Aujourd'hui, 8 février 2006 - Mail 45
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Zone de navigation : les Grenadines

« Le cœur Grenadine »

"Vous c'est l’eau c'est l’eau qui vous sépare et vous laisse à part." Voulzy


Depuis plus d’un mois nous profitons de la débauche de couleurs qu’offre les eaux translucides des Grenadines. Chaque jour nous y butinons les bonheurs que nous sommes venus chercher dans ce tour de la planète. De tels atouts ne peuvent évidemment laisser indifférente l’industrie du loisir. Toutes ces îles sont pratiquées à haute dose par les bateaux de croisières de toutes les tailles. Par conséquent, les mouillages sont souvent encombrés. Pourtant, même le tourisme effréné ne dément pas la beauté de l’archipel. Il existe même, pour les navigateurs patients, des mouillages tranquilles au cœur même des Grenadines...


Bonjour à tous,

Comment raconter une croisière dans les Grenadines ? Une poignée d’îles et d’îlots déserts si proches qu’ils se ressemblent tous, l’eau est transparente partout, les petits poissons s’y ébattent et tournent autour de langoustes qui aiguisent l’appétit des plongeurs, les alizés soufflent, le soleil brille sur des plages blanches que dire de plus ? Hum, hum… ma plume trépigne d’impatience, et ne veut pas croire que ce mois-ci, elle sera bridée et ne pourra pas partager avec vous tant de splendeurs !

Ce n’est pas la première fois que nous croisons dans les eaux des Grenadines. Il y a une quinzaine d’années nous avions loué un catamaran avec des amis, c’était pour tous une première expérience de la navigation en eaux tropicales. Notre arrivée aux Tobagos Cays me laissa un souvenir si vif, que je n’aspirais plus qu’à une chose : y retourner !

Nous laissons donc derrière nous la baie tranquille et très rasta de Tyrel au Sud de Carriacou, et remontons le long de l’île. Au passage, Sandy Island nous sourit, le temps est calme et le mouillage, peu abrité par alizés soutenus, est dès lors possible. Nous jetons l’ancre. Mon Capitaine est déçu, lors de notre première venue, l’île était un charmant banc de sable qu’agrémentaient des bosquets épais de raisiniers et de cocotiers. Il faisait bon se balader sur ce tout petit îlot, à l’ombre d’une végétation splendide. Elle était d’ailleurs très photogénique, et c’était un régal de capter l’ombre des palmes pour souligner les couleurs du lagon qui pourléchaient le sable blanc. Aujourd’hui, après le passage d’Ivan et d’Emily, les deux vilains ouragans qui sont passés dans la région en moins d’un an, le banc de sable est toujours là. Mais les jolis bosquets ont été soufflés par les vents. Les récifs qui encerclaient l’île ont été saccagés par la houle cyclonique. Le corail arraché au récif forme des amas qui dessinent des petites piscines naturelles. Elles se transforment en jacuzzis quand le temps se lève. Les riverains tentent de redonner vie à Sandy Island dont la splendeur n’existe plus qu’en cartes postales. Ils ont planté sur l’îlot désert des jeunes pousses de cocotiers, protégées de la brise alizéenne par des murets de corail. Le temps fera le reste, et d’ici quelques années, Sandy Island renaîtra de ses cendres… En attendant, il vaut mieux porter son regard jusqu’à Mabouya Island à une encablure du mouillage. Cet îlot désert a miraculeusement gardé ses apanages tropicaux qui soulignent si merveilleusement les teintes des couchers de soleil sous les alizés.

Poursuivant notre route vers le Nord-Est nous nous dirigeons au près serré vers les Tobagos Cays. Les alizés sont en pleine forme et oscillent en permanence entre 20 et 30 nœuds en ce début de saison, une mer hachée lève des embruns « rafraîchissants ». L’Etoile de Lune suit sa route scrupuleusement, car les écueils sont nombreux dans cette zone. Les « pâtés de coraux » sont légions et attendent tapis à fleur d’eau qu’un distrait vienne s’y échouer. Seule la défaillance (technique ou étourderie) peut conduire à la catastrophe, car aujourd’hui, les cartographies sont si bien faites qu’une navigation attentive permet de naviguer sans encombre dans les parages.

Les îlots qui composent les Tobagos Cays sont Du Nord au Sud : Petit Rameau, Petit Bateau, Baradal et Jamesby. Nous nous faufilons entre Jamesby et Petit Bateau… Et… cette fois, c’est moi qui suis déçue. Comment est-ce possible ? Mais quelqu’un a passé ce lagon à la lessive… des enzymes agressives !!! Qui a osé ??? Il a rétréci ! Mes souvenirs me jouent des tours, et je voyais ce lagon beaucoup plus grand qu’il n’est en réalité. L’affluence est une cause certaine à cette impression… Il y a tant de bateaux aux Tobagos Cays, qu’il est difficile de retrouver ses proportions du temps où l’industrie du charter n’était pas si florissante. Peu importe, les couleurs de l’eau sont toujours aussi magiques. Chaque matin c’est une orgie de teintes ! Le soleil se lève là-bas tout au bout sur l’horizon de l’Atlantique et entraîne dans sa trajectoire les nuages et les reflets de la mer. La barrière de corail en forme de fer à cheval tisse un écrin cristallin. L’écume roule infatigable sur le récif et sépare deux mondes. L’un outre-mer, d’un bleu profond, si impénétrable qu’il semble engloutir à jamais les fascinassions océanes. L’autre monde est plus étincelant, plus versatile, il change de parure au gré de la course du soleil. L’eau devient progressivement turquoise puis vire à l’émeraude. Elle se joue de l’éclat du ciel et de la nature des fonds jusqu’au crépuscule. Là, les nuages prennent le relais et traduisent toutes les splendeurs du firmament.

Au bout de quelques jours nous décidons de partir pour Mayereau, la baie de Salt Whistle nous laissait, elle aussi, un souvenir impérissable. Une plage de sable immaculé de la consistance de la farine où s’ébat une cocoteraie dont les palmes batifolent avec la lumière du soleil et des couleurs du lagon. Tout est là, intacte, les palmes luisantes des cocotiers, la couleur de l’eau, la luminosité incomparable qui n’attend plus que l’objectif de l’appareil pour immortaliser le sublime… Sauf que, 10 catamarans de location de plus de 45 pieds occupent le mouillage au demeurant petit… Les autres bateaux se sont faufilés tant bien que mal et ils ont mouillé l’ancre en dépit de toute règle d’évitage au milieu de la flotte des charters. En tout nous comptons 27 bateaux ! Nous rebroussons chemin et pensons tenter notre chance à Saline Bay, beaucoup plus vaste, elle ne devrait pas poser de problèmes d’ancrage… Sauf que, un paquebot immense déverse sans cesse ses occupants sur la plage, le ballet d’annexes rend le mouillage invivable.

Ne nous décourageons pas ! Nous ne cèderons pas à la mauvaise humeur ambiante des « Tourdumondistes » qui finissent par dédaigner les Grenadines…

Malgré ces trois rendez-vous manqués avec les endroits les plus mythiques des Grenadines, nous décidons de changer de tactique et de privilégier le hors-piste ! Une petite étude des cartes marines, nous permet d’espérer des mouillages encore paisibles.

Nous commençons par Chattam Bay, sous le vent d’Union. Dans la partie Nord-Est de l’anse, un petit renfoncement permet de loger à l’abri des rafales qui sévissent là, même par temps calme. Une colonie de pélicans y vit en harmonie avec des fous bruns. Quel régal de les voir plonger dans les bancs de petits poissons ! C’est un endroit calme, où il n’y à rien d’autre à faire que de profiter de la nature environnante. La civilisation n’est pas arrivée jusqu’ici. Quelques cabanes de pêcheurs sont bâties sur la plage. Un petit restaurant créé par James : le Shark Attack Restaurant, se résume à quelques planches qui imitent des bancs et une table. James était déjà là il y a une dizaine d’année. Rien n’a changé, il propose toujours de la langouste ou du poisson. Il est très cool, ses copains aussi ! James sculpte le bois qu’il trouve sur la plage. Aujourd’hui, un pélican jaillit de son travail d’artiste… Il fait bon vivre dans cette baie encerclée de collines où la végétation n’est fréquentée que par des oiseaux troubadours et des iguanes qui musardent sur les branches des frangipaniers à l’heure de la sieste.

A deux milles de Chattam Bay, Union offre un autre mouillage peu fréquenté : Fregate Island. Un investisseur fou a eu l’ambition un jour d’y bâtir les fondations d’une marina. Il avait oublié un léger détail : les bateaux ont besoin d’eau sous la coque pour pouvoir évoluer… Hors, les quais ont été construit au milieu d’un récif corallien. Inutile d’ajouter que par manque d’eau le projet à coulé… Aujourd’hui quelques pélicans ont élu domicile sur les quais abandonnés à la rouille. Le récif s’est emparé de cet embryon d’édifice et les couleurs du lagon s’ébattent sur le plan d’eau au pied d’une colline en forme de pain de sucre qui abrite le mouillage de la houle. Disposées en arc de cercle autour du mouillage, les collines partent vers le ciel en pics acérés et font plus penser à une île du Pacifique qu’aux îles antillaises. Nous restons plusieurs jours au mouillage, seul bateau au pied de Frégate Island. Les pêcheurs passent nous voir le matin en barque, et ils nous proposent du poisson frais. Ils nous invitent amicalement à musarder dans leur ville de Ashton. Au fond de la baie, ce gros village créole s’épanouit au rythme des nouveaux arrivants. Elle offre une vie sereine à ses habitants. De la musique sort en trombe d’une fenêtre, en face, des personnes âgées assises à l’ombre d’un raisinier discutent et rient. Un chien trottine, il semble lui aussi inspiré par les airs rastas… Il n’y a rien à faire à Ashton. Rien qu’à se balader, sur une route découpée en croissant de lune autour du lagon. Rien d’autre à faire, qu’à s’éblouir des heures durant des eaux enchanteresses des Grenadines, qui voient passer les plus beaux bateaux du monde.

A quelques milles de Frégate Island, nous mouillons l’ancre dans le chenal qui sépare Petite Martinique de Petit Saint Vincent (PSV). Celle-ci est entièrement consacrée aux désirs de robinsonades de riches estivants accueillis dans un hôtel constitué de cottages perdus dans une cocoteraie cernée par une plage de sable étincelant. Le pourtour de l’île est magnifié par des eaux translucides. Lorsqu’on plonge avec masque et tuba, l’eau est si claire qu’elle paraît ne pas exister. A une encablure de PSV, Petite Martinique semble anachronique dans ce monde touristique. Une petite île, plantée comme une miniature de la Montagne Pelée au milieu l’eau, vit sa vie… Des pêcheurs, des charpentiers de marine, un chantier nautique improvisé pour l’éternité sur la plage. Une île dressée comme un village autour de sa colline unique, des rues si pentues qu’il faut tirer des bords à pied pour les grimper. Au bout de la route, une cabane surannée, dont nous imaginons la vue panoramique depuis les fenêtres : PSV, Union, les Tobagos Cays, les teintes cobalt, émeraude et turquoise des lagons qui s’arrêtent net là où la barrière de corail fait frémir l’Océan. Au-delà de cette frontière, l’Atlantique court jusqu’à l’horizon. Nous nous arrêtons rêveurs…

Une grand-mère créole sort de la cabane et répond à mon sourire, dans son « parlé » anglais-créole édenté, elle vient nous saluer. Elle nous demande d’où nous venons, si c’est la première fois que nous visitons son île. Lorsque nous lui disons que nous avons traversé l’Océan pour venir à la rencontre des merveilles de la mer des Caraïbes, elle nous répond par une expression satisfaite et enjouée. Elle nous demande si nous aimons son île. Bien sûr, son île est belle, et d’ajouter que de sa fenêtre elle a sans doute l’un des plus beaux panoramas du monde ! Elle fait une pose, et la fierté se lit dans ses yeux. Rencontre furtive, et émouvante. Nous nous quittons et elle nous fait promettre de revenir souvent voir son île…

Amitiés marines
L’Etoile de Lune

Les articles sur les Grenadines sont prêts, n’hésitez pas à les consulter. Les photos mises en page par le Capitaine et les textes écrits par Nat vous attendent.

Erratum
Nous vous indiquions dans le précédent mail que la revue Loisirs Nautiques de janvier éditait un article de L’Etoile de Lune sur les Testigos. Cet article est paru dans le numéro 410 du mois de février 2006.

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