Message 71 – écrit en mai 2008
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Comarca de Kuna Yala
Le clan des irréductibles

"Notre monde est devenu un village. Nous devons apprendre à vivre ensemble avec nos différences. Parlons, de part et d'autre, dans le souci de construire des ponts et non dans celui, très en vogue actuellement, d'édifier des murs." Frédéric Lenoir


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Voici le lien qui vous permettra de nous suivre au jour le jour, même lorsque nous sommes loin de tout et surtout d'Internet. (notre position est actualisée depuis le bateau par radio BLU)

Notre Position actuelle

Autre solution, rendez-vous sur notre page d'accueil vous y trouverez un bouton "position", il vous indiquera où nous sommes.

Résumé du message
Nous rêvions des San Blas, image d'Epinal du voyageur, icône touristique intouchable.
Arrivés sur place, nous sommes décontenancés par ce que nous y trouvons, sous l'emprise des stéréotypes qui ont farci notre imaginaire, nous tentons de nous raccrocher à la réalité kuna pour mieux comprendre ce peuple dont les bases culturelles n'ont aucune valeur commune avec nos carcans occidentaux...

En fin de message vous trouverez :
L'astuce du mois : Les solutions anti cafards
Vos réactions à notre mail 70 : L'Archipel de San Bernardo, précisions sur Punta Faro.
La photo du mois : Noel en mars chez les Kunas!


Bonjour,

Après notre séjour en Colombie, notre étrave nous conduit tout naturellement sur la rive ouest du Golfe Darien dans l'extrême sud-ouest de la mer des Caraïbes. Nous franchissons la frontière du Panama et nous voici en Comarca de Kuna Yala. Ce territoire est fait d'une frange de terre montagneuse et d'îlots coralliens jalousement préservés par un peuple d'Indiens : les Kunas. Tout le long du rivage continental, sur 240 kilomètres serpente un cordon de cocotiers. Derrirèe les franges de palmes, la montagne grimpe vers l'ouest. Des successions infinies de buttes, de monts et de collines abritent une végétation inextricable où s'ébattent jaguars, singes, perroquets. C'est une faune unique qu'aucune structure humaine ne vient déranger. La région appartient totalement aux Kunas qui interdisent toute édification immobilière ou industrielle.

Peu de villages sont installés sur le continent, les Kunas l'ont peu à peu délaissé, fuyant les moustiques et les glissements de terrain. Ils se sont établis sur des îlots remparés de la houle par un labyrinthe de barrières de corail. Ces îlots sont éparpillés le long du continent, sur une bande côtière de 10 kilomètres de large. Les villages sont organisés comme des communautés lilliputiennes de la taille des îlots sur lesquels ils sont bâtis. Ils sont constitués pour la majeure partie de huttes aux toits de palmes et aux murs de roseaux.

Le Comarca de Kuna Yala est divisé en deux grandes zones. La première se situe autour de Porvenir, dans le nord de la région. Elle est connue sous le nom d'archipel des San Blas et fait la une des agences touristiques. L'autre zone, démarre à la frontière colombienne et s'étire sur 120 kilomètres vers le Nord. Cette zone est à l'écart des circuits touristiques habituels. Là, il n'y a pas d'autre moyen de communication entre villages que la pirogue manoeuvrée à la pagaie ou à la voile.

Juste après la frontière colombienne, le premier village que nous rencontrons est Anachukuna. Nous y arrivons en fin de journée, le soleil déclinant accentue le dessin en arc de cercle d'une petite plage de sable doré et d'une cocoteraie épaisse. La baie, adossée aux montagnes de Panama, est délicieusement calme, idéalement placée pour nous abriter totalement de la houle qui sévit dehors. Nous touchons de près, l'extase, choisissons pour L'Etoile de Lune une place de rêve. Nous actionnons le guindeau, et... Une pirogue vient à nous. Un jeune homme rame tandis qu'est avachi à l'arrière de la barque un homme âgé habillé à l'américaine : casquette de baseball sur les yeux, tee-shirt de basketteur, jeans. Un seul mot jailli de cette pirogue : "Impuesto".
Impuesto ? Impuesto????
Est-ce un mot Kuna pour dire bonjour ? Nous le saluons donc gentiment. Visiblement, il n'en a rien à faire. Il est là pour prendre 10 dollars à tout rare bateau qui passerait par là. Bon, bon... va pour 10 dollars. Nous venons pourtant de nous alléger à la frontière panaméenne de 100 dollars! Somme que nous avons "échangée" contre 9 documents, remplis en quatre longues heures. Ces documents chers en temps règlent notre entrée et toutes les charges que nous devons acquitter en tant qu'étrangers fraîchement arrivés dans le pays. Mais il faut semble-t-il y ajouter une taxette? La journée est un peu chère à notre goût. Nous ne comprenons pas bien ce que tout cela signifie.

Le premier contact n'est donc pas complètement positif... Surtout pour notre balance commerciale. Et malheureusement, le scénario se répètera d'escale en escale :

Permettez-moi, (une fois n'est pas coutume !), de recourir à la forme résumée :
Première escale : 10 dollars
Deuxième escale pour pénétrer à pied dans le village : 5 dollars
Troisième escale prix de l'ancrage : 5 dollars
Quatrième escale : 8 dollars..
Cinquième escale mouillage 10 dollars, prendre des photos 1 dollar par prise, mettre le pied à terre 3 dollars (pour une paire de pieds, non par pied !), monter en haut de la colline 1 dollar, venir au village pour acheter des mollas 5 dollars. Je précise, pas 5 dollars pour acheter un molla. Cinq dollars pour débarquer dans le village et ensuite acheter des mollas ! Pendant les dix premiers jours, en guise de "bonjour" nous entendons "Impuesto" immédiatement suivi par l'expression "comprar molla" ("acheter mollas" ce sont des pièces de tissus cousues artisanalement).

C'est fini oui !
Non mais, "je crois rêver !"
Les Kunas pensent-ils vraiment que nous nous baladons avec une planche à billets à notre bord ? Qu'est-ce que c'est que ce pays ? Au bout de dix jours, j'ai la sensation d'être peinte en billet vert et de n'être vue qu'en tant que porte-monnaie ambulant. Je n'ai qu'une seule envie : fuir. Retrouver la chaleur de contacts humains désintéressés quelque part ailleurs, aux confins d'autres frontières. Pour couronner le tout, l'accueil, une fois l'impôt payé, n'est pas des plus réjouissants. A Anachukuna nous avons la franche sensation d'être des Romains qui s'aventurent inconsciemment dans le clan des irréductibles cousins d'Obelix. Tout le monde disparaît dans les huttes à notre arrivée. A pleurer ! Nous ne pouvons même pas nous consoler avec le temps, il fait gris uniforme et le vent s'obstine à nous souffler dans l'étrave.

OK, à ce stade de mon récit, vous aussi, vous n'avez qu'une envie : fermer votre ordinateur et passer à d'autres occupations. Attendez !!! Il suffit de peu pour changer l'angle de vue. D'un sourire, d'une parole, d'un jour de soleil et surtout d'une meilleure compréhension des choses !

Un matin, la grisaille se lève et laisse la place à un beau ciel bleu. Mon capitaine n'aime pas les situations de hamsters (vous savez,cette petite bête qui tourne et qui tourne pour rien). Il décide de lancer une expédition à terre. Il a vu un chemin, il doit mener quelque part ! Nous partons munis de nos chaussures de marche, d'une gourde d'eau et d'un coeur vaillant... Nous découvrons un chemin pas plus large que deux pieds mis côte à côte. Il n'y a bien entendu aucun panneau indicateur. Mon capitaine, le nez en l'air, pense que c'est par là... Nous remontons vers le nord, à en croire le soleil. Le chemin est agréable. De chaque côté des hibiscus en fleurs et des cordylines (arbustes d'ornement à feuilles rouges) nous donnent l'impression de nous balader dans un jardin d'agrément. La nature semble poète dans les parages. Peu à peu, les plantes fleuries cèdent le pas aux arbres fruitiers. Je me sens comme Kim dans le livre de la jungle. J'ai envie de chanter : "Il en faut peu pour être heureux". Ici, il suffit de se promener pour trouver de quoi manger. A hauteur d'une main tendue, un régime de bananes, attend d'être cueilli, à côté, un arbre à Pipas (les cocos à jus), plus loin, c'est au tour des cocos fibreuses, peu après, des plans d'ananas, du manioc, un calebassier, un avocatier, un jacquier, un courbaril... Ce dernier est un arbre magique, en cette saison (février) les fruits sont mûrs. On trouve dans ses grosses gousses brunes une pulpe juteuse et sucrée, c'est l'idéal à manger en randonnée. A mesure que nous progressons, la végétation devient de plus en plus dense, nous croisons enfin un kuna. Il porte sur le dos une panière faite de feuilles séchées de pandanus, sac à dos en fibres naturelles, qui lui permet de transporter des cocos, quelques avocats... Nous le saluons : "Nuedi"

Ca c'est un petit mot magique chez les Kunas!
"Nuedi" permet de dire à la fois "bonjour", "merci" et comment vas-tu ?
( pour cette question rajoutez un be! Benuedi?)

Tout surpris de notre introduction en Kuna, il marque un temps d'arrêt, et reprend dans la foulée sa marche rapide tout en nous disant que nous sommes à une heure du prochain village et que nous sommes sur la bonne route. Vu l'allégresse de son pas, pour nous, il faudra deux bonnes heures ! Sur le temps de cette réflexion fugace, notre Kuna a disparu, la végétation dense s'est refermée sur lui, et nous restons en compagnie de nos amis les moustiques qui dans ces sous-bois humides se régalent de nos gambettes à l'air. Bataillant avec cette armée de minuscules intrépides, nous croisons notre deuxième Kuna. Hilare ! Il marche aussi vite que le premier. Mais tout en marchant, il nous salue en espagnol, il nous demande qui on est, d'où on vient, où on va... Pour répondre à ses questions, il nous faut, nous aussi, prendre le rythme kuna. Et, naturellement, Lino, un futur jeune papa du village de Caretto, nous prend sous sa coupe. Il nous sort de la forêt à moustiques, pour nous entraîner sur une longue plage de 5 kilomètres. Avec lui, nous retrouvons la lumière du soleil. Dom lève un oeil angélique vers le ciel, il voit son Mouss retrouver le chemin des relations humaines désintéressées.

Lino parle beaucoup, c'est le premier Kuna bavard que nous rencontrons. Peut-être un peu trop ? Il nous conte sans pudeur, la dernière histoire en vogue dans les parages. Une histoire de lanchas avec des moteurs de 200 chevaux. Deux moteurs ! Il nous montre l'emplacement exact de l'échouage de la lancha. Il nous dit que les moteurs n'intéressaient pas les Kunas, ils n'ont aucune barque qui peut soutenir un tel poids. Par contre les marchandises qu'elle transportait ont retenu une attention particulière. Pour nous dire tout cela, Lino a arrêté de marcher, il nous regarde, et il ponctue ses intonations d'un tas de sous-entendus. Voyant qu'on ne percute pas. Lino ralentit le rythme de son phrasé et nous explique comment une cinquantaine de Kunas ont décidé de délester la lancha de 150 kilos de cocaïne qu'ils ont emmenée là-haut très loin dans la montagne. Prise de guerre, investissement pour la retraite, bobards à touristes ??? Nous n'avons pas insisté pour en savoir plus. Nous sommes tout naturellement passés à d'autres sujets, et pourquoi pas une leçon de Kuna ?

Mon vocabulaire passe de 1 mot à dix : un mot minute ! La conversion kuna espagnole me prend parfois un peu de temps... Biabetaniki, igibenuga, panecemalo, edarbe (d'où viens-tu, comment t'appelles-tu, au revoir, attends...) Lino est intarissable, il nous parle de son village, de son organisation, du rôle du sahila, de dieu, de ses ancêtres... Les cinq derniers kilomètres qui nous séparent du village passent à l'allure d'un TGV. Nous assimilons avidement nos premières notions de coutumes kunas.

Caretto, est sans doute LE village qui observe le plus scrupuleusement les règles Kunas : une vie entièrement vouée à la communauté, le pouvoir fort du sahila, les tenues traditionnelles pour les femmes, les huttes traditionnelles, les cérémonies de la chicha, de la jora..., pas de photos, pas de télévisions... Mais, le téléphone satellite! Hé oui, le gouvernement de Panama a installé dans chaque village une antenne parabolique, une voire plusieurs cabines téléphoniques, des panneaux solaires... Et voici, nos Kunas les plus isolés du monde capables d'appeler la terre entière! Autre avancée technologique implantée dans chaque village : une école en béton. Le Panama fournit les professeurs qui instruisent les enfants en espagnol et en kuna. Mais outre ces deux concessions au modernisme, la vie à Caretto continue au rythme des moeurs ancestrales kunas.

Le village est tapi à l'abri d'une colline dans le fond d'une large baie ouverte à la houle. Vu l'interdiction de faire des photos, au zoom je pense leurrer Lino en prenant un cliché d'une succession de huttes. Il rit. Il me signale, l'oeil perçant de malice, que je prends en photo ses ancêtres. Sur la colline, ce qui ressemble à un village est le cimetière. A l'approche du village, je range soigneusement mon appareil photo. Une rivière coupe la plage. Pas de pont, il faut traverser à gué. Caretto est vraiment coupé du reste du monde. Inaccessible par la terre par temps de pluie, il est également difficile d'accès par la mer car d'énormes rouleaux d'écume s'acharnent à fracasser le rivage. Aucun quai ne permet l'approche des lanchas d'approvisionnement. La rivière est une bénédiction pour le village, elle apporte l'eau fraîche, l'eau potable venue de la montagne.

Lino, entre dans son village triomphalement. Il salue tout le monde à la ronde. Il nous entraîne à sa suite. Nous saisissons des regards au vol. Sensation étrange et inconfortable. A nos yeux, ce sont eux qui présentent une différence ! Pour eux, nous sommes les extra-terrestres fraîchement débarqués de la lune ou de son étoile !

Nous nous rendons compte de la chance que nous avons, sans la rencontre de Lino, pénétrer dans le village de Caretto en tant qu'étrangers aurait été une tâche ardue. Les femmes entrent dans les huttes et se cachent. C'est marrant, on sent leur regard percer au travers des canisses. Si elles ont disparu à notre vue, on entend des petites voix fluettes nous dire : "comprar molla". Pudiques, mais pas désintéressées ! J'y réponds par des "Nuedi" avec un grand sourire, et ça semble les satisfaire. Si les femmes sont timides, les enfants par contre se passent rapidement le mot. Dom est assailli de petites mains, qui lui touchent les mollets et qui lui tirent les poils blancs des avant-bras. Moi, j'ai des petites mains qui se sont glissées dans les miennes. Très vite ce qui était, à notre arrivée, un silence lourd, devient un piaillement de notes aiguës. Lino, nous présente à sa femme, elle n'est pas loin de l'accouchement. Nous pénétrons pour la première fois dans une hutte Kuna. Dom doit pratiquement se plier en deux, pour passer la porte. Je réalise que c'est la première fois de ma vie que je suis grande ! Pas le temps pour ces réflexions futiles, pas le temps non plus de nous attardé sur l'aménagement rudimentaire d'une hutte kuna, très vite nous ressortons de chez Lino, il nous entraîne voir le sahila. Ca semble une priorité à ses yeux.

Les enfants en escorte, nous pénétrons dans le "congresso", c'est la plus grande hutte du village. En général, elle occupe une position centrale dans le village. Elle est capable d'accueillir toute la communauté. Le congresso et le sahila sont sans doute les deux institutions les mieux gardées de la culture Kuna. Le sahila est le chef du village. Elu par sa communauté pour ses capacités intellectuelles et spirituelles, il est le flambeau du village. Il passe toutes ses journées à chanter et à invoquer les dieux dans un hamac tendu au centre du congresso. Le sahila joue le rôle de protecteur. Par ses chants il attire la chance sur sa communauté, ou du moins il en éloigne les malheurs. Lino, nous dit qu'il sait tout un tas de choses, comme le sexe des bébés avant qu'ils ne naissent.
"Ha bon, et dis-nous Lino, ta femme accouchera d'une fille ou d'un garçon ?"
Lino nous répond : "le sahila le sait !"
"Oui, OK, mais c'est quoi ?"
"Le sahila le sait !"

Bien compris ! Le sahila parle dans un langage éthéré. Personne ne le comprend mis à part un interprète qui traduit pour la population tout ce que dit le chef du village. Dans les villages comme Caretto, qui respectent la tradition Kuna au sens strict, le congresso réunit, autour du sahila, tous les hommes mariés du village chaque jour à 18 heures. Ceux qui ne s'y présenteraient pas, auront une amende à payer à la communauté. Pendant tout le temps de cette réunion, un collaborateur du sahila a pour fonction essentielle de garder éveillé les participants. Il porte une espèce de brigadier qu'il agite devant les paupières qui se feraient un peu trop lourdes. Le sahila et les hommes présents évoquent ensemble le déroulement de la journée, ce qu'il convient de planifier pour les jours à venir, les problèmes à résoudre pour la communauté... Pour tout dire, l'ambiance générale d'un village dépend entièrement de la personnalité et des décisions du sahila. Chaque village, chaque entité kuna aussi petite soit-elle, est organisé de la même manière depuis des siècles. Un sahila règne sur sa population, il est entouré en plus de son interprète, de secrétaires qui assument des fonctions administratives, de chanteurs qui l'aident dans ses tâches spirituelles. Au 21e siècle pas grand-chose n'a encore supplanté l'influence des sahilas. Ceci est surtout vrai dans la partie sud du Comarca de Kuna Yala. Ils s'opposent en garde-fou contre le progressisme débridé qui tuerait la culture kuna. Chaque village est donc sous l'emprise d'une autorité quasiment incontestée mais pas immuable. Le sahila est élu à vie, mais il peut être révoqué à tout moment par le congresso.

En pénétrant dans la pénombre fraîche du congresso, Dom et moi avons un geste de répulsion. Quatre drapeaux encadrent le centre de l'antre du sahila. D'un côté nous trouvons sur fond jaune et rouge deux bras armés qui s'enlacent. De l'autre côté sur fond rouge et blanc le sigle svastika se détache lugubre et noir. Le regard perdu, je me tourne vers Lino. Il nous dit:
"Je sais à quoi vous pensez. Les étrangers pensent immédiatement au signe de ralliement des nazis." Il nous explique qu'en 1925, les Kunas se sont battus férocement pour acquérir leur autonomie. Lorsque le pays de Panama a été créé en 1903, les dirigeants de l'époque pensaient tout naturellement que tout le pays serait gouverné par une même autorité. C'était sans compter la détermination du peuple kuna. Le 21 février 1925, les Kunas se soulevèrent et firent leur révolution, qu'ils nommèrent "Holocausto de las razas". Ils n'hésitèrent pas à exterminer les militaires qui sévissaient dans leur village ainsi que les enfants de sang mixte. A la suite de cet événement particulièrement sanglant, le peuple Kuna obtint une reconnaissance internationale de son statut autonome. Les Kunas sont les seuls Indiens à être totalement maîtres de leur territoire. Aujourd'hui encore, cet épisode révolutionnaire est salué dans chaque village, par la statue des caciques qui ont âprement défendu la cause kuna. Le peuple revendique sa solidarité par ces deux drapeaux caractéristiques qui nous choquent en tant qu'Occidentaux.

Lino nous guide à l'intérieur du congresso et nous place face à deux hamacs d'où dépassent deux têtes d'hommes malingres et minuscules. Ils sont âgés comme s'ils avaient vu la naissance du monde. Les regards torves nous toisent, Lino, leur parle. Je me demande comment il peut comprendre ce qu'ils disent. Mais Lino nous précise qu'il est le fils du chef d'Anachukuna, nous bénéficions donc de son expérience d'interprète, quelle chance! Mais, les sahilas, ne nous adressent pas une seule salutation. Ils s'enquièrent simplement de notre situation :
"Ont-ils payé l'impôt ?" Lino avait oublié. Nous ne pouvons pas leur adresser le moindre mot tant que nous n'aurons pas acquitté la taxe.

Ce que nous prenons pour une véritable obsession s'applique à tout étranger qui pénètre dans une communauté kuna. L'impôt représente une contribution au fonctionnement du village. Il est aussi le passage obligé pour être admis parmi les Kunas. Attention, payer l'impôt kuna n'est pas une manière de monnayer leurs sourires. C'est tout simplement se plier à une coutume ancestrale. Depuis la nuit des temps, tout Kuna qui désirait rendre visite à un village voisin apportait un sac de cocos qu'il offrait au sahila qui l'accueillait. Avec le temps, il a été plus facile d'emporter un petit porte-monnaie de dollars qu'un lourd sac de cocos et le billet vert s'est tout naturellement imposé. Elargissant, leurs règles aux étrangers, les Kunas ont coutume de demander un "impuesto". Ces sommes ajoutées aux impôts locaux dus par les Kunas, permettent de gérer les conduites d'eau douce, la construction du congresso, le salaitre du Sahila, l'entretion d'un quai, etc. A y réfléchir, ils ne fonctionnent pas vraiment autrement que nos sociétés occidentales.

Je vous avouerais que je trouve le mot "impuesto" très mal choisi. On nous parlerait de "contribution sociale kuna" et nous serions déjà plus enclins à verser notre obole à la cause. A vrai dire, pour s'ouvrir aux coutumes des Kunas, il faut ranger sa susceptibilité fiscale au placard. Sans la rencontre avec Lino, nous serions restés sur une très mauvaise impression. Grâce à lui, nous avons changé notre angle de vue, nous avons élargi le cercle de notre tolérance, nantis de ces nouveaux sentiments nous sommes donc prêts à poursuivre notre voyage en pays kuna.

A suivre donc, pour un prochain épisode...

Amitiés marines
Nat et Dom de L'Étoile de Lune


Les solutions anti cafards

A la demande d'un de nos fidèles lecteurs, nous traitons dans ce mail-ci un sujet qui fâcherait tout le monde. Les cafards à bord ... En voici des clandestins indésirables !

Pour ceux qui en auraient déjà à bord, j'aurais envie de leur dire :
"Trop tard, dommage, car le travail se fait en amont". Il est relativement plus facile de ne pas en faire monter à bord que de s'en débarrasser. Donc pour ceux qui rentreraient dans un bateau "propre" voici comment ne pas embarquer de cafards :

- En préventif, depuis le début du voyage j'ai disposé partout dans le bateau des pièges à cafards. (Boîtes avec collants qui les capturent) Si ceux-ci ne sont pas très efficaces quand on est envahi, ils sont là pour témoigner de leur présence ou de leur absence. En cas où vous en attraperiez ne fut-ce qu'un seul, passez à l'offensive avec le produit dont je vous parle en fin de rubrique.
- N'embarquez jamais de cartons à bord. Lors des livraisons de super marché, laissez les cartons dans l'annexe que vous reconduirez immédiatement à terre.
-Toujours en préventif, je passe un chiffon imbibé de produit spécial cafard (tue les oeufs) fabriqué par RAID, partout sur le sol du bateau, en prenant soin de mettre du produit tout spécialement au pied des cloisons.
-Au port, vous aurez de grandes difficultés à ne pas les faire monter via les amarres. En général, je place du produit répulsif et tueur d'oeufs aux entrées du bateau, sur les amarres et bouches à air. Veillez quand il pleut à en remettre. Sinon, pour les longs stockages à terre ou à l'eau, utilisez le produit Goliath dont je vous parle ci-dessous en préventif.
- Lors de l'avitaillement, lavez tous les fruits que vous montez à bord. Ne gardez jamais la tête feuillue des ananas. Trempez les régimes de bananes dans l'eau de mer.
- Lorsque vous achetez des produits conditionnés en papier ou en cartons, jetez l'emballage. Par exemple, tout ce qui est farine, purée lyophilisée, semoule... Vous les conditionnerez en bidons plastiques étanches. Il en va de même pour les conditionnements de produits tels que dentifrices, lessives...
- Attention également aux cartons d'oeufs, ne les gardez pas à bord. Débrouillez vous pour avoir des boîtes en plastique dans lesquels vous garderez vos oeufs.
- Ne gardez pas les sacs à pain des boulangeries, ni les cartons de gâteaux.
- Ne montez jamais à bord avec les chaussures que vous avez utilisées à terre. Rincez-les avant de les ranger. Et trouver un emplacement extérieur (coffre de pont...)
- Pour ceux qui aiment à faire pousser des plantes à bord, la terre que vous utililiserez sera sans doute porteuse d'oeufs. C'est vous qui voyez...
- Les journaux quotidiens achetés en librairie sont également suspects, ne les gardez pas à bord.
- Lors de prêts de livres de bateau à bateau, ceux-ci peuvent être porteurs d'oeufs. Nous avons choisi de mettre tout livre échangé ou toute revue achetée en quarantaine. Je les mets immédiatement en sac étanche genre Ziploc. En général j'y ajoute un coton imprégné d'une goutte d'huile essentielle d'ail (ça sent pas bon, mais c'est la plus efficace pour chasser les germes et les bêtes de quel qu'acabit que ce soit). Pour faire passer l'ail, rajoutez d'autres essences, telles que romarin, eucalyptus... Ca ne fera pas passer l'odeur, mais vous serez assuré de ne pas embarquer de clandestin. J'évite d'y mettre des produits chimiques du fait qu'en tournant les pages on peut ingérer le produit.

Pour ceux qui seraient déjà envahis par ces vilaines bêtes.

Une solution radicale est d'aller hiverner dans les glaces de l'Antarctique. Mais pour ceux, qui comme leurs clandestins aiment la chaleur et l'humidité, le seul produit qui vous en débarrassera, est un produit conçu pour les professionnels. Il est disponible sous forme de seringue. Le produit est très puissant, vous mettez UNE goutte, PAS PLUS, dans une coupelle. Vous répartirez 3 ou 4 coupelles dans plusieurs endroits du bateau. Vous en serez débarrassé au bout de quelques jours. Après leur extermination, il ne vous restera plus qu'à récupérer les cadavres qui s'éparpilleront dans les fonds et derrière les vaigrages. Ensuite, vous appliquerez les actions préventives mentionnées ci-dessus.

Nom du produit : GOLIATHGEL
Fabriqué par BASF
Renseignez-vous à cette adresse pour trouver des points de vente
21 chemin de la sauvegarde 69134 ECULLY cedex
04 72 32 45 45

Pour ceux qui sont dans l'Arc Antillais, le petit commerce nommé Bischik qui se situe dans la zone de carénage du Marin en Martinique vend ce produit. Attention, il le vend cher : 75 euros la seringue. Par contre une seringue fera sans doute la vie entière du bateau.

Vous pouvez également trouver le produit dans la zone industrielle en face de la Galéria. Mais alors, j'ai complètement oublié le nom du magasin (!) Et pourtant, le produit est quasiment vendu la moitié du prix. Pour ceux qui apprécient les jeux de piste, ils peuvent toujours rechercher ce magasin et nous transmettre le nom et l'adresse, vous aurez gagné toute notre reconnaissance.

Bon courage


Vos réactions à notre mail 70

L'hôtel de Punta Faro sur l'archipel de San Bernardo: Mail de la direction

"Hola Nat y Dom,
Je vous félicite pour les commentaires tellement intéressants sur votre séjour en Colombie mais l'information sur nos tarifs n'est pas tout à fait exacte ; nos tarifs sont toujours pour 2 personnes pension complète, c.a.d. les 3 repas inclus.
Nos prix ne sont pas exagérés. Dans le cas de la chambre avec vue sur la mer, cela coute 170 euros par jour et par personne, avec les 3 repas. Nous avons des chambres à partir de 70 euros par jour, pension complète.
Regardez un peu les prix du marché et vous vous rendrez compte que nos prix sont plus que justes. Le fait de dire que le prix de la nuit est celui de plusieurs mois de salaires de nos employés laisse penser que nous sommes prohibitifs.

Amitiés,
P. R.
Punta Faro
"

Cette précision méritait de faire partie de ce mail. Cela dit, si 70 euros représentent un budget tout à fait raisonnable pour un Occidental qui veut s'offrir un endroit de rêve pour ses vacances. Cette même somme représente beaucoup d'argent pour les habitants de Islote ou de Fuerte.

Nous tenons à préciser à nos lecteurs, que nous ne sommes pas associés à la direction de l'hôtel de San Bernardo. Tout ce que nous faisons dans le cadre de la lettre de L'Etoile de lune ou du site Internet est fait bénévolement, sans aucun appui financier de quelque nature que ce soit.


La photo du mois

Noël en mars chez les Kunas !


Texte écrit par Nathalie Cathala et mis en page par Dominique Cathala en mars 2008 - Tous droits réservés
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