Lorsque je vivais en Bourgogne,
la mer me manquait tellement que j’imaginais un réchauffement
de la Terre qui amènerait miraculeusement l’Océan
aux pieds de la colline sur laquelle ma maison était plantée.
Une voisine me conseilla de voir dans les monts et les vallons de notre
région, la houle longue et ondulante de l’Atlantique. Jamais,
je n’y suis arrivée. Trop de vert ! Pas assez de bleu ! Alors,
la tête dans les étoiles… de mer (bien sûr !)
Je me trouvai une occupation dévorante : j’entrepris de relooker
mon environnement, d’y ajouter de la couleur, une certaine chaleur
visuelle. En bref, j’aurais construit un jardin tropical, si j’avais
pu. Je commençai à planter une bonne centaine de rosiers.
Une mise en jambe ! Puis, il me fallut construire une rocaille où
campanules, corbeilles d’or, saxifragacées en tout genre
trouvèrent leur place. En suite, l’aspect strict de quelques
cinq malheureux althéas plantés en ligne me dérangea.
Qu’à
cela ne tienne, je les noyai bien vite dans une végétation
exubérante, sertie d’une bordure de pierres tout en rondeur.
Plus tard, je trouvai une merveille : une ruine qui recelait de véritables
trésors. J’y ai démonté des restes de murs
et une petite colonne de pierres que je remontai au sein d’un muret
qui devait parachever notre terrasse fraîchement pavée. Puis,
je m’attaquai au puits, qu’il ne fallait pas laisser en reste.
Bientôt, le pourtour de la maison me parut jalouser le jardin intérieur.
Et… Rien, aucun travail, aucun défi ne me décourageait.
Bien vite des « étrangères » trouvaient asile
chez moi. C’est ainsi que Bougainvillée, lantanas, fastia
japonica, perovskia et agapanthes trouvèrent une place parmi les
autochtones. Pour les unes le climat était trop froid, pour les
autres, il était trop humide (comme dit l'adage : qui se ressemble
...) Pour les plus exigeantes, un repli stratégique s’imposait
dès les premières gelées. Une véritable gageure
que d’accueillir ces merveilles. Mais j’étais récompensée,
chaque année, mon jardin était un feu d’artifice de
couleurs. Cependant,
l’automne venu je ne me résignais gère à voir
mourir tout ce petit monde. Alors, je charriais de gros cailloux pour
construire un jardin d’intérieur qui mettrait à l’abri
des grands froids tout ce qui pouvait être sauvé. Ainsi,
bougainvillée, dipladénias, lantanas, impatiens, abutilon,
fuchsias, hibiscus, pélargoniums et jasmins m’ont été
fidèles pendant presque 10 ans. La maison devenait une nurserie.
Chaque
recoin était réquisitionné pour la cause. Cette saison
de repos, me permettait de me plonger dans les bouquins de botanique.
J’apprenais à mieux connaître les nouvelles venues,
je retenais leurs noms en français, mais surtout en latin (je pourrais
ainsi m'expatrier) ! Je trouvai un allié au village voisin, qui
me prêta sa camionnette pour transporter une bonne tonne de cailloux.
Mon Papa vint parfois me prêter main forte, pour retourner la terre.
A trois, nous avons désossé une ruine afin de récupérer
les linteaux qui allaient se perdre dans les gravas. Ce jour-là,
le projet déborda des limites du jardin. Désormais, le village
offrirait aux marcheurs de passage le repos, sur des bancs, montés
sous les chênes centenaires.
J'ai reçu de l'aide il est vrai! Mais attention! Une fois les cailloux
amassés, le jardin redevenait MON domaine. J'arbitrais seule sur
la destination des pierres, des plants et des arbustes. Tel un chef d'orchestre,
mais ma baguette était une PELLE, je mettais en valeur l'arbre
à papillons. J'isolais le cornouillé. Je créais une
fusion de couleurs entre l'échinacéa purpuréa, l'alchémille,
le lavatère, les cosmos. J'allégeais le tout grâce
à l'asparagus, le gaura et quelques bidens. Je façonnais
des effets de teintes et de formes, étollonnant des étages
où chaque teinte défendait son droit à la reconnaissance.
Mon jardin arborait une exubérance sauvageonne. Mais ne vous y
fiez pas! J'étudiais la moindre association. J'alternais les plants,
je déménageais des pots parfois plus grands que moi (c'est
facile!) jusqu'à ce que le mariage des teintes et des formes me
plaise.
Bref, je me confectionnais des épaules de déménageur,
qui aujourd'hui, me sont fort utiles dans mon nouveau mértier de
marin : HISSEZ HAUT!
Tout ce manège attira l’attention ! Arriva en éclaireur,
l’Adjointe au Maire, puis, le Maire, suivi du Président d’un
comité de fleurissement lui-même affublé d’un
député. Ils me firent participer à un concours, dont
je ne connaissais pas l’existence… Ceci
dit, c’est avec une certaine satisfaction que j’acceptai par
deux fois le premier prix de fleurissement du département de la
Nièvre. Le village gagna deux fleurs. Alors, il me semble légitime
de faire défiler, à la manière du générique
d’un beau film, les 153 stars (nombre d'espèces et non, quantité
de plants!) qui ont fait ce jardin pharaonique.
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