A.B.C. : CURACAO
Introduction
Curaçao est la plus grande île des Antilles néerlandaises et fait partie des ABC (Aruba, Bonaire et Curaçao). Elle se situe entre Aruba et Bonaire et au nord du Venezuela. Elle mesure 60 km. de long, par 11 km de large et sa capitale est Willemstad.
Un nom pour la vie
L'origine du nom "Curaçao" engendre quelques polémiques.
L'hypothèse la plus répandue est que Curaçao vient du Papiamento, le mot serait donc issu d'un savant mélange entre le portugais et l'espagnol. A l'origine, les Espagnols auraient appelé l'île "Curazon". Plus tard, un cartographe portugais aurait compris "Curacau" et transcrit en Curaçao, conformément à l’orthographe portugaise.
Une autre supposition voudrait que les Caiquetos auraient laissé leur nom, déformé en Curaçao par les Européens. J'y crois plus difficilement, mais je vous laisse juge.
La troisième hypothèse laisserait supposer que Curaçao aurait pour racine lexicale le mot "cure". Cela rappellerait un fait d'histoire. Au début de la colonisation, Alonso de Ojeda aurait débarqué sur l’île un certain nombre de marins atteints du scorbut. Lorsque le lieutenant revint l’année suivante il les trouva miraculeusement en bonne santé, guéris apparemment par la consommation des fruits (et de la vitamine C) qui poussaient en abondance sur l’île. Le lieutenant aurait nommé l'île Curaçao, d’après un vieux mot portugais dont la racine est : "cure" signifiant «guérison».
L'Histoire de Curaçao
En lisant l'Histoire de Curaçao, je m'attendais à trouver comme pour toutes les îles de la Caraïbe cette phrase désormais mythique : "Christophe Colomb découvrit l'île de Curaçao en 1492".
Au lieu de ça, nous apprenons que c'est l’un des lieutenants de Christophe Colomb, Alonso de Ojeda, qui aborda en premier lieu l’île de Curaçao en 1499. Il trouva les îles habitées par une communauté amérindienne qui avait quitté depuis plusieurs siècles les côtes vénézuéliennes pour fuir la voracité des guerriers caraïbes. Dès la découverte de ces îles, la couronne d'Espagne, se désintéressa de Curaçao. Elle fut déclarée "Isla inutile" en 1513.
En 1634, les Hollandais débarquèrent sur l'île. Ils n'eurent aucun mal à convaincre, les quelques Espagnols oubliés là par leur couronne, de les laisser s'installer sur l'île. La "WIC (Dutch West Indies Company) ou la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales s'accapara l'île. Ils édifièrent une "capitale" dans la baie de Shottegat qui est l'actuelle Santa Annabaaie. Ils lui donnèrent le nom de Willemstad.
L'inexistence de matières premières monnayables sur l'île ne gêna en rien les nouveaux colons. Les Hollandais repérèrent immédiatement, les mouillages profonds et bien abrités du sud de l'île. Ils en tirèrent avantage pour créer une base de commerce maritime où les navires pouvaient faire escale sans subir les affres des éléments.
La Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, qui fut chargée d’administrer l’île de Curaçao, nomma l'explorateur hollandais Peter Stuyvesant comme gouverneur en 1642. En quelques années, celui-ci favorisa les plantations agricoles (arachides, maïs, fruits, etc.). Willemstad devint également un port de transit pour les matières premières venues du continent voisin. De nature entreprenante d'’autres colons découvrirent les possibilités qu’offrait l’île dans le domaine du séchage du sel. En effet, les étangs marins ou salins abondent sur les rivages de Curaçao.
Si, Peter Stuyvesant par son sens du commerce exarcébé était un atout majeur pour défendre les intérêts de la Hollande dans les parages, il était, en revenche, impitoyable avec les autochtones. Il capturait des Caiquetos pour les vendre comme esclaves dans les Antilles. De plus, son tempérament autoritaire et son intolérance religieuse à l’égard des communautés n'appartenant pas à l'Église réformée de Hollande ne laissèrent pas exactement un bon souvenir de son "règne" sur l'île.
Malgré cette intolérance de nombreuses familles juives qui fuyaient l'inquisition en Europe, trouvèrent un asile confortable sur l'île. Plus de 2000 Juifs séfarades arrivèrent d’Amsterdam entre 1659 et 1732. Tous fondèrent des entreprises commerciales. Ils érigèrent en 1732 la première synagogue (Emanuel Israel Mikve) à Willemstad. Aujourd'hui encore, les familles juives sont parmi les familles les plus prospères de l'île.
En 1662, Curaçao change de cible. Ayant éliminé ou déporté tous les Amérindiens, ils s'attaquèrent au marché d'esclaves. Curaçao devient "LE" super marché d'esclaves de la Caraïbe. L’île est en effet, stratégiquement bien située et équipée d’un port naturel extrêmement bien protégé. Les navires chargés d'esclaves arrivaient en rade de Willemstad ou de Spanish Water. Débarqués, les esclaves étaient empilés comme des marchandises en attendant leur affectation dans les plantations de l'île ou leur déportation vers d'autres îles. A Spanich Water, certaines demeures témoignent du faste de ce commerce bien inhumain.
Au total, on estime que Curaçao reçut entre 1640 et 1863 au moins un demi-million d’esclaves noirs.
L’île de Curaço accueillit au cours de son histoire des immigrants blancs venant de tout horizon. Aux Hollandais s’ajoutèrent des Anglais, des Sud-Américains, des Français et des Juifs. La population de l’île devint très cosmopolite, et regroupe aujourd'hui plus de 50 nationalités différentes.
Permettez-moi de passer rapidement sur la période de luttes entre nations européennes. Sachez qu'au 18e siècle, Curaçao changea de mains plusieurs fois. Français, Anglais et Hollandais se la disputèrent jusqu'à ce qu'en 1816, le traité de Paris, y mette de l'ordre et réinstalle la Hollande aux commandes de l'île. Willemstad fut déclaré port libre.
L’abolition de l’esclavage est déclarée en 1863. A la suite de cette déclaration, l’économie de Curaçao périclita.
Il fallut attendre en 1919-1920 pour que l’économie prospère à nouveau sur l’île, avec l’arrivée de l’or noir. Grâce à la découverte du pétrole en provenance du Venezuela, la Dutch-British Shell Oil Company décida de construire l’une des plus grandes raffineries au monde à Curaçao (et à Aruba). De nombreux immigrants vinrent travailler sur l’île. Ils venaient des Antilles néerlandaises, mais aussi des Antilles anglaises, des Antilles françaises, de l’Amérique du Sud et des États-Unis. Mentionnons particulièrement l’immigration des Saint-Martinois (hollandais et français) à Curaçao en raison du grand besoin de main-d'oeuvre dans les raffineries. Les historiens signalent même que la population de l’île de Saint-Martin aurait baissé de 18 % entre 1920 et 1929. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Alliés acceptèrent d’établir une base militaire américaine à Waterfort Arches, près de Willemstad. À partir de 1942, les États-Unis assumèrent l'entière responsabilité de la défense de Curaçao et des autres îles hollandaises, et ce, pour toute la durée de la guerre. L’île de Curaçao a donc toujours été influencée par la langue anglaise. Ces mouvements de population augmentèrent encore le multiculturalisme de Curaçao.
Ce sont les années 1950 qui voient la plus grande prospérité de l'île.
En 1973, l'économie de l'île est particulièrement affectée par les conséquences du choc pétrolier. En 1985 Shell ferme ses portes en quelques années, le traitement du brut est passé de 37 millions de tonnes à 7 millions. L'économie du pétrole n'est plus viable sur l'île.
Une fois de plus, les habitants sont forcés de jouer d'imagination pour se sortir du marasme. C'est presque naturellement qu'ils passent du traitement de l'or noir au traitement du billet vert apporté par des petits hommes blancs en bermudas et bardés d'appareils photo. Le tourisme offre désormais une manne pour la survie économique de l'île. Entre le mois d'octobre et le mois de mai ce sont plus de 20 paquebots par mois qui font escale dans l'île. Chaque paquebot déverse plus d'un millier de touristes sur les routes et les plages de l'île. Les insulaires ont créé à cet effet quelques parcs d'attractions, comme le seaquarium, la dolphin acadamy ou l'élevage d'autruches.
En plus du bien-être des touristes, l'île s'est dotée d'un système bancaire adapté aux placements de capitaux "off-shore". Les entrepreneurs de tout horizon sont appâtés par des conditions financières alléchantes. Un chantier naval de navire de commerce fait également partie du plan de restructuration de l'économie de l'île.
Depuis 1990, de nouveaux accords avec le Venezuela ont fait rouvrir les portes des raffineries de l'île. Les raffineries sont louées à la Coastal Oil Company qui est vénézuélienne et raffinent le pétrole en provenance de Maracaibo.
L'apparition d'une langue
(Sources, Site Internet : aménagement linguistique dans le monde)
Le mot Papiamento aurait une origine portugaise. Sa racine est à trouver dans le mot papia signifiant «converser» ou «parler» et viendrait probablement du vieux mot portugais papear. On y a jouté le suffixe -mentu servant à former un nom et signifiant approximativement «manière de parler».
Pourquoi ce type de créole aurait-il plus de consonances venant du portugais que de toute autre langue? En réalité, il faut aller chercher l'origine du papiamento dans l'Histoire. C'est au milieu du quinzième siècle que les Purtugais envahirent la côte ouest de l'Afrique. Avec cette colonisation, les Portugais débutèrent une déportation d'esclaves noirs vers l'Europe et les colonies portugaises. Les Portugais furent rapidement rejoints par les Espagnols dans ce commerce juteux. Les Hollandais qui ne voulaient pas en rester là, entrèrent en scène vers la fin du seizième siècle et ouvrirent ce marché sur leurs propres colonies. Vers 1650, les Anglais et les Français firent leur entrée dans la conquête du Nouveau Monde et participèrent à leur tour au marché triangulaire du "bois d'ébène".
"L’origine portugaise du papiamento s’explique par le fait que des centaines de milliers de Noirs attendirent parfois durant de longues semaines dans les ports africains détenus par les négriers portugais avant d’être envoyés dans les colonies du Nouveau Monde. Le papiamento présente de nombreuses similitudes avec le krioulo, le créole portugais que l'on parle toujours en Afrique occidentale, notamment dans les îles du Cap-Vert et en Guinée-Bissau, mais aussi au Sénégal et en Gambie."
A Curaçao, le papiamento fut parlé dès le Dix-septième siècle. Bien que la base principale du Papiamento est le portugais ensuite s’est greffée une grande quantité de termes espagnols, néerlandais, mais aussi anglais et français, sans oublier la syntaxe d’origine africaine. La sonorité de cette langue est cristalline. Les mots rebondissent comme l'eau qui cascade au fil d'une fontaine rafraîchissante. "Bon Bini", "bon dia", "tanki", "por fabor", "Aïo", "mira" alschublief... (Bienvenue, bonjour, merci, s'il vous plaît, au revoir, regarde, s'il vous plaît) voilà quelques mots faciles à apprendre et qu'ils aiment entendre. Ne vous inquiétez pas, ils vous laisseront poursuivre dans une langue avec laquelle vous serez plus à l'aise. Mais ce clin d'oeil couleur local permet de faire un bout de chemin vers eux. Le plus souvent, ils vous ouvriront la porte en grand! Fait remarquable, ils parlent tous au moins trois langues. Outre le papiamento, les Enfants de Curaçao parlent le néerlandais, l'espagnol et l'anglais. Nous avons trouvé quelques personnes qui nous ont souhaité la bienvenue en français. Vous l'aurez compris, ces polyglottes avertis sont charmants. Si l'escale n'est pas géographiquement intéressante, elle l'est à coup sûr sur le plan humain.
Au travers de cette langue, le cosmopolitisme est le ciment d'une population de plus de 173 000 habitants qui regroupe près de 50 nationalités différentes. Européens, peuples d'Amérique du Sud, d'Asie, d'Europe de l'Est se mélangent autour d'une langue bien particulière qu'est le papiamento.
Petite histoire d'une boisson
Lorsque les Espagnols s'approprièrent l'île, ils avaient dans leur soute, des oranges de Valentas. Ils décidèrent d'en faire la culture sur l'île. Mais, les Huertas ne produisirent que de petits agrumes au goût si amer qu'ils étaient immangeables. Déçus, les Espagnols se désintéressèrent de l'arbre, qui prit des états sauvages. Deux ans plus tard, les Hollandais furent intrigués par ce petit arbre. Ils constatèrent que l'écorce de ces fruits séchés au soleil produisait une savoureuse essence aromatique. Ils distillèrent l'écorce, ils y ajoutèrent des herbes et des épices, et c'est ainsi que naquit la liqueur de Curaçao...
Notre vécu sur l'île de Curaçao : Spanish water et Willemstad
Notre première escale à Curaçao est Spanish Water. L'antre est si bien protégé de la mer, qu'elle n'y a plus droit de cité. L'horizon disparaît derrière de hautes collines. L''eau translucide et émeraude devient opaque et brune. Nous pénétrons dans l'enceinte par un chenal non balisé, mais d'abord facile. A l'intérieur du mouillage, les bateaux sont placés en quarantaine dans des aires de mouillages définies. Ne vous hasardez pas hors des limites des bouées, vous vous feriez tancer par les "coast guards". Finie la récréation vénézuélienne où les règlementations sont assujetties à l'humeur des douaniers. Ici, tout ce qui est écrit est appliqué! Il nous faudra nous recadrer, pour nous adapter!
Nous arrivons la veille d'un week-end. Après tous ces jours de silence absolu, quelle n'est pas notre surprise de décourvir les moeurs de fins de semaine à Spanish Water!!! Vous imaginez, l'espace... Cela ressemble à un lac coincé entre des collines. Les collines font le bonheur de mon capitaine qui ne résiste jamais à une bonne grimpette. Les reliefs alentour sont tapissés de jolies maisons. Au bord de l'eau de plus belles maisons encore, agrémentées d'un jardin qui finit par un ponton auquel est amarré un bateau. Carènes fuselées, plusieurs moteurs qui affichent 3 chiffres. Dès le samedi matin, l'activité récréative des autochtones se limite à traverser "le lac" le plus rapidement possible. Un bruit d'avion qui décolle. Des vagues qui claquent sur la coque et qui passent par-dessus le franc bord de L'Etoile de Lune.. Les bolides zigzaguent à fond les manettes entre des véliplanchistes et des petits canots à voile. Je n'ose imaginer le spectacle si l'un d'eux manquait son virement de bord à l'approche d'une de ces fusées nautiques... De la folie furieuse!
Mais à voir la nonchalance des habitants, je m'offusque sans doute un peu vite (????) Car, au milieu du brouhaha et de cette agitation permanente, un objet non identifié flotte voire même navigue!!! Il entraîne une joyeuse bande hilare de danseurs, qui se trémoussent au milieu de l'eau sur des "booggy wooggy".
Mélange de genres et d'insouciance...
Ainsi, confinés dans Spanish Water nous nous résignons, le temps d'une escale que nous pensions qualifier d'alimentaire! Curaçao est le dernier point de ralliement des Européens en mal des produits de leur patrie d'origine. En effet, ici, nous retrouvons toutes les denrées que nous avions oubliées et dont nous nous passions fort bien! Cependant, au détour d'un rayon, lorsque je tombe par hasard sur le chocolat de mon enfance... Aie, aie, aie, ça fait mal!
Mais aujourd'hui tout se consomme avec modération, alors sortons du supermarché et de Spanish Water pour aller à la rencontre des habitants. Comment se nomment-ils au fait? Curaçaiens, Curaçoens, Curaciens???
"N'en jetez plus, ils se nomment tout bonnement "les Enfants de Curaçao".
Très jolie expression, représentative de l'âme qui règne au sein des nombreuses communautés qui s'éparpillent sur l'île.
Pendant notre séjour, nous nous rendons souvent à Willemstad qui est la ville principale. Il y règne une ambiance bon enfant, une gentillesse spontanée, une simplicité agréable. La ville vit au rythme de son chenal qui la coupe en deux. Un pont en bois flottant et amovible permet aux piétons de se rendre d'une rive à l'autre. Ce trafic piétonnier est interrompu à la demande des navires quelque soit leur tonnage : de la plus petite annexe au plus gros des cargos. Le pont se rabat sur la rive d'otrabanda, et laisse passer les bateaux de tout tonnage. Quel spectacle étonnant que de siroter une boisson sur l'une des terrasses de café du bord de chenal tout en regardant un cargo passer à quelques mètres de nous! Lorsque le pont est ouvert, les Enfants de Curaçao, troquent la marche à pied contre une traversée mouvementée du canal. Des navettes assurent gratuitement le lien entre les deux rives.
Willemstad est une ville colorée. Personne ne ménage son coup de pinceau, elle semble peinte de frais en permanence. La ville, bien qu'appuyée sur des usines de raffinement, garde un charme particulier. Les façades de couleur se reflètent dans le chenal. Parfois, vous apercevrez une ombre d'aileron... Oui! Nous avons été stupéfaits de voir des dauphins déambuler au milieu de la ville. A la surface, les couleurs se mélangent au petit bonheur. Même sous la pluie les rues de la ville préservent leur luminosité.
Quel style architectural? Tout le monde le qualifierait de colonial. Mot fourre-tout utilisé partout dans la Caraïbe. Cependant, je n'ai vu nulle part ailleurs qu'aux ABC (Aruba, Bonaire, Curaçao) ce type d'architecture. Imaginez plutôt Willemstad comme une petite Amsterdam Créole, troquez les briques rouges de la cousine européenne contre des façades lisses et peintes en couleurs vives, ajoutez-y un air baroque et vous aurez un tableau assez ressemblant de Willemstad. Pour compléter la ressemblance, le Fort Amsterdam défend la ville contre les assauts de la mer.
Cependant, l'âme caraïbe reprend rapidement ses droits. Au sein d'un agencement de rues pavées et de maisons bien alignées, la mafia du fruit sévit! Dans un joyeux désordre rangé, les lanchas venues du Venezuela s'amarrent aux quais de Willemstad. Deux ou trois grandes familles détiennent le marché du fruit. Le patriarche garde en ses mains des liasses impressionnantes de guilders, la monnaie locale. Nous nous rendons souvent au marché flottant, l'ambiance y est agréable. Les étals de fruits et légumes sont si bien agencés qu'ils attisent l'appétit! Les prix sont raisonnables, les produits sont en général de bonne qualité. Les marchands, sont sympathiques et ils ont l'esprit commercial.
Un des moments forts de notre séjour est la visite du "Seaqurium". Idée saugrenue que d'aller voir les animaux en captivité alors que nous avons eu la possibilité de nager avec les dauphins en liberté?
Pas si sûr!
Nous prenons comme prétexte à cette excursion le test de notre nouveau matériel photographique. Un réel matériel de "paparazzi" et du coup je me prends au jeu. Je prends plus de 250 clichés très compromettants d'Annie et de Copan... Les stars incontestées du "dolphin show" de Curaçao. Seul bémol de la journée, alors que nous étions parmi nos amis à l'académie des dauphins, Dom a catégoriquement refusé que je me glisse dans l'eau avec eux... Il m'a dit et je le cite :
"Si je te laisse faire, tu vas leur montrer la porte de sortie!".
C'est vrai, je préfère voir tout ce petit monde en liberté. Sur L'Etoile de Lune il n'y a qu'à demander. Mon capitaine a pitié de moi, et il me sort de ce que j'appelle sans fard : "la mare aux canards"... Nous sortons de Spanish Water, et nous rebroussons chemin, puisque nous nous dirigeons droit dans l'Est vers l'île de Klein Curaçao.
Klein Curaçao
Klein Curaçao signifie "Petit Coeur", comme Pierre nous l'a si gentiment signalé lors d'une vacation radio. L'île est minuscule et située dans le sud-est de Curaçao. Paysage simple qui se résume à une côte au vent tapissée d'épaves et à une côte sous le vent qui abrite une superbe plage de sable blanc agrémentée de petites churuatas qui offrent des ombrages ventilés aux touristes qui viennent ici à la journée. Au centre de l'île un phare trône. Il attire les quelques curieux qui viennent jusqu'ici. Il faut dire qu'il est de construction originale. Une haute tour blanche est enchâssée au creux de deux bâtiments de briques rouges aux toits pointus. Les murs sont encore en bon état, mais à l'intérieur les planchers vacillent. Peu importe, mon capitaine aime atteindre des sphères toujours plus hautes. Il grimpe le petit escalier en colimaçon, je le suis. Mais les escaliers s'arrêtent aux trois quarts de la bâtisse... Pour atteindre le sommet, il faut agripper une corde, glisser son pied dans la boucle d'un noeud de chaise et se hisser à l'étage supérieur tout en se dandidant au-dessus du vide qu'offrent les 4 étages du dessous! Très peu pour moi, merci! Mon capitaine beaucoup plus courageux atteint l'antre lumineux du phare... C'est beaucoup dire, il ne fonctionne plus depuis 5 ans! De là-haut : vue imprenable sur l'horizon.
Après tant d'efforts sous le soleil de plomb, nous revenons au bateau. L'originalité de Klein Curaçao réside dans ses fonds sous-marins. Une bande d'eau peu profonde longe la plage sous le vent de l'île. Sur une largeur de 60 mètres, les fonds de sable sont de 3 à 4 mètres, puis sans crier gare, la profondeur tombe d'un coup à plus de 30 mètres. Il suffit de mettre la tête sous l'eau à l'arrière du bateau, pour être conquis. L'eau est translucide, voir la déclivité s'enfoncer dans la noirceur bleutée donne presque le vertige. Envoûtés par ce grand trou noir, nous comprenons l'image de fin, du film "le grand bleu"!
A l'orée du tombant, nous sommes au coeur d'un réel aquarium. Toutes les tailles et toutes les variétés de poissons sont là. Le corail est vivant à cet endroit. C'est prodigieusement beau.
Nous pensions passer ce moment d'apnée à regarder oisivement les petits poissons, quand une tortue passe devant notre masque. Dom et moi, on n'y croit pas! Elle bat des nageoires tranquillement, à quelques dizaines de centimètres de nous, comme si elle voulait chatouiller nos tubas. Jusqu'à présent nos rencontres de tortues marines ont été fugaces. Dès qu'elles nous repèrent, elles fuient et en quelques battements de nageoires elles sont hors de portée du regard. Mais là, notre tortue caret nage le plus sereinement du monde. Nous décidons de la suivre, elle nous entraîne dans les eaux peu profondes. Elle nage lentement. Elle se pose de temps à autre sur le sable, elle farfouille le sable, elle se promène sur son "plat de salade", je dirais presque distraitement. Si insouciante qu'à un moment donné, je suis obligée de reculer, miss tortue a décidé de remonter à la surface pour prendre une goulée d'air frais à la surface. Et, je suis tout bonnement sur son passage. Je la vois, si je tends mon bras, je la touche. Dom s'amuse avec elle, une copine ou une cousine de notre tortue vient nous voir elle aussi. Dom plonge avec elles, à un moment l'une d'elle est si proche qu'il peut la prendre par la taille... (Heu, pardon, par le plastron!) Elle se débat à peine, il la lâche, car nous ne voudrions pas la traumatiser. Dom passe sous elle, et voici notre tortue qui nage sur le dos elle aussi. Est-ce du mimétisme? Je pense plutôt que miss tortue a du goût, elle veut plonger son regard dans les beaux yeux bleus de mon capitaine!!!
Santa Cruz de Curaçao
Une navigation facile de 25 milles sépare Santa Cruz de Spanish Water. Sur la route, Willemstad se dévoile pour quelques beaux clichés. Si le sud-est de l'île paraît très construit, le nord de l'île est quasiment laissé à l'état vierge. Quelques résidences poussent au bord du rivage, mais la grande majorité des collines restent vierges. L'entrée dans Santa Cruz est facile. Deux falaises tapissées de cactus balisent un mouillage en forme de couloir. Nous y avons connu des jours très rouleurs. Il paraît que c'est excessivement rare. Mais nous y étions par temps d'alizés particulièrement faibles, ce qui est rare dans la région en saison hivernale. Dans ce cas, la houle contourne la pointe nord-ouest de l'île et vient chahuter les rares bateaux qui font escale à Santa Cruz. Cependant, malgré cet épisode inconfortable nous gardons un excellent souvenir de ce mouillage.
Vraiment il est mignon ce mouillage. Entouré de falaises où ronronne la mer, qui s'engouffre dans les cavités, ça gronde, ça grogne. Chaque base de falaise est grignotée par l'écume. Des formes apparaissent. A l'entrée de la baie, je m'amuse à déceler le visage d'un indien surmonté d'une coiffe de cactus. Les falaises sont tapissées de végétation tropicale sèche, des cactus cierges en pagaille!!! Au fond de la baie, un petit restaurant fait de bric et de broc, offre également un service de balade en mer pour les plongeurs. Sur la plage des paillotes offrent des abris pour les pique-niqueurs occasionnels.
OK, les fonds ne sont pas à la hauteur de leur réputation. Les fonds sont souvent troubles, mais c'est à cause du mouvement de l'eau. Lorsque la houle se calme les fonds redeviennent clairs. Dom croise au large des falaises, le regard d'une tortue, le ballet d'une raie léopard, et le regard espiègle d'un poisson coffre.
Puis, un matin, vers dix heures, nous nous apprêtions à partir pour une balade à terre. Nous étions tout contents d'affuter nos nouveaux appareils de photographie. Captaine punch, le bateau voisin avec à bord, François et Francine devaient être de la partie. Mais en allant les chercher en annexe, Dom voit à l'horizon des ailerons. Et... , une "troupe" de dauphins était là au large. Aussi incroyable que cela puisse paraître, on a complètement zappé François et Francine, et on a filé droit vers le banc.
Des petits faisaient moult pirouettes. Leur ventre rose se dévoilait sur l'eau bleu profond, c'est adorable. Les adultes qui ceinturaient le flot d'ailerons étaient là aussi. On a refait une course annexe poursuite comme aux Aves mais cette fois, sous la pluie, car le soleil n'était pas de la partie... Et, soudain, une idée fixe trotte : accepteraient-ils de nager avec nous, comme ceux des Aves?
Ne voulant pas garder un tel plaisir pour nous, nous rentrons au bateau pour nous armer de masques et de tuba, on presse le pas, et on active François et Francine qui troquent leur "smoking" de terre pour un ravissant équipement de pingouins palmés, on repart vers le rendez-vous des dauphins, ils sont toujours là. Je me rue dans l'eau, avec François et Francine, et Dom a la bonté de rester aux commandes de l'annexe . Il est vraiment adorable mon capitaine. ...
Là, sous-l'eau, armée de mon appareil sous-marin, cette fois je me régale à faire des photos maison. C'était mon plus tendre souhait. Depuis les Aves, on a vu tant de belles choses sous l'eau, chaque fois, les copains avaient la gentillesse de nous prêter des photos pour illustrer ce qu'on avait vu. Aujourd'hui, je m'essaye au reportage sous-marin pour la première fois. Pas facile le cliché du bon profil de ces bêtes qui surfent sous l'eau. Les dauphins glissent, dans l'eau si claire qu'on croirait les voir voler...
De la troupe des dauphins, trois adultes se sont détachés et ont nagé avec nous. Quel luxe aujourd'hui, je suis méga outillée : j'ai aussi deux palmes!!! Mais je plonge toujours aussi mal!!! Cela dit, les dauphins, magnanimes, restent à proximité de nous.
Ils étaient si peu pressés de nous quitter, que j'ai eu le temps d'essayer divers réglages de l'appareil. J'étais si concentrée sur l'appareil que j'en oubliais presque le plaisir de nager avec eux... Sauf que l'un d'eux semblait me rappeler à l'ordre, je ne sais pas, c'est un peu cabochon, un dauphin, et très poseur. Il a foncé droit sur moi, j'étais stupéfaite de le voir si près. J'aurais pu deviner un clin d'oeil...puis il a tourné à angle droit, et celui-là, je ne l'ai pas raté!!!!!
|