Nouveautés sur le site internet
Découvrez notre nouvelle page météo.Vous y trouverez les photos satellites, cartes de prévisions de la Noaa, prévisions cycloniques et surveillance de la zone Atlantique et Caraïbe. Nous y avons rajouté les prévisions pour le Pacifique Est, des côtes d'Amérique du Sud à l'ouest de la Polynésie.
Cette page sera un bon indicateur pour planifier vos navigations dans les deux zones. En la communiquant à vos proches, vous leur permettrez de suivre, jour après jour, la couleur du ciel au-dessus de votre mât.
Astuces du mois
Dans ce courrier, nous renouons avec la pratique de l'astuce du mois.
Prévoir un stock des pièces de rechange et comment les conserver en bon état.
Nous vous rappelons qu'une rubrique Préparation au voyage vous attend sur notre site Internet.
Photo du mois : Nous fêtons nos cinq ans sur l'eau avec un bien joli baiser.
Des nouvelles de l'Etoile de Lune
Privée de ses moteurs éoliens, notre Etoile est "stationnaire". Sa grand-voile fait de la dentelle et attend d'être remplacée, son génois a besoin des soins du maître-voilier qui nous a promis une remise à neuf pour le mois ... d'août. Nous mettons à profit ce long délai, pour fignoler, réparer ou remplacer divers aspects de notre compagnon de route. Notre part de travail s'achève. Lorsque nos voiles neuves monteront à bord, nous serons prêts à partir vers le Panama, son canal et voir de quelle couleur est l'océan Pacifique. Si notre fidèle Etoile est paralysée, nous ne le sommes pas, et nous nous envolerons dès le mois de juin pour le Grand Nord. J'ai rêvé du Québec! Et enfin, nous trouvons l'occasion d'y aller, nous vous raconterons tout au long de l'été cette expérience attendue avec avidité.
Dans cette lettre, nous fêtons, avec vous, nos cinq années de vie sur l'eau. Loin de moi l'envie de vous détailler tous les aspects techniques qui jalonnent une croisière de cinq ans. Nous l'avons déjà fait, vous trouverez un tableau technique complet dans notre site Internet. J'aimerais plus particulièrement plonger avec vous, au coeur de ce qui nous a touchés. Sortir du cliché plage-cocotier, pour vous emmener dans ce monde qui nous a accueillis avec tant de générosité.
Bonjour,
Pour fêter nos deux ans de voyage, nous avions fait, à l'époque, un compte-rendu où je vous parlais d'Emily ce vilain cyclone qui a toupillé une nuit entière autour du mât de notre Etoile, puis des pirates qui ont eu la mauvaise idée de monter sur notre pont au Venezuela.
Au bout de cinq ans, le ton de ce bilan s'imprègne d'un tout autre accent. Les embruns récoltés à chaque mille nautique ont lessivé les aspérités et les écueils des premières années n'ont laissé que très peu de traces. Les dates d'anniversaire sont propices à l'introspection. J'ai envie de répondre à deux questions qui nous sont posées régulièrement:
Que cherchions-nous en partant ?
Qu'avons-nous trouvé au fil du voyage ?
Pourquoi sommes-nous partis ? Qu'elle l'étincelle a-t-elle initié le projet ? Nous avions en tête une série de cartes postales bien ordonnées au rang desquelles, un horizon de 360 degrés tenait la première place. Vivre l'océan !
Ha!Ne me laissez pas vous parler de l'Atlantique !
Sa simple évocation catalyse une envolée lyrique... L'Atlantique reste parmi nos plus beaux souvenirs de ces cinq années. Vingt et un jours d'authenticité, d'autonomie et de solitude... La plus belle des solitudes, celle qui se vit à deux. La vie, la vraie pendant 2100 milles. L'alizé pour énergie, les voiles pour moteur. De l'eau, rien que de l'eau et c'est tout. Une liberté si simple qu'elle apparaît magique !
Un bateau, c'est fait d'une poupe pour dire au revoir au passé et d'une proue pour saluer la nouvelle escale qui s'ouvre devant nous. Au bout de la route, il suffit d'ouvrir les yeux, les oreilles et son coeur, la découverte est toujours au rendez-vous.
Notre second rêve était simple, nous imaginions la vie de hamac. Celle tendue entre deux cocotiers, qui se balance au rythme des alizés. Arrivés dans l'Arc antillais, les premiers temps sont idylliques. Nous savourons l'été infini, chaleur et soleil chaque jour sans plus nous poser de questions. Le rythme alangui du quotidien nous gagne. L'Arc antillais est une bonne mise en jambe pour nous débarrasser de nos mauvaises habitudes et gagner en flânerie et indolence. Nous y apprenons que les heures ne se comptent plus en minutes et en secondes, les journées ne se déclinent plus du tout comme nous l'avions appris dans nos vies occidentales. Tout prend plus de temps, beaucoup plus de temps ! Ames impatientes passez votre chemin, vous ne cueillerez ici qu'amertume et agacement. Ceux, capables de se mettre intuitivement, au diapason n'y récolteront que du bonheur, un humour à l'épreuve des imprévus qui épicent si finement une nouvelle vie.
Outre l'adaptation de notre mode de vie aux teintes de créolité, nous passons les premières années à flirter avec les îles. Nous voltigeons de plage en plage, de mouillage sous le vent en barrières de corail, nous retrouvons plage, sieste, baignades et cocotiers. Nous dénichons les mouillages qui sont encore à l'écart des grands chemins de la plaisance où nous pouvons seuls ou en groupes restreints profiter de l'eau chaude. Pour pimenter notre vie, il reste les navigations qui, même aux Antilles, nous brassent copieusement dans les canaux inter-îles. Et puis, vient le jour où nous prenons conscience que rien ne ressemble plus à un cocotier qu'un autre cocotier, il nous prend alors l'envie de trouver un autre ailleurs, de vibrer plus fort et de se trémousser plus que les palmes des cocotiers.
Sur cette route de renouveau, nous trouvons la Colombie. Ha la Colombie ! Ne me laissez pas vous parler d'elle, vous ne serez pas couché avant longtemps ! Sincèrement, elle reste à mes yeux, la plus belle escale de ces cinq années. Sans doute avons-nous été surpris, car elle était entachée d'une si vilaine réputation. En Colombie, nous avons découvert par le petit bout de la lorgnette, un aspect du voyage qui ne s'était pas dévoilé jusque-là.
Parce que nous arrivons avec notre chez nous, chez eux, la relation qui se noue avec les autochtones est particulière. Ils sont intrigués, nous sommes curieux. De cet attrait réciproque, au-delà de la méfiance qui est l'avant-garde d'une protection naturelle et raisonnable, naît un contact. Il n'y a en général aucune intention réelle. Parfois ils ont envie d'essayer un français rouillé, ils réveillent des souvenirs lointains d'un voyage dans notre pays ou l'image de la tour Eiffel... Ha, Paris ! Voilà un mot magique, directement talonné par... Zidane! Jusque dans le fin fond du Panama, les Kunas nous miment le maître du ballon rond. Grâce à ces deux repères incontournables ils nous situent. Ils réalisent que nous avons traversé l'Atlantique pour poser notre roulotte flottante devant chez eux. Ils comptent les 10 000 kilomètres qui nous séparent de chez nous, les yeux brillent, les oreilles aux aguets pointent vers nous. Ça y est, la clé est là ! Il suffit de l'actionner, la porte s'ouvre et... la leçon commence.
La nôtre !
Car, chaque personne rencontrée à tant de choses à nous apprendre. Nous avons découvert la puissance d'un simple bonjour enrobé d'un sourire. Il est à chaque escale, la promesse d'un réel et bel échange, un partage enrichissant. Sur la route, nous nous trouvons des grands-pères et des grands-mères d'adoption, une vraie famille qui nous ébranle jusqu'au plus profond de notre être. Nous avons réalisé que plus que les paysages, plus que la plastique d'une belle ville, les relations que nous lions sont un cadeau de la vie. Sur toute la côte caraïbe de la Colombie, pas un mouillage ne nous a paru ordinaire, car partout, la population nous a laissé un souvenir extraordinaire. A chaque pas, nous avons trouvé des sourires, une générosité sans borne qui se dévoile à la faveur des curiosités qui s'entremêlent. A cause... ou grâce à sa réputation, la Colombie n'est pas fréquentée par le tourisme. Les Colombiens ont un abord insouciant, naturel, ouvert et désintéressé. De Cabo de Vela à Zapzuro, nous n'oublierons pas un visage, pas un prénom, ils sont gravés dans nos coeurs.
Sur l'eau, l'amitié est un voyage dans le voyage.
Il y a celle, précitée, que nous nourrissons pour les populations rencontrées et puis, il y a aussi celle que nous éprouvons pour la famille dans laquelle nous entrons en larguant les amarres. En partant des côtes de France, nous n'avions pas réalisé l'impact des attachements qui se tisseraient au fil des milles. Au mouillage et même au bénéfice de contacts radios pendant nos navigations, des liens se créent où les affinités sont seuls maîtres. Plus aucun critère de richesse, de couleur, de religion, d'appartenance sociale n'a d'importance. Nous sommes tous égaux face aux éléments qui nous malmènent quand ils le désirent. Nous sommes secoués par la même houle, les mêmes vents nous font frémir, le même parfum d'embrun nous enivre. Aux escales, un seul cockpit réunit, plombier, chef d'entreprise, médecin, infirmière, colonel ou simple soldat. Un même langage nous unit, celui de la mer et du bateau. Chacun sera tôt ou tard au supplice devant une panne, un problème que lui posera le bateau. Chacun sera heureux de trouver en l'équipage voisin, le soutien ou le conseil qui lui permettra de ne pas s'enliser dans une douloureuse escale technique. L'entraide et la solidarité ne sont pas des mots galvaudés sur les océans. Les anciens nous racontent que c'était encore mieux avant, mais je vous assure, que la majorité des marins se tendent la main. Ils discutent et rient ensemble. Ils échangent leurs trucs et astuces pour court-circuiter les longues quêtes des nouveaux venus et leur faciliter la tâche. Il suffit de partager un "cinq à sept", la douceur des "heures joyeuses", pour ne plus jamais s'oublier, pour se retrouver ailleurs, car les sillages du Paradis toujours se croisent et se recroisent. La fidélité des marins est à l'épreuve des milles, plus qu'une amitié, c'est une réelle affection, un lien qui coule dans nos veines, un ciment d'écume.
L'amitié peut également se vivre de manière inattendue. Au travers de la voix des ondes, des bénévoles décident de se lever chaque matin pour prendre la position des voiliers en navigation, pour leur donner une météo personnalisée ou pour simplement prendre des nouvelles et raccourcir les distances qui nous séparent par des émissions radio spécialement conçues pour les marins. Ces voix deviennent nos amies... une vraie famille.
Je ne peux finir de parler de l'aspect relationnel du voyage, sans vous parler du couple. Avant de partir, j'avais lu un article dans "Loisir Nautique" qui m'avait beaucoup impressionnée. Il racontait que le voyage était beau, plein de découvertes, mais que le grand perdant de tout cela était le couple. Descriptions peu enchanteresses de déchirements et de vies en vase clos qui font s'éclater les différences que le couple s'envoie à la figure à défaut de les jeter par-dessus bord !
Au bout de cinq ans, je pense avoir assez d'expérience pour vous rassurer. L'aventure du couple au fil des océans est vraiment belle ! Il ne saurait en être autrement, l'équipage le plus répandu sur le voilier de plaisance est le couple. S'il est vrai que sur les bateaux, nous apprenons à nous parler beaucoup plus fort qu'à terre(!), c'est essentiellement pour couvrir le bruit du vent et de la mer ! Quand le capitaine est la barre et que le moussaillon a été envoyé en pied de mât pour régler la voilure, il faut monter de quelques octaves au-dessus du chant des haubans. En dehors des navigations, quelques éclats de voix s'envolent peut-être avec l'alizé ? Le bateau est un tout petit espace, peu confortable, dans lequel nous apprenons chaque jour à respecter l'autre. Lorsque le voyage démarre, nous ne nous connaissons pas. La vie de travail nous a séparés et dès les premiers bords tirés nous découvrons des aspects de la personnalité de notre conjoint qui nous avaient échappés à terre. A bord d'un bateau, il est totalement impossible de décider d'aller chercher le pain, ou de rendre visite à une bonne copine pour laisser la soupe d'injures refroidir. La moindre dissension électrise l'espace. Comme lors de tout changement vie il y a quelques petits "ajustages" à faire. La complémentarité est le maître mot. Le partage en est un autre. S'investir dans une passion commune et travailler ensemble pour que le bateau aille dans le bon sens, c'est une leçon de vie. Elle demande tolérance, adaptation, patience, beaucoup d'amour..., et trouver une cadence commune.
En parlant de cadence, chaque équipage aura la sienne. Depuis que nous sommes partis, certains de nos amis marins ont déjà fait le tour entier de la planète, d'autres sont rentrés chez eux après une boucle de l'Atlantique, d'autres ont préféré la Méditerranée, l'important est de trouver un flux harmonieux. Une base commune. Au moment du départ, lorsque la famille nous demandait pour combien de temps nous partions, nous avions répondu dix ans. Nous pensions également faire un tour complet de planète. En réalité, nous nous comportions comme dans cette chanson de Gabin : "Je sais". Dans les premiers milles, l'équipage de l'Etoile de Lune savait tout. Il savait tellement tout! Trop tout! Au fil des milles, cette conviction s'est effritée. Nous apprenions que nous ne savions rien. Et en particulier sur nous-mêmes. Cherchions-nous à tourner si vite qu'au bout d'une circumnavigation nous nous retrouverions à la case départ?
Un retour vers nos Charentaises?
Et puis quoi ?
Cette constatation faite, nous avons privilégié le plaisir à l'obligation de faire un tour dans un délai imparti. Zigzaguer au gré de l'inspiration. Rester là où il nous plaît de faire chalet sur l'eau. Partir parce qu'il en est temps.
Cette vie sera donc la nôtre tant que le plaisir vécu sera en bénéfice par rapport aux affres subies, car à bord d'un bateau, les principales difficultés consistent à marier bonne humeur et inconfort.
Au chapitre de l'inconfort, nous ne trouvons pas seulement les conditions de mer. Il y a la peur inévitable face à certains dangers. L'inconfort est aussi intimement lié à la nécessité d'autonomie. Le capitaine doit veiller à la bonne gestion des vivres et de l'énergie du bord. Il est parfois fatigant pour lui de toujours rappeler à l'ordre un moussaillon qui dilapide les denrées, l'eau, l'énergie... Ce sont les points d'achoppements les plus répandus autour du monde. Pour pallier ce souci, il faut apprendre à rythmer ses activités en fonction des possibilités du bord. La technologie vient en aide des équipages, pour calmer les tempêtes endogènes. Des moyens écologiques, comme l'éolienne et les panneaux solaires fourniront toute l'énergie nécessaire aux instruments de navigation, à la lumière, au desalinisateur, au réfrigérateur, au congélateur, aux ordinateurs... Chacun selon ses moyens aménage son bateau pour le maximum de confort possible. Au vingt et unième siècle, la technologie éloigne le marin de l'aventure ascétique. Ha! Si ce cher Moitessier revenait et s'il faisait un tour à bord des voiliers de grandes croisières d'aujourd'hui, il n'en reviendrait pas!
Il serait surpris aussi des moyens de communication dont nous disposons. Vous souvenez-vous de ses récits des années cinquante, où il racontait qu'il catapultait ses messages sur les ponts des cargos pour qu'ils aient une chance d'arriver avant sa prochaine escale à sa famille ? Epoque d'aventuriers où la solitude du marin se mesurait à l'aune de l'immensité des océans. Aujourd'hui, partir n'impose plus de briser les liens. Larguer les amarres, en se privant des liens affectifs équivaut à mon sens à se couper un bras. Mais voguer sur les océans tout en continuant à communiquer, à partager ses impressions avec ceux que l'on aime, là, c'est la vraie liberté. Le choix de partir n'est plus dans la douleur de la distance, celles-ci sont considérablement réduites grâce aux divers systèmes embarqués à bord.
Je suis bien obligée de vous dire et cela me navre de terminer par ce point, que l'équipement et le confort du bord ont pour corollaire une succession inévitable de pannes. Ce dernier facteur agace et engendre une augmentation du taux d'électricité statique du bord. Il faudrait entraîner tous les futurs marins au maniement de la clé à molette et du tournevis. Ce devrait être un stage obligatoire ! Savoir tout réparer, avoir les moyens de tout remplacer ou se passer de tout, voilà les alternatives ! Gardez à l'esprit qu'en milieu marin, toute pièce mécanique, électrique et électronique s'oxyde plus rapidement qu'à terre. Beaucoup plus rapidement ! Ce bain permanent d'embruns et de vents nous entraîne régulièrement à passer, contre notre gré, un Cap Horn du bricolage. Sur un bateau tout ira bien, jusqu'à ce que tout se liera contre vous. Le capitaine doit alors s'aliéner à la mère patience et trouver en son moussaillon une aide compatissante. A ce stade, nous revenons à la sacro-sainte ambiance du bord. Il est impératif avant le départ et même en cours du voyage de veiller à ce que l'équation aménagement, technologie, confort, coût et temps de travail soit juste et équilibrée. L'escale technique est un passage obligé, mais elle ne doit pas devenir une entrave aux buts réels du voyage que sont la découverte, la liberté, l'apprentissage, le plaisir et les rencontres.
Depuis cinq ans, nous sommes tout simplement à l'école de la vie, où nous nous appliquons à résoudre cette belle équation qui mène au bonheur, à l'amour de notre planète et au respect des hommes. Notre Etoile de Lune est devenue notre maison, la mer est notre pays, le voyage est notre quotidien. Nous avons planté nos racines dans l'horizon et nos coeurs sont attachés aux âmes qui ont traversé notre sillage. Le voyage n'est pas une grosse bouffée de félicité dont nous nous gavons en un coup. Le voyage ressemble à la vie, il est jalonné d'épreuves, mais il est surtout marqué d'une succession de notes qui sonnent comme une bien jolie musique.
Amitiés marines
Nat et Dom de L'Etoile de Lune |