"Vous c'est
l’eau c'est l’eau qui vous sépare et vous
laisse à part." Voulzy
Depuis plus d’un mois
nous profitons de la débauche de couleurs qu’offre
les eaux translucides des Grenadines. Chaque jour nous y butinons
les bonheurs que nous sommes venus chercher dans ce tour de
la planète. De tels atouts ne peuvent évidemment
laisser indifférente l’industrie du loisir. Toutes
ces îles sont pratiquées à haute dose
par les bateaux de croisières de toutes les tailles.
Par conséquent, les mouillages sont souvent encombrés.
Pourtant, même le tourisme effréné ne
dément pas la beauté de l’archipel. Il
existe même, pour les navigateurs patients, des mouillages
tranquilles au cœur même des Grenadines...
Bonjour à tous,
Comment raconter une croisière
dans les Grenadines ? Une poignée d’îles
et d’îlots déserts si proches qu’ils
se ressemblent tous, l’eau est transparente partout,
les petits poissons s’y ébattent et tournent
autour de langoustes qui aiguisent l’appétit
des plongeurs, les alizés soufflent, le soleil brille
sur des plages blanches que dire de plus ? Hum, hum…
ma plume trépigne d’impatience, et ne veut pas
croire que ce mois-ci, elle sera bridée et ne pourra
pas partager avec vous tant de splendeurs !
Ce n’est pas la première fois que nous croisons
dans les eaux des Grenadines. Il y a une quinzaine d’années
nous avions loué un catamaran avec des amis, c’était
pour tous une première expérience de la navigation
en eaux tropicales. Notre arrivée aux Tobagos Cays
me laissa un souvenir si vif, que je n’aspirais plus
qu’à une chose : y retourner !
Nous laissons donc derrière
nous la baie tranquille et très rasta de Tyrel au Sud
de Carriacou, et remontons le long de l’île. Au
passage, Sandy Island nous sourit, le temps est calme et le
mouillage, peu abrité par alizés soutenus, est
dès lors possible. Nous jetons l’ancre. Mon Capitaine
est déçu, lors de notre première venue,
l’île était un charmant banc de sable qu’agrémentaient
des bosquets épais de raisiniers et de cocotiers. Il
faisait bon se balader sur ce tout petit îlot, à
l’ombre d’une végétation splendide.
Elle
était d’ailleurs très photogénique,
et c’était un régal de capter l’ombre
des palmes pour souligner les couleurs du lagon qui pourléchaient
le sable blanc. Aujourd’hui, après le passage
d’Ivan et d’Emily, les deux vilains ouragans qui
sont passés dans la région en moins d’un
an, le banc de sable est toujours là. Mais les jolis
bosquets ont été soufflés par les vents.
Les récifs qui encerclaient l’île ont été
saccagés par la houle cyclonique. Le corail arraché
au récif forme des amas qui dessinent des petites piscines
naturelles. Elles se transforment en jacuzzis quand le temps
se lève. Les riverains tentent de redonner vie à
Sandy Island dont la splendeur n’existe plus qu’en
cartes postales. Ils ont planté sur l’îlot
désert des jeunes pousses de cocotiers, protégées
de la brise alizéenne par des murets de corail. Le
temps fera le reste, et d’ici quelques années,
Sandy Island renaîtra de ses cendres… En attendant,
il vaut mieux porter son regard jusqu’à Mabouya
Island à une encablure du mouillage. Cet îlot
désert a miraculeusement gardé ses apanages
tropicaux qui soulignent si merveilleusement les teintes des
couchers de soleil sous les alizés.
Poursuivant notre route vers le Nord-Est
nous nous dirigeons au près serré vers les Tobagos
Cays. Les alizés sont en pleine forme et oscillent
en permanence entre 20 et 30 nœuds en ce début
de saison, une mer hachée lève des embruns « rafraîchissants ».
L’Etoile de Lune suit sa route scrupuleusement, car
les écueils sont nombreux dans cette zone. Les « pâtés
de coraux » sont légions et attendent tapis
à fleur d’eau qu’un distrait vienne s’y
échouer. Seule la défaillance (technique ou
étourderie) peut conduire à la catastrophe,
car aujourd’hui, les cartographies sont si bien faites
qu’une navigation attentive permet de naviguer sans
encombre dans les parages.
Les
îlots qui composent les Tobagos Cays sont Du Nord au
Sud : Petit Rameau, Petit Bateau, Baradal et Jamesby.
Nous nous faufilons entre Jamesby et Petit Bateau… Et…
cette fois, c’est moi qui suis déçue.
Comment est-ce possible ? Mais quelqu’un a passé
ce lagon à la lessive… des enzymes agressives !!!
Qui a osé ??? Il a rétréci !
Mes souvenirs me jouent des tours, et je voyais ce lagon beaucoup
plus grand qu’il n’est en réalité.
L’affluence est une cause certaine à cette impression…
Il y a tant de bateaux aux Tobagos Cays, qu’il est difficile
de retrouver ses proportions du temps où l’industrie
du charter n’était pas si florissante. Peu importe,
les couleurs de l’eau sont toujours aussi magiques.
Chaque matin c’est une orgie de teintes ! Le soleil
se lève là-bas tout au bout sur l’horizon
de l’Atlantique et entraîne dans sa trajectoire
les nuages et les reflets de la mer. La barrière de
corail en forme de fer à cheval tisse un écrin
cristallin. L’écume roule infatigable sur le
récif et sépare deux mondes. L’un outre-mer,
d’un bleu profond, si impénétrable qu’il
semble engloutir à jamais les fascinassions océanes.
L’autre monde est plus étincelant, plus versatile,
il change de parure au gré de la course du soleil.
L’eau devient progressivement turquoise puis vire à
l’émeraude. Elle se joue de l’éclat
du ciel et de la nature des fonds jusqu’au crépuscule.
Là, les nuages prennent le relais et traduisent toutes
les splendeurs du firmament.
Au bout de quelques jours nous décidons de partir pour
Mayereau, la baie de Salt Whistle nous laissait, elle aussi,
un souvenir impérissable. Une plage de sable immaculé
de la consistance de la farine où s’ébat
une cocoteraie dont les palmes batifolent avec la lumière
du soleil et des couleurs du lagon. Tout est là, intacte,
les palmes luisantes des cocotiers, la couleur de l’eau,
la luminosité incomparable qui n’attend plus
que l’objectif de l’appareil pour immortaliser
le sublime… Sauf que, 10 catamarans de location de plus
de 45 pieds occupent le mouillage au demeurant petit…
Les autres bateaux se sont faufilés tant bien que mal
et ils ont mouillé l’ancre en dépit de
toute règle d’évitage au milieu de la
flotte des charters. En tout nous comptons 27 bateaux !
Nous rebroussons chemin et pensons tenter notre chance à
Saline Bay, beaucoup plus vaste, elle ne devrait pas poser
de problèmes d’ancrage… Sauf que, un paquebot
immense déverse sans cesse ses occupants sur la plage,
le ballet d’annexes rend le mouillage invivable.
Ne nous décourageons pas !
Nous ne cèderons pas à la mauvaise humeur ambiante
des « Tourdumondistes » qui finissent
par dédaigner les Grenadines…
Malgré
ces trois rendez-vous manqués avec les endroits les
plus mythiques des Grenadines, nous décidons de changer
de tactique et de privilégier le hors-piste !
Une petite étude des cartes marines, nous permet d’espérer
des mouillages encore paisibles.
Nous
commençons par Chattam Bay, sous le vent d’Union.
Dans la partie Nord-Est de l’anse, un petit renfoncement
permet de loger à l’abri des rafales qui sévissent
là, même par temps calme. Une colonie de pélicans
y vit en harmonie avec des fous bruns. Quel régal de
les voir plonger dans les bancs de petits poissons !
C’est un endroit calme, où il n’y à
rien d’autre à faire que de profiter de la nature
environnante. La civilisation n’est pas arrivée
jusqu’ici. Quelques cabanes de pêcheurs sont bâties
sur la plage. Un petit restaurant créé par James :
le Shark Attack Restaurant, se résume à quelques
planches qui imitent des bancs et une table. James était
déjà là il y a une dizaine d’année.
Rien n’a changé, il propose toujours de la langouste
ou du poisson. Il est très cool, ses copains aussi !
James sculpte le bois qu’il trouve sur la plage. Aujourd’hui,
un pélican jaillit de son travail d’artiste…
Il fait bon vivre dans cette baie encerclée de collines
où la végétation n’est fréquentée
que par des oiseaux troubadours et des iguanes qui musardent
sur les branches des frangipaniers à l’heure
de la sieste.
A deux milles de Chattam Bay, Union
offre un autre mouillage peu fréquenté :
Fregate Island. Un investisseur fou a eu l’ambition
un jour d’y bâtir les fondations d’une marina.
Il avait oublié un léger détail :
les bateaux ont besoin d’eau sous la coque pour pouvoir
évoluer… Hors, les quais ont été
construit au milieu d’un récif corallien. Inutile
d’ajouter que par manque d’eau le projet à
coulé… Aujourd’hui quelques pélicans
ont élu domicile sur les quais abandonnés à
la rouille.
Le
récif s’est emparé de cet embryon d’édifice
et les couleurs du lagon s’ébattent sur le plan
d’eau au pied d’une colline en forme de pain de
sucre qui abrite le mouillage de la houle. Disposées
en arc de cercle autour du mouillage, les collines partent
vers le ciel en pics acérés et font plus penser
à une île du Pacifique qu’aux îles
antillaises. Nous restons plusieurs jours au mouillage, seul
bateau au pied de Frégate Island. Les pêcheurs
passent nous voir le matin en barque, et ils nous proposent
du poisson frais. Ils nous invitent amicalement à musarder
dans leur ville de Ashton. Au fond de la baie, ce gros village
créole s’épanouit au rythme des nouveaux
arrivants. Elle offre une vie sereine à ses habitants.
De la musique sort en trombe d’une fenêtre, en
face, des personnes âgées assises à l’ombre
d’un raisinier discutent et rient. Un chien trottine,
il semble lui aussi inspiré par les airs rastas…
Il n’y a rien à faire à Ashton. Rien qu’à
se balader, sur une route découpée en croissant
de lune autour du lagon. Rien d’autre à faire,
qu’à s’éblouir des heures durant
des eaux enchanteresses des Grenadines, qui voient passer
les plus beaux bateaux du monde.
A quelques milles de Frégate
Island, nous mouillons l’ancre dans le chenal qui sépare
Petite Martinique de Petit Saint Vincent (PSV). Celle-ci est
entièrement consacrée aux désirs de robinsonades
de riches estivants accueillis dans un hôtel constitué
de cottages perdus dans une cocoteraie cernée par une
plage de sable étincelant. Le pourtour de l’île
est magnifié par des eaux translucides. Lorsqu’on
plonge avec masque et tuba, l’eau est si claire qu’elle
paraît ne pas exister. A une encablure de PSV, Petite
Martinique semble anachronique dans ce monde touristique.
Une petite île, plantée comme une miniature de
la Montagne Pelée au milieu l’eau, vit sa vie…
Des pêcheurs, des charpentiers de marine, un chantier
nautique improvisé pour l’éternité
sur la plage. Une île dressée comme un village
autour de sa colline unique, des rues si pentues qu’il
faut tirer des bords à pied pour les grimper. Au bout
de la route, une cabane surannée, dont nous imaginons
la vue panoramique depuis les fenêtres : PSV, Union,
les Tobagos Cays, les teintes cobalt, émeraude et turquoise
des lagons qui s’arrêtent net là où
la barrière de corail fait frémir l’Océan.
Au-delà de cette frontière, l’Atlantique
court jusqu’à l’horizon. Nous nous arrêtons
rêveurs…
Une
grand-mère créole sort de la cabane et répond
à mon sourire, dans son « parlé »
anglais-créole édenté, elle vient nous
saluer. Elle nous demande d’où nous venons, si
c’est la première fois que nous visitons son
île. Lorsque nous lui disons que nous avons traversé
l’Océan pour venir à la rencontre des
merveilles de la mer des Caraïbes, elle nous répond
par une expression satisfaite et enjouée. Elle nous
demande si nous aimons son île. Bien sûr, son
île est belle, et d’ajouter que de sa fenêtre
elle a sans doute l’un des plus beaux panoramas du monde !
Elle fait une pose, et la fierté se lit dans ses yeux.
Rencontre furtive, et émouvante. Nous nous quittons
et elle nous fait promettre de revenir souvent voir son île…
Amitiés marines
L’Etoile de Lune
Les articles sur les Grenadines
sont prêts, n’hésitez pas à les
consulter. Les photos
mises en page par le Capitaine et les textes écrits
par Nat vous attendent.
Erratum
Nous vous indiquions dans le précédent mail
que la revue Loisirs Nautiques de janvier éditait un
article de L’Etoile de Lune sur les Testigos. Cet article
est paru dans le numéro 410 du mois de février
2006.
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