CONSEILS D’APPROVISIONNEMENT POUR 120 JOURS EN MER

Une question s'impose avant de partir pour une traversée océanique ou de séjourner au coeur d'archipels lointains : comment se préparer afin de devenir totalement autonome ?

La question ne peut être envisagée sous le seul angle des quantités. Nous évoquerons ici la plupart des aspects qui vous permettront de rester longtemps loin de tout. Nous traiterons par exemple, la question de l'énergie mais aussi celle de la conservation d'aliments frais. Pour ce dernier point, il faut garder à l'esprit que nous vivons dans des milieux tropicaux, humides, chauds où l'air salin a vite fait de tout ronger. Ainsi, on peut partir avec la bonne quantité d'aliments, mais si on les conserve mal ça ne sert à rien de remplir le bateau.

Une fois les aliments consommés, que fait-on des déchets ? En mer ou au mouillage, il y a des moyens de les traiter sans polluer notre belle planète et sans pour autant tous les trimbaler jusqu'à la prochaine escale ce qui serait inconcevable aussi bien d'un point de vue du volume qu'olfactif. Les méthodes de tris seront énoncées en fin d'article.

Sommaire :

1) Généralités
2) Protéger les coffres et les agencer
3) Les aides à l'autonomie
4) La question des liquides.
5) Les aliments de base.
6) Economiser le gaz
7) Les conserves (cannages) et les lyophilisés.
8) Les aides énergétiques
9) Les légumes et des fruits (ce que nous appelons "le frais")
10) Le frais hors frigo : deux méthodes de conservation
11) Le frais en détail.
12) Le frais : Les champions de la longue conservation
13) Attention il ne suffit pas de stocker, il faut aussi gérer !
14) Les quantités pour 100 jours d'autonomie
15) Les poubelles

1) Généralités

Comment prévoir absolument tout ce dont vous aurez besoin ? Il faut faire un effort d'imagination et se projeter en situation d'autonomie pure. Pour les candidats au départ, dans les derniers mois de votre vie terrienne observez vos habitudes de consommation alimentaire ou ménagère. Prenez des notes sur ce qui vous ferait défaut si vous étiez loin de tout. Lors de vos préparatifs, reprenez cette liste elle sera votre alliée. Attention ne négligez aucun détail ! Il est parfois désespérant d'avoir tout ce que l'on désire à bord en matière de saveurs, plats en conserve, de lyophilisés, de féculents.... et de ne plus avoir une seule allumette pour allumer le gaz. Il est dommage aussi d'avoir des brosses à dents et de manquer de dentifrice ou l'inverse...

Ce que vous embarquerez dépendra des habitudes de chacun. En matière alimentaire. Les fins gourmets chroniques se sentiront sans doute dépités et devront adopter leur rythme de croisière à leurs goûts culinaires. Par contre, ceux qui auront envie de goûter à la liberté devront changer leur mode d'alimentation. Adopter un mode culinaire simple, sain, équilibré et facile à réaliser. Cela favorisera d'autant votre autonomie. Vous privilégierez les aliments qui se conservent longtemps et qui prennent peu de place.

Remarque : l'avitaillement du bord nécessite un gros investissement financier. Mais une fois partis, vous regagnerez la dépense et vivrez de longues semaines sans rien dépenser ou si peu.

2) Protéger les coffres et les agencer

Votre autonomie dépendra de la capacité des coffres de votre bateau. Veillez à une utilisation rationnelle de ceux-ci.

Etudiez l'agencement de votre bateau en détail. Tout espace peut servir, vous vous aiderez énormément en dessinant un plan et en répertoriant l'emplacement de vos réserves sur une feuille de papier que vous garderez dans votre table à carte ou dans votre livre de bord. Cela vous permettra également de surveiller l'état de votre stock. N'oubliez pas que lorsque l'air circule l'humidité fuit. Etudiez toutes les possibilités d'aérer vos coffres.

Nous ne plaçons jamais les conserves (ou cannages) en contact direct avec la coque en aluminium. Il en est de même pour les bouchons de métal de certaines bouteilles. Nous avons acheté dans les Leader Price et les centres ED (en France ou dans les îles françaises) des grands sacs blancs en toile résistante. L'équivalent existe certainement au Québec. Sinon des sacs de toile ou de jute feront l'affaire. Ils permettent de stocker tous les aliments et de prendre la forme parfois tarabiscotée de certains coffres. Attention ! Bien les nettoyer afin qu'ils ne contiennent pas de bêtes ou d'oeufs de cafards. Avant de les utiliser, vous leur donnerez un coup de bombe anticafard et les laisserez sécher au soleil.

Nous utilisons aussi beaucoup les sacs types "ziplog" (sacs de congélation avec fermeture en zip) pour conserver les menus produits. Ils facilitent leur stockage(ne pas oublier de noter sur le sachet ce qu'il contient). Nous y conservons à l'abri de l'humidité le chocolat, les sachets de thé, les condiments (sels, poivres...), les biscottes, les biscuits apéritifs, les biscuits sucrés, bonbons, les allumettes, le savon, sachets individuels de lessive...

3) Les aides à l'autonomie.

Les pleins
Nous partons toujours avec le plein complet de gaz (2 bouteilles de 13 litres), de gazole (850 litres) d'essence pour l'annexe (30 litres) et d'eau dans les réservoirs (900 litres). Et cela, même si nous avons un dessalinisateur, celui-ci n'est pas infaillible !

Les jerricanes et bidons
Pour compléter vos réservoirs, pensez à stocker sur le pont ou dans les coffres extérieurs des bidons d'essence pour le dinghy, de gasoil et d'eau douce.

Le dessalinisateur et consommation d'eau
Les bateaux qui ne possèdent qu'une faible autonomie en gasoil peuvent pallier ce manque en convertissant certains réservoirs d'eau en réservoirs de gasoil alimentant le moteur. Le dessalinisateur comblera vos besoins en eau. Un dessalinisateur fonctionnant sur batterie est un bon plan (voir plus loin)

Attention ! Pour ceux qui entament une traversée océanique, selon l'emplacement de l'arrivée d'eau de mer, vous ne pourrez peut-être pas faire marcher votre dessalinisateur en navigation. Dans ce cas, pensez à le rincer et à le traiter pour "hivernage" avant de partir. Dans ce cas, vous prévoirez, hors réservoirs, des bouteilles d'eau potable (voir plus loin).

Remarque : pour les bateaux non équipés d'un dessalinisateur ou qui ne peuvent l'utiliser en navigation, pensez à faire installer des pompes à pied sur les réservoirs d'eau et sur une vanne d'eau de mer. Le débit d'une pompe à pied est moins important que celui d'un robinet ordinaire. Pour faire la vaisselle, vous laverez à l'eau de mer et rincerez à l'eau douce. Un tel usage vous permet d'économiser l'eau à bord.

Congélateurs et frigidaires
A bord, un congélateur et une grande capacité frigorifique seront vos alliés.Le congélateur vous permet une large provision de fromages, pain, viandes... Lors d'une grosse prise à la pêche, vous en conserverez une partie, pour les jours moins chanceux.

Machine à faire le pain
Elle vous fera du pain sans dilapider vos réserves de gaz. Vérifiez lors de son achat de sa consommation en énergie et du temps de fonctionnement. Bien que nous n'en avons pas à bord, nous mentionnons cette machine qui semble satisfaire les équipages qui ont fait ce choix.

L'énergie solaire et éolienne
L'Etoile de Lune possède cinq panneaux solaires (475 Watts) et une éolienne aérogène 6 (silencieuse !). Un parc de batteries de 600 Ampères/heures (plus 100 pour la batterie moteur). Nous ne faisons du moteur pour des questions d'énergie que les jours de pluie sans vent (rare). L'ensemble pourvoit au fonctionnement du frigidaire et du congélateur en permanence. En outre, le dessalinisateur fonctionne aux heures de midi sur les batteries. La perte en énergie d'une heure de fonctionnement de dessalinisateur (60 litres) est récupérée en une heure avec un vent de 15 noeuds et du soleil. Le parc de batterie suffit également à l'utilisation des instruments de bord, pilote automatique (autohelm7000) et ordinateurs.

La pêche
La pêche à la traîne pendant les navigations océaniques vous apportera selon votre chance du poisson frais. Vous pourrez utiliser une canne à pêche ordinaire avec moulinet ou un dévidoir. Ce dernier est un moulinet sur cadre fixe destiné à faciliter l'enroulement ou le déroulement du filin. Nous en avons placé un sur le balcon arrière. Outre le fait que ce dispositif est moins onéreux qu'une canne à pêche, il vous permet d'utiliser du câble plus épais et plus résistant que sur les cannes à pêche ordinaires qui résiste souvent mal aux grosses prises. N'hésitez pas lorsque les poissons ne mordent pas à changer de couleur ou de grosseur d'appâts. Et puis surtout... N'oubliez pas de jeter la ligne à l'eau !

Au mouillage la canne à pêche pourra être utile. Le fusil harpon l'est plus encore. Apprenez à vous en servir dès vos premières plongées. Avant de le sortir, assurez-vous qu'il n'y ait pas, dans le pays où vous vous trouvez, de loi interdisant son utilisation.

4) La question des liquides.

Consommation à deux par mois : 400 litres (eau à boire et toutes autres utilisations)

Nous buvons l'eau du dessalinisateur. Mais, pour nous prémunir de toute panne, nous prévoyons toujours un stock d’un mois à un mois et demi d'eau en bidons de 5 litres. Nous ne consommons pas l'eau directement puisée dans les réservoirs. Lors de la pose de notre dessalinisateur, nous avons fait placer un tuyau d'évacuation accessible. Nous remplissons à la demande des bidons d'eau desquels nous puisons notre eau potable.

Pour la traversée Atlantique, nous avions prévu 250 litres d'eau potable, hors réservoir.

Jus de fruit. Nous préférons utiliser les jus de fruit lyophilisés. À peu près tous les parfums se trouvent en supermarché. Vous ferez un stock inépuisable de ces jus de fruit pour un rapport poids/encombrement imbattable. Ils existent avec ou sans sucre.

Le lait. Nous ne prévoyons à bord que du lait en poudre (gain de place et de poids)

Nous prévoyons toujours un petit stock de vin en bouteille (12 bouteilles). Nous entourons les bouteilles de papier bulle, très bon amortisseur en cas de forte mer. Le vin en poche, nous l'avons testé, il ne se conserve pas au-delà de 4 mois. À moins que vous soyez amateur de vin à cuisiner !

5) Les aliments de base.

Le riz, les pâtes, la farine, le lait en poudre, la semoule de blé, les lentilles, purée... sont retirés de leur emballage lorsqu'ils sont conditionnés en cartons ou en sacs plastiques non étanches à l'air. Nous utilisons des grandes bouteilles de 5 litres, celles-ci sont très pratiques pour conserver les féculents, le lait en poudre, les lentilles, les haricots secs... Les bidons protègent vos aliments de l'humidité. En vous débarrassant des emballages des épiceries vous n'embarquerez pas les indésirables charançons ou cafards.

Le fait de les conditionner dans des bidons d'eau bien secs (!) isole les éventuels intrus. Nous avons eu un sac infecté qui avait échappé à notre vigilance. Il y avait des petites bêtes noires dans le fond du coffre, mais nos bidons sont restés sains.

Quant aux pâtes, nous favorisons les coquillettes plus faciles à conditionner dans les bidons que les autres formes de pâtes.

Pour la purée lyophilisée, lorsqu'elle est en sachet sous vide, nous ne gardons que ceux-ci et inscrivons au feutre le contenu. Tous, les féculents vendus en sachets plastiques sous vide sont gardés intacts. Bien souvent pour assurer un stockage parfait, nous les mettons dans des sacs de types "ziploc " de taille adaptée.

L'huile. Nous avions acheté avant notre grand départ des bidons de 5 litres d'huile d'olive. Elle se conserve moins bien dans les bidons plastiques que dans les bidons d'aluminium. Surtout à partir du moment où ils sont ouverts.

Nous nous passons de beurre ou de margarine. Pour les amateurs, le beurre se conserve longtemps au congélateur, ainsi que le fromage.

6) Economiser le gaz

A bord de L'Etoile de Lune; nous faisons tout afin d'assurer une autonomie plus grande en gaz (un an d'autonomie sur deux bouteilles de 13 kilos). Cette longévité est possible parce que nous avons choisi de nous limiter aux plats peu consommateurs de gaz. Nous ne faisons pas de gâteaux, pas de pizzas afin d'utiliser le four le moins possible. Pour satisfaire le besoin de féculents, nous embarquons néanmoins un large stock de biscottes, de petits toasts (appréciés à l'apéritif avec une petite conserve de pâté ou de mousse de poisson). Avant le départ, nous congelons un à deux mois de pain.

Pour le petit déjeuner, le pain d'épice se conserve longtemps dans les fonds.

Nous achetons également la farine à faire les blinis et crêpes épaisses (pancakes). Lorsque les stocks sont en bernes, ils ne demandent qu'une cuisson rapide à la poêle et ne nécessitent pas d'apport d'oeufs (fastidieux à conserver).

Pour accompagner les petits déjeuners, les indispensables confitures, nutellas, sirop d'érable et beurre de cacahuète, sont prévus pour plusieurs mois.

7) Les conserves (cannages) et les lyophilisés.

Les grands alliés des navigateurs sont ces deux produits. Ils ne sollicitent pas l'énergie du froid et se conservent très longtemps à bord. Partout vous trouverez des plats à votre goût. Avant le départ, testez les produits qu'offrent les épiceries autour de vous. Vous n'embarquerez ainsi que les marques que vous appréciez.

Lyophilisés :
Vous trouverez en grande surface surtout des entremets et desserts, des soupes, des sauces qui accompagneront pâtes, riz, purées, viandes et poissons. Mais aussi des plats tout préparés... De quoi améliorer l'ordinaire en saveurs et le rapport place de stockage/utilité est excellent.

Conserves et cannages :
Nous avons goûté à tout ou presque :
Plats cuisinés (très pratiques en navigation), légumes, fruits au sirop (très utiles lorsqu'il n'y a plus de frais à bord). Presque tous les fruits sont disponibles sous cette forme : kiwis, pêches, litchis, ananas... Les conserves gardent leur teneur en vitamines et en fibres.
Nous prévoyons aussi des viandes cuisinées ou non type jambon, boeuf, porc, poissons en sauce ou non... N'oubliez pas les thons, saumon et sardine, qui vous viendront en aide si la pêche ne donne rien. Et en fin, des petits pâtés à tartiner. Cela rend toujours service à l'heure de l'apéritif.

Pour vos salades du midi, vous aurez un grand choix de salades toutes prêtes, mais leur saveur n'est pas toujours au rendez-vous. Nous privilégions les salades que nous faisons nous-mêmes. Mélangeant au choix, maïs, haricots verts, petit pois, carotte, coeurs d'artichauts, coeurs de palmier, tomates en dés, thon, saumon, sardine... Les conserves vous viennent en aide à tout moment selon le goût et l'humeur. A bord, nous avons une autonomie de 4 à 5 mois sans aucun avitaillement.

Remarque : n'oubliez pas le parmesan.
Vous trouverez partout du parmesan râpé qui se conserve hors du frigo. Celui-ci se trouve en emballages sous vide ou tout simplement dans des contenants en plastique avec bec verseur. Vous le conserverez dans les fonds sous la ligne de flottaison afin qu'il ne prenne pas de coup de chaud. Dès que l'emballage est ouvert, vous le mettrez au réfrigérateur. Le parmesan se conserve au-delà de quatre mois.

8) Les aides énergétiques

Nous prenons soin de toujours avoir à bord, des aides énergétiques. En navigation pour éviter la fringale pendant les quarts, nous mangeons des barres de céréales.

Nous embarquons aussi fruits secs, type dates, abricots, ananas, mais également des noix, sésame, noisettes et l'indispensable chocolat.

Pour de très longues sorties du circuit de la civilisation, nous achetons aussi des complexes vitaminés. Ou de l'acérola, puissante vitamine C qui vous gardera en forme.

9) La question des légumes et des fruits (ce que nous appelons "le frais")

Premièrement, tous les légumes et fruits sont rincés à l'eau claire en arrivant à bord (cfr la question sur les cafards déjà traitée). Ils sont séchés soigneusement avant le stockage pour éviter toute moisissure.

Nous conservons les légumes et fruits selon leur type. Mais en général, plus on les conserve dans le noir mieux ils se portent. Il faut donc trouver un moyen pour les garder à l'abri de la lumière tout en laissant passer l'air qui empêchera l'humidité de s'incruster et de les faire moisir.

10) Le frais hors frigo : deux méthodes de conservation

Le hamac à fruits
Nous avons installé un filet sous le taud, sorte de hamac à fruits et légumes. Il bénéficie d'une ventilation constante. Mais il faut veiller au poids. Dans le filet, vous disposerez les légumes et les fruits les plus matures à manger dans la semaine. Agrumes, choux, bananes, oignons supportent facilement la vie de filet. Les bananes ont la fâcheuse tendance à se "carapater" par les trous, suivi de près par les citrons, prévoyez des mailles fines.

Les coffres extérieurs sous le niveau de flottaison
Les coffres à l'arrière du bateau, sous le niveau de l'eau, sont très utiles, ceux-ci doivent être vastes et aérés. Nous y disposons nos fruits dans des cagettes. Ce sont des caisses ajourées en plastique qui se plient et ne prennent quasiment plus de place lorsqu'elles ne sont pas utilisées. Nous y entreposons grand nombre de légumes et fruits lors de nos départs. Nous veillons à les poser en toute délicatesse. Tout fruit tombé se gâte très vite. Attention aussi aux tuyauteries de moteur qui passeraient à proximité et qui réchaufferaient l'ambiance du coffre.

11) Le frais, en détail.

Une règle générale pour tous les légumes et les fruits sans exception. Ne les achetez pas lorsqu'ils ont été réfrigérés. Ce qui est le cas dans presque toutes les épiceries et centres commerciaux. Tout passage au frigidaire raccourcit leur temps de conservation ! Privilégiez vos achats au marché ou chez le producteur.

Autre règle, les légumes et fruits que vous conservez au frigo ne devront pas être placés en contact direct avec la plaque réfrigérée, celle-ci les "cuit"!

Vous embarquerez salades et poivrons pour de petites périodes d'autonomie ne dépassant pas 3 semaines. Par contre, ceux-ci ne tiennent pas longtemps et prennent de la place pour rien dans des périodes d'autonomie dépassant un mois. Nous remplaçons le stock de salade par un stock de chou blanc, rouge et vert. Le poivron, on le trouve en conserves (cannages) le concombre tient un peu plus longtemps, mais demande d'être mis au frigo, nous le boudons lorsque nous partons pour longtemps.

La salade se conserve plus longtemps lorsqu'elle est achetée en racine (rare à trouver sur la Caraïbe). Par contre, lorsque vous achetez votre salade, coupez-lui la queue et frottez un citron vert sur la partie lisse du tronc central, cela la conservera au frigo plus longtemps.

Les tomates supportent l'air libre non réfrigéré, à condition d'avoir été achetées vertes, qu'elles n'aient passé aucun séjour au frigo avant votre achat, et qu'elles soient conservées dans le noir absolu. Evitez de les conserver dans un coffre surchauffé, privilégiez un espace aéré. Choisissez de préférence les petites tomates ovales dites "olivettes" ou "italiennes" aux grosses tomates rondes. Ces dernières achetées vertes parfois ne murissent jamais et pourrissent vertes. Dans d'excellentes conditions, on peut garder les tomates italiennes 2 mois. Les dernières seront mises au frigo, de toute manière au bout d'un mois et demi, la place au frigo se fait de plus en plus grande. Nous les conservons alors dans des boîtes en plastique et prenons garde à ce qu'elles ne soient pas en contact direct avec la plaque réfrigérée.

Les pommes (même si ce n'est pas typiquement un fruit tropical) se gardent longtemps (au-delà de deux mois voire 3 mois) dans le noir, sous la ligne de flottaison. Les pommes vertes ont la vie la plus longue. Évitez les grandes pommes rouges, elles ne tiennent pas du tout. Privilégiez les petites, types reines de reinettes, elles se gardent très bien.

Les avocats même achetés verts ne tiennent pas au-delà de deux semaines, il en est de même pour les mangues. Contre toute attente l'ananas ne se conserve pas plus de deux semaines, voire moins (attention à lui couper la tête! et le rincer, car il véhicule en tas de petits intrus).

La banane aime l'air libre, mais ne se conserve pas vraiment longtemps même verte. Si vous achetez un régime entier et vert, elles muriront quasiment toutes en même temps. Il vous faudra de l'imagination pour l'accommoder matin, midi et soir afin de ne pas en perdre. Voire à vous décider de faire du pain avec les dernières. (Quelle torture !)

La pomme de terre. Bien qu'elle fasse facilement des racines et qu'elle ait tendance à ramollir, conservée dans le noir et sous la ligne de flottaison, elle se garde un mois voire un mois et demi. Les patates douces ne se conservent pas au-delà d'un mois.

Melons, pastèques et autres fruits du même type tiendront plus longtemps dans les hamacs, ils n'aiment pas les coffres. Par contre, s'ils sont volumineux, à deux, il est parfois difficile d'en venir à bout en une journée, il faudra alors leur trouver de la place au frigidaire.

12) Le frais : Les champions de la longue conservation

Les oignons : Prévoyez large en matière d'oignons, ils seront les derniers survivants de votre avitaillement. Nous en avons gardé plus de 6 mois.
L'ail tiendra au-delà de tout.
Le pamplemousse est pas mal dans le genre, il est le champion des agrumes en matière de conservation. Talonné par le citron vert et jaune. (Les mandarines et les oranges se conservent beaucoup moins longtemps, ne vous laissez pas piéger).
Les ignames sont également les champions de la longue conservation. Ils se cuisinent comme des pommes de terre et se gardent plus longtemps.
La coco se conserve longtemps même si elle a tendance à se fendre.
Le chou remplacera la salade. Il se conservera dans un premier temps dans les coffres. Puis s'immiscera progressivement dans les espaces libres du frigo. Les choux tiennent au-delà de trois mois.
La carotte, mise au frigo, bien séchée, dans des sacs types "ziploc " sera le plus tenace et tient au-delà de 3 mois. Nous veillons à tout aligner sans perte de place, mais elles ont besoin du frigo ! Dehors elles pourrissent ou se rabougrissent.
La pomme, nous en avons parlé plus haut.

13) Attention il ne suffit pas de stocker, il faut aussi gérer !

Faire de la soupe au chou dans les premiers jours peut être délectable, mais gâche toute votre stratégie d'autonomie. Si vous embarquez toutes ces provisions, veillez à les manger dans le bon ordre. Vous consommerez dans un premier temps salade, poivrons, cocombre, mangues, bananes au fur et à mesure de leur murissement. Vous passerez ensuite aux carottes et choux. Les tomates au rythme de leur murissement seront consommées. ... etc. Préférez pour une question de santé et d'autonomie manger tous les légumes crus en salade.

Surveillez votre stock. Tous les trois jours, faites un tour dans votre coffre et isolez les fruits et légumes qui montrent des taches ou qui semblent plus mous. Si cela n'est pas fait à temps, tout fruit gâté contaminera ses voisins.

14) Les quantités pour 100 jours d'autonomie

Remarque 1 :
Le rapport nombre de jours quantité ne fonctionne pas. Surtout en matière de frais.
Admettons que vous partiez pendant 30 jours. S'il vous faut une tomate par jour. Et si vous achetez 30 tomates, le compte n'y sera pas. Car, il y a inévitablement du rejet. Donc, il faut compter 10% à 15 % de plus en quantité que le nombre de jours.

Remarque 2 :
Pour la suite, quand je parle de bidons, ce sont les bidons d'eau reconditionnés, bien séchés de 1 galon ou 5 litres.

Remarque 3 :
Nous n'embarquons jamais d'oeufs (question de facilité et de goût). Si vous en embarquez, veillez à ne pas garder le carton d'emballage, toujours pour une question d'intrus. Procurez-vous les boîtes en plastiques spéciales, elles les protègeront de la casse et seront plus faciles à conserver au frigo, car elles peuvent se placer dans toutes les positions. Faites le test de l'eau pour savoir s'ils sont encore bons. Ceux qui coulent sont bons.

Autonomie pour 100 jours, liste non exhaustive
Alimentaire, le frais :
90 oignons
130 carottes
100 pommes
80 tomates
20 racines d'ignames
15 patates douces
15 bananes
3 choux rouges
10 choux blancs
5 kilos de pomme de terre

Alimentaire, à congeler :
6 boules de fromage de Hollande, viande de boeuf haché ou en lomito, 4 grands pains longue conservation.

Alimentaire, autres :
7 paquets de cafés instantanés (contenant en verre de 300 gr)
7 x 300 gr de chocolat en poudre
2 bidons de lait en poudre
150 sachets de thé
2 bidons de riz
2 bidons de pâtes (on ne prend pas les pâtes longues, mais les coquillettes ça entre mieux dans le bidon, ça prend moins de place)
1 bidon de semoule de blé (taboulé)
2 bidons de farines
2 bidons de purée en poudre
5 kilos de lentilles
3 kilos de sucre de canne roux
10 paquets de 40 biscottes
Huile d'olive : 1 litre et demi par mois.
6 pots de moutarde
2 litres de vinaigre de vin
Autre : sel, poivre, épices, miel, confiture, pâte chocolatée...

Question conserve ou cannage, le nombre est incalculable.
On prend tant que ça rentre dans les coffres (c'est un peu brutal, mais c'est notre philosophie)

Produits ménagers
Papier hygiénique : 1 à 2 rouleaux par semaine.
Papier essuie-tout : 1 rouleau par semaine.
1 brosse à dents par personne et par mois
1 tube de dentifrice pour deux par mois.
Shampoing et gel douche : 500 millilitres par mois
3 boîtes de 100 cotons-tiges
50 rasoirs jetables
5 tubes crème solaire haute protection
3 tubes stick lèvres haute protection
10 paquets de lingettes épaisses humidifiées.
(Ces dernières sont d'une grande aide pour se débarbouiller sans utiliser trop d'eau. Vous les choisirez dans le rayon bébé, elles ne contiennent pas d'alcool)
Autres produits : lessive, assouplissant, allumettes, sacs poubelles résistants et étanches de 30 et de 100 litres...

A ne pas oublier.
Embarquer des indésirables se fera à votre insu, une fois sur l'océan, combattre la présence d'un rat ou de cafards est presque impossible sans l'aide des produits adéquats. Embarquez toujours du poison contre les trotte-menus (rats) ainsi qu'un ou plusieurs pièges, du produit contre les fourmis, des pièges et une seringue professionnelle contre les cafards.
Bombes d’OFF (antimoustiques), tortillons et crèmes répulsives (Plaquettes fumigènes avec bougies d’OFF)

Petites fournitures et papeterie
Crayons à papier, gomme, stylo bille, tubes de colle à papier, papier à imprimer et carnets, papier collant, cartouches pour votre imprimante...
Stock de piles AAA et AA (plus autres modèles selon ce qui est nécessaire à bord pour le fonctionnement de radio, baromètres électroniques, lampes, GPS portables... )
Briquets même pour les non-fumeurs, c'est toujours utile.

Pour la pêche
Appâts, câble et fil de pêche, tendeur de fusils harpon de rechange.

15) Les poubelles

Deux cas de figure, l'un concerne la gestion des poubelles en traversée océanique, l'autre pendant un séjour dans un archipel éloigné.

Une règle générale est de faire le tri de vos déchets. Tous les déchets d'aliments régaleront les petits poissons. Si vous êtes au mouillage, attendez la nuit et veillez à ce que les courants ne ramènent pas vos pelures de citron sur la plage. Dans ce cas, décidez de les brûler.

Quel que soit le programme, ce qui doit rester à bord :
Les canettes en aluminium seront compressées, pour qu'elles prennent le moins de place possible. Il en sera de même pour tous les plastiques. Tout déchet de type pile électrique ou matériel ou appareillage électronique, plastique ou en métal qui tombe en panne, sera gardé à bord.

En traversée, loin de toute côte.
Les bouteilles en verre pourront être cassées et jetées par-dessus bord.
Le papier pourra l'être aussi, c'est ce que vous faites déjà avec vos toilettes, donc le papier coule et se dégrade rapidement.
Les boîtes de conserve hors celles en aluminium seront jetées dans les grandes profondeurs, elles offriront des protections aux petits poissons.
Les déchets d'aliments sont jetés par-dessus bord.

Dans un archipel sans service de voirie.
Vous pourrez vous rendre sur la plage pour brûler vos déchets. Prenez garde à respecter l'environnement d'un point de vue esthétique, même si vous êtes seul le temps de votre séjour, d'autres personnes sont susceptibles de jouer les Robinson, après votre passage, tout comme vous. Trouvez un coin à l'écart. Construisez, à l'aide de corail mort ou de pierres, une petite muraille abritant du vent votre foyer. Il sera conçu en arc de cercle ou en cercle selon votre goût. Il incitera les futurs candidats à réutiliser le foyer.

Vous y brûlerez tout ce qui disparaît par le feu. Nous en profitons pour nettoyer la plage et pour la débarrasser de tous ses déchets plastiques, chaussures échouées...

Le verre sera amené sur un coin d'île où vous serez absolument certain que personne ne peut se rendre. Vous casserez les bouteilles sur un rocher immergé. Le verre coule et redevient de la silice.

Si vous vous débrouillez bien, à la prochaine escale il ne devrait rester que les boîtes en fer et en aluminium, les bombes aérosol et tout ce qui est matériel électrique et piles.

A vous à présent de faire vos expériences selon vos goûts et vos nécessités et de partir caboter dans les coins les plus reculés de la planète.

Bon vent, belle mer... « Bon appétit » !


Préparation au voyage – L'autonomie à bord – document de L'Etoile de Lune écrit par Nathalie Cathala en mars 2009