Lettre d'escale 102– écrite en juin 2012
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Récit: VANUATU
Cap à l'ouest vers de nouveaux horizons |
"Ne gâche pas ton temps pour l'impossible, et si tu peux le trouver, tant mieux...
Mais tu verras que tout est résolu lorsque tu te passes des choses superflues."
Le livre de la jungle
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voyage.nat-et-dom.fr/ - Vivez en direct notre quotidien au Vanuatu, pays aux 115 langues et aux 115 coutumes, toutes plus étranges et spectaculaires les unes que les autres.
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Deux albums photos dépaysants L'île de Pentecôte et La cérémonie des 7 pirogues
EN FIN DE MESSAGE :
Les photos du mois : Photo 1 - Signification de Vanuatu et Photo 2 - le repas des guerriers.
Projets à venir pour l'équipage et le bateau : du renouveau dans nos vies.
Résumé
Chaque journée s'ouvre sur de nouvelles découvertes |
Le voyage est une drogue. Il donne envie de voyager plus. Il donne des ailes à notre vision du monde, il nous pousse aux extrémités des carcans de nos pays d'origines. Il offre une prise de conscience sur notre Terre, sur les êtres qui sont partie intégrante du kaléidoscope des sociétés qui la compose. Au Vanuatu, nous tombons dans un autre monde. Nous nous réveillons chaque jour comme s'il était le premier. Nous découvrons un peuple aux pratiques claniques, aux coutumes insolites, aux rites incompréhensibles aux néophytes que nous sommes. Il suffit de pénétrer une île, de vivre quelques jours avec les insulaires pour réveiller une fascination qui frise l'envoûtement. La curiosité s'aiguise à chaque découverte!
Cette escale est un voyage unique vers la quintessence de l'humain.
Bonjour,
Dans l'archipel du Vanuatu |
Je ne vais pas débuter cette lettre par la description traditionnelle de la traversée océanique entre Wallis et Vanuatu. Elle s'est passée comme toutes les précédentes, rien de nouveau au large Pacifique, et je suis impatiente de partager avec vous, nos premières impressions sur le Vanuatu.
C'est, je pense, l'escale la plus étonnante de ce voyage. Etonnante par le choc culturel qu'elle nous apporte. Une leçon de vie de plus, une manière de voir notre monde au-delà de l'imaginable. Parfois, il nous faut tout oublier pour ne pas juger !
Depuis que nous sommes arrivés, le 8 juin, nous avons établi notre « quartier général » à Port Vila. C'est une ville très désordonnée, voire d'une architecture anarchique. En perpétuelle évolution, elle cherche à attirer les capitaux étrangers. Depuis Tahiti, soit le mois d'avril, nous n'avions plus été mêlés à une circulation vrombissante. Nous replongeons dans une ambiance urbaine, mais pas celle que vous imaginez : théâtre, magasins, opulence... Rien de tout cela n'existe vraiment. Quoique... Le bruit des voitures et des marteaux piqueurs est universel dans toutes les villes de notre chère et belle Planète.
Port Vila : capitale du Vanuatu |
Quelle surprise, lors de notre dernière nuit de navigation, de voir cette terre noire, dans l'éclairage glauque d'une lune se débattant dans la zone de convergence. Etrange sensation, presque lugubre que ce rivage sans lumière!
Robes colorées actuelles |
Seules les femmes travaillent au marché. Les hommes travaillent peu, ou seulement lorsque leur force physique est requise. Sinon, les femmes font le reste... Et ce reste, c'est énorme! Je me demande d'ailleurs, mis à part empocher les bénéfices, ce qui peut bien requérir la force si colossale de leurs hommes? Abattent-ils des arbres de fer géants ?... Mais en pleine ville j'émets quelques doutes.
Au marché de Port Vila |
Revenons au marché à l'heure du déjeuner. C'est le moment de trouver sur les étales le « lap lap » et de tuluk. Ce dernier est le sandwich local, qui ressemblerait à une crêpe roulée de pâte épaisse farcie de poisson ou autre. Le lap lap désigne la feuille dans laquelle les Nivans cuisent leurs racines (taro, manioc, fruit de l'arbre à pain, patate douce) et la viande ou le poisson. La feuille sert à tout : de plat de cuisson et d’assiette sur laquelle est disposée une tranche épaisse de manioc. Il a été au préalable râpé et mélangé au lait de coco. Sur ce socle sont disposés des viandes ou des poissons accompagnés de feuilles de bele (une sorte d'épinard du Pacifique). On emballe le tout dans les feuilles de lap lap, on passe au four de pierres brûlantes semi enterrées dans la terre. Ces plats sont servis, sans mouches additionnées, les cuisinières s'employant à ventiler à l'aide d'une branche ou d'une feuille les mets qui sont « offerts » à la consommation.
Cuisine scolaire au feu de bois |
Pardonnez-moi, je suis passée sans transition de Port Vila à Pentecôte, laissez-moi vous emmener dans cette île du Nord de l'archipel.
L'île de Pentecôte luxuriante et montagneuse dessine un long trait horizontal sur l'océan. Une distance de 60 km sépare le Nord du Sud. En approchant de Pentecôte, se dévoile sur l'horizon, une longue suite de crêtes croulant sous la végétation dont le sommet est le mont Vulmat, il culmine à 947m. La côte Est n'est presque pas habitée, sauf à l'extrême sud et nord où des villages sont installés. A l'est le climat très humide a fait fuir la population qui a préféré s'installer sur la côte ouest, plus tempérée. Du Nord au Sud, les villages se succèdent le long d'une route de terre battue. Celle-ci traverse un nombre incalculable de rivières qui se jettent dans l'océan. L'île n'a pas les moyens de construire des ponts, elle compte de rares 4*4 qui traversent à gué les rivières, mais la plupart du temps, les distances se parcourent à pied. Peu de villages sont établis dans la montagne, ceux-ci, difficiles d'accès, voient très peu le monde extérieur et vivent en parfaite harmonie avec la nature. Sur les rivages, le confort moderne se limite aux téléphones portables (ils sont vraiment partout!). Les villages sont séparés par les rivières. Elles jouent le rôle fondamental de « cadastre » et découpent les vallées, les territoires de telle entité à ne pas confondre avec telle autre!
Maison de village typique du Vanuatu |
Il règne comme une méconnaissance de son voisin. Chacun s'occupe de son coin, de son jardin, de son clan, et ne sait rien, ou dit ne rien savoir, de ce qu'il se passe de l'autre côté de la rivière.
Ici les mots les plus importuns sont certainement « attention », « envie de découverte », « soif de connaître l'autre ». Ceci est davantage dû au particularisme linguistique et au vécu historique qu'à un éventuel comportement d'indifférence. D'un point de vue historique, les clans ont perpétré des guerres séculaires (les premiers colons s'installèrent il y a 3500 ans). Ces guerres s'achevaient inévitablement par des épisodes cannibales. Toute personne non autorisée qui franchissait les limites de son territoire était susceptible d'être dévorée par le clan voisin. Il y a de quoi inscrire dans ses gènes une méfiance légitime!
C'est l'heure du diner... |
Le Vanuatu compte plus de 115 langues vernaculaires qu les pays colonisateurs ont enrichi de l'anglais et du français à partir de 1905. Mais aucune des deux n'est parvenue à détrôner les dialectes locaux. La langue la plus parlée à Pentecôte est le raga, mais il existe 4 autres langues : sa, seke, sowa, apma. Ces langues si différentes les unes des autres empêchaient, les communautés de vraiment communiquer. Avec la colonisation, est née une langue commune à toutes les îles des Vanuatu. Cette langue est le bislama, un dérivé du pidgin adapté à l'archipel. L'apprentissage d'une langue commune a ouvert l'espace clanique, mais ce n'est encore, dans bien des vallées, qu'un entrebâillement. Et si chaque clan est polyglotte , il reste centré sur lui-même. Cette polarisation est favorisée par les hommes d'Église. Vu qu'un village sur deux est catholique francophone ou protestant anglophone, les prêtres et missionnaires n'encouragent pas leurs ouailles à s'épanouir de l'autre côté de la rivière!
115 langues sont encore pratiquées |
En nous baladant sur l'île de Pentecôte, nous devons faire l'effort de nous rappeler que nous sommes au 21e siècle. Parfois une sonnerie de téléphone portable nous y aide. Cependant, nous nous demandons comment, ils se rechargent. Il n'y a pas ici d'électricité publique pour relier les maisons entre elles. La télévision n'a pas encore fait de ravage. D'après certains témoignages évasifs, seules une famille, voire peut-être deux la possèderaient sur l'île. Cependant on ne voit pas bien comment elle serait alimentée. Pour la recharge des téléphones, quelques foyers disposent de mini-panneaux solaires. Par contre, l'eau courante existe partout. Non par des canalisations publiques, mais bien par le moyen le plus naturel qui soit : la rivière et les pluies qui sont sur les Vanuatu prolixes. J'ai surnommé l'archipel, le pays du long nuage gris foncé!
Si le ciel est gris en quasi permanence, il favorise des prodiges de la nature. Au sein d'une végétation extraordinaire, des cascades généreuses d'eau fraîches offrent un bain revigorant et un panorama sublime. Il y a bien longtemps que nous n'avions vu de si belles cascades... Et moi j'en suis fan !
Elevage en pleine nature |
Tous les insulaires vivent au plus près de la nature. Ils croient encore aux esprits. Ils aiment gagner leurs faveurs pour que la récolte soit bonne, que leur femme soit féconde... Les rites animistes des Vanuatu s'étirent sur une longue, très longue liste. Il existerait autant de communautés que de langues et chaque communauté entretient soigneusement ses propres coutumes nanties de nombreux rites. L'un des plus spectaculaires d'entre eux a lieu sur l'île de Pentecôte, c'est le Naghol.
Saut traditionnel du Naghol |
De nos jours, en avril, mai, au moment où les lianes de la jungle ont atteint leur maximum de maturité, les hommes de Pentecôte se jettent du haut d'une tour étayée de lianes et construite autour d'un arbre. Le sommet de la tour peut dépasser 20 mètres et atteindre jusqu'à 35 mètres. Les hommes des différents clans du sud de l'île de Pentecôte perpétuent la mémoire de Tamalie trompé par sa femme. Ils le vengent en quelque sorte, car ils sont les seuls à pouvoir accéder aux tours et à s'adonner à ce « sport » particulièrement dangereux. Les femmes sont reléguées à l'arrière-plan. Elles dansent, pagne sur les hanches, torse nu en sifflant et en haranguant les jeunes hommes qui se soumettent à la tradition du Naghol.
Plonger de 26m attaché à une liane! |
Je vous assure que lorsque vous êtes sous la tour, vous crissez des dents en entendant le « boung » sur la « terre amollie ». Dom est monté en haut de la tour, « pour voir ». Il a non seulement remarqué que la structure était extrêmement fragile, mais à cette hauteur, il faut plus que du cran pour s'élancer! La consommation de kava ne permet pas la totale amnésie de la peur. Ceci explique sans doute, les « joints » qui se passaient de bouche en bouche juste avant les sauts (!)
Saut à la conclusion parfois tragique |
Je sens la question vous brûler les lèvres : « est-ce une attraction purement touristique? »
Non, ces sauts auront lieu, qu'il y ait des touristes ou non. Les enfants circoncis sont envoyés dans les étages inférieurs afin de prouver leur bravoure. Celui qui ne saute pas n'aura pas accès aux mêmes droits que ceux qui ont sauté. Il ne pourra par exemple pas se marier, et la femme aux Vanuatu est considérée comme une possession, une marque de richesse, tout comme le cochon d'ailleurs. Un homme prospère a une femme (voire plusieurs) et des cochons.
Traditions de l'île Pentecôte |
Vous avez bien lu... l'argent va également à l'église, pour reconstruire son toit, ou agrandir ses murs. Malgré les coutumes animistes, les croyances aux esprits, la consommation de kava, de marijuana et des pratiques encore récentes de cannibalisme, les insulaires sont pour la plupart de fervents catholiques ou protestants. Ils sont parvenus à insérer dans leur quotidien, une religion, alors qu'ils ne se sont pas laissés faire par les prêtres et missionnaires qui ont tout tenté pour qu'ils abandonnent leurs rites et coutumes aux antipodes des préceptes de la bible...
Les hommes de la chrétienté sont pour la plupart des locaux, ils sont les gardiens de l'éducation et favorisent la scolarisation.
Enfants souriants du village |
Vanuatu signifie en langue locale « la Terre qui se relèvera toujours ». Cet archipel a tout connu : la colonisation, les déportations « d'esclaves » vers l'Australie ou la Nouvelle Calédonie, les séismes, les tsunamis, les éruptions volcaniques et les cyclones, et chaque fois, il se relève. Ce pays « tient debout », parce que sa population a compris que la Terre était le plus précieux des biens, celui qu'il convient chaque jour de respecter.
A plus, pour découvrir d'autres horizons
Nat et Dom
Nous mettons le bateau en vente.
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Mais en attendant de trouver ceux qui largueront les amarres avec la belle coque jaune, nous poursuivons notre chemin ensemble, entre Vanuatu et plus tard, la Nouvelle-Calédonie.
Pour les habitués du site internet de L'Etoile de Lune, celui-ci restera ouvert, et vous aurez accès à toutes les données offertes aux navigateurs sur Internet durant toutes ces années. Nous poursuivrons notre partage via nos lettres périodiques, toujours sous le label « Etoile de Lune », car plus que le nom d'un bateau, c'est l'incarnation de notre chienne qui nous suit et nous protège.
Vanuatu signifie « le pays qui se tient debout » ou « qui se relèvera toujours ». Les hommes de Pentecôte qui exécutent le saut de Gaul, sont l'un des symboles les plus forts de l'archipel. Ils se relèvent... presque toujours de l'un des rites les plus dangereux qui soit.
Le repas des guerriers