole de cabrioles de dauphins.

 
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