CONSEILS D’APPROVISIONNEMENT POUR 120 JOURS EN MER Une question s'impose avant de partir pour une traversée océanique ou de séjourner au coeur d'archipels lointains : comment se préparer afin de devenir totalement autonome ? La question ne peut être envisagée sous le seul angle des quantités. Nous évoquerons ici la plupart des aspects qui vous permettront de rester longtemps loin de tout. Nous traiterons par exemple, la question de l'énergie mais aussi celle de la conservation d'aliments frais. Pour ce dernier point, il faut garder à l'esprit que nous vivons dans des milieux tropicaux, humides, chauds où l'air salin a vite fait de tout ronger. Ainsi, on peut partir avec la bonne quantité d'aliments, mais si on les conserve mal ça ne sert à rien de remplir le bateau. Une fois les aliments consommés, que fait-on des déchets ? En mer ou au mouillage, il y a des moyens de les traiter sans polluer notre belle planète et sans pour autant tous les trimbaler jusqu'à la prochaine escale ce qui serait inconcevable aussi bien d'un point de vue du volume qu'olfactif. Les méthodes de tris seront énoncées en fin d'article. Sommaire : 1) Généralités Comment prévoir absolument tout ce dont vous aurez besoin ? Il faut faire un effort d'imagination et se projeter en situation d'autonomie pure. Pour les candidats au départ, dans les derniers mois de votre vie terrienne observez vos habitudes de consommation alimentaire ou ménagère. Prenez des notes sur ce qui vous ferait défaut si vous étiez loin de tout. Lors de vos préparatifs, reprenez cette liste elle sera votre alliée. Attention ne négligez aucun détail ! Il est parfois désespérant d'avoir tout ce que l'on désire à bord en matière de saveurs, plats en conserve, de lyophilisés, de féculents.... et de ne plus avoir une seule allumette pour allumer le gaz. Il est dommage aussi d'avoir des brosses à dents et de manquer de dentifrice ou l'inverse... Ce que vous embarquerez dépendra des habitudes de chacun. En matière alimentaire. Les fins gourmets chroniques se sentiront sans doute dépités et devront adopter leur rythme de croisière à leurs goûts culinaires. Par contre, ceux qui auront envie de goûter à la liberté devront changer leur mode d'alimentation. Adopter un mode culinaire simple, sain, équilibré et facile à réaliser. Cela favorisera d'autant votre autonomie. Vous privilégierez les aliments qui se conservent longtemps et qui prennent peu de place. Remarque : l'avitaillement du bord nécessite un gros investissement financier. Mais une fois partis, vous regagnerez la dépense et vivrez de longues semaines sans rien dépenser ou si peu. 2) Protéger les coffres et les agencer Votre autonomie dépendra de la capacité des coffres de votre bateau. Veillez à une utilisation rationnelle de ceux-ci. Etudiez l'agencement de votre bateau en détail. Tout espace peut servir, vous vous aiderez énormément en dessinant un plan et en répertoriant l'emplacement de vos réserves sur une feuille de papier que vous garderez dans votre table à carte ou dans votre livre de bord. Cela vous permettra également de surveiller l'état de votre stock. N'oubliez pas que lorsque l'air circule l'humidité fuit. Etudiez toutes les possibilités d'aérer vos coffres. Nous ne plaçons jamais les conserves (ou cannages) en contact direct avec la coque en aluminium. Il en est de même pour les bouchons de métal de certaines bouteilles. Nous avons acheté dans les Leader Price et les centres ED (en France ou dans les îles françaises) des grands sacs blancs en toile résistante. L'équivalent existe certainement au Québec. Sinon des sacs de toile ou de jute feront l'affaire. Ils permettent de stocker tous les aliments et de prendre la forme parfois tarabiscotée de certains coffres. Attention ! Bien les nettoyer afin qu'ils ne contiennent pas de bêtes ou d'oeufs de cafards. Avant de les utiliser, vous leur donnerez un coup de bombe anticafard et les laisserez sécher au soleil. Nous utilisons aussi beaucoup les sacs types "ziplog" (sacs de congélation avec fermeture en zip) pour conserver les menus produits. Ils facilitent leur stockage(ne pas oublier de noter sur le sachet ce qu'il contient). Nous y conservons à l'abri de l'humidité le chocolat, les sachets de thé, les condiments (sels, poivres...), les biscottes, les biscuits apéritifs, les biscuits sucrés, bonbons, les allumettes, le savon, sachets individuels de lessive... Les pleins Les jerricanes et bidons Le dessalinisateur et consommation d'eau Attention ! Pour ceux qui entament une traversée océanique, selon l'emplacement de l'arrivée d'eau de mer, vous ne pourrez peut-être pas faire marcher votre dessalinisateur en navigation. Dans ce cas, pensez à le rincer et à le traiter pour "hivernage" avant de partir. Dans ce cas, vous prévoirez, hors réservoirs, des bouteilles d'eau potable (voir plus loin). Remarque : pour les bateaux non équipés d'un dessalinisateur ou qui ne peuvent l'utiliser en navigation, pensez à faire installer des pompes à pied sur les réservoirs d'eau et sur une vanne d'eau de mer. Le débit d'une pompe à pied est moins important que celui d'un robinet ordinaire. Pour faire la vaisselle, vous laverez à l'eau de mer et rincerez à l'eau douce. Un tel usage vous permet d'économiser l'eau à bord. Congélateurs et frigidaires Machine à faire le pain L'énergie solaire et éolienne La pêche Au mouillage la canne à pêche pourra être utile. Le fusil harpon l'est plus encore. Apprenez à vous en servir dès vos premières plongées. Avant de le sortir, assurez-vous qu'il n'y ait pas, dans le pays où vous vous trouvez, de loi interdisant son utilisation. Consommation à deux par mois : 400 litres (eau à boire et toutes autres utilisations) Nous buvons l'eau du dessalinisateur. Mais, pour nous prémunir de toute panne, nous prévoyons toujours un stock d’un mois à un mois et demi d'eau en bidons de 5 litres. Nous ne consommons pas l'eau directement puisée dans les réservoirs. Lors de la pose de notre dessalinisateur, nous avons fait placer un tuyau d'évacuation accessible. Nous remplissons à la demande des bidons d'eau desquels nous puisons notre eau potable. Pour la traversée Atlantique, nous avions prévu 250 litres d'eau potable, hors réservoir. Jus de fruit. Nous préférons utiliser les jus de fruit lyophilisés. À peu près tous les parfums se trouvent en supermarché. Vous ferez un stock inépuisable de ces jus de fruit pour un rapport poids/encombrement imbattable. Ils existent avec ou sans sucre. Le lait. Nous ne prévoyons à bord que du lait en poudre (gain de place et de poids) Nous prévoyons toujours un petit stock de vin en bouteille (12 bouteilles). Nous entourons les bouteilles de papier bulle, très bon amortisseur en cas de forte mer. Le vin en poche, nous l'avons testé, il ne se conserve pas au-delà de 4 mois. À moins que vous soyez amateur de vin à cuisiner ! Le riz, les pâtes, la farine, le lait en poudre, la semoule de blé, les lentilles, purée... sont retirés de leur emballage lorsqu'ils sont conditionnés en cartons ou en sacs plastiques non étanches à l'air. Nous utilisons des grandes bouteilles de 5 litres, celles-ci sont très pratiques pour conserver les féculents, le lait en poudre, les lentilles, les haricots secs... Les bidons protègent vos aliments de l'humidité. En vous débarrassant des emballages des épiceries vous n'embarquerez pas les indésirables charançons ou cafards. Le fait de les conditionner dans des bidons d'eau bien secs (!) isole les éventuels intrus. Nous avons eu un sac infecté qui avait échappé à notre vigilance. Il y avait des petites bêtes noires dans le fond du coffre, mais nos bidons sont restés sains. Quant aux pâtes, nous favorisons les coquillettes plus faciles à conditionner dans les bidons que les autres formes de pâtes. Pour la purée lyophilisée, lorsqu'elle est en sachet sous vide, nous ne gardons que ceux-ci et inscrivons au feutre le contenu. Tous, les féculents vendus en sachets plastiques sous vide sont gardés intacts. Bien souvent pour assurer un stockage parfait, nous les mettons dans des sacs de types "ziploc " de taille adaptée. L'huile. Nous avions acheté avant notre grand départ des bidons de 5 litres d'huile d'olive. Elle se conserve moins bien dans les bidons plastiques que dans les bidons d'aluminium. Surtout à partir du moment où ils sont ouverts. Nous nous passons de beurre ou de margarine. Pour les amateurs, le beurre se conserve longtemps au congélateur, ainsi que le fromage. A bord de L'Etoile de Lune; nous faisons tout afin d'assurer une autonomie plus grande en gaz (un an d'autonomie sur deux bouteilles de 13 kilos). Cette longévité est possible parce que nous avons choisi de nous limiter aux plats peu consommateurs de gaz. Nous ne faisons pas de gâteaux, pas de pizzas afin d'utiliser le four le moins possible. Pour satisfaire le besoin de féculents, nous embarquons néanmoins un large stock de biscottes, de petits toasts (appréciés à l'apéritif avec une petite conserve de pâté ou de mousse de poisson). Avant le départ, nous congelons un à deux mois de pain. Pour le petit déjeuner, le pain d'épice se conserve longtemps dans les fonds. Nous achetons également la farine à faire les blinis et crêpes épaisses (pancakes). Lorsque les stocks sont en bernes, ils ne demandent qu'une cuisson rapide à la poêle et ne nécessitent pas d'apport d'oeufs (fastidieux à conserver). Pour accompagner les petits déjeuners, les indispensables confitures, nutellas, sirop d'érable et beurre de cacahuète, sont prévus pour plusieurs mois. 7) Les conserves (cannages) et les lyophilisés. Les grands alliés des navigateurs sont ces deux produits. Ils ne sollicitent pas l'énergie du froid et se conservent très longtemps à bord. Partout vous trouverez des plats à votre goût. Avant le départ, testez les produits qu'offrent les épiceries autour de vous. Vous n'embarquerez ainsi que les marques que vous appréciez. Lyophilisés : Conserves et cannages : Pour vos salades du midi, vous aurez un grand choix de salades toutes prêtes, mais leur saveur n'est pas toujours au rendez-vous. Nous privilégions les salades que nous faisons nous-mêmes. Mélangeant au choix, maïs, haricots verts, petit pois, carotte, coeurs d'artichauts, coeurs de palmier, tomates en dés, thon, saumon, sardine... Les conserves vous viennent en aide à tout moment selon le goût et l'humeur. A bord, nous avons une autonomie de 4 à 5 mois sans aucun avitaillement. Remarque : n'oubliez pas le parmesan. Nous prenons soin de toujours avoir à bord, des aides énergétiques. En navigation pour éviter la fringale pendant les quarts, nous mangeons des barres de céréales. Nous embarquons aussi fruits secs, type dates, abricots, ananas, mais également des noix, sésame, noisettes et l'indispensable chocolat. Pour de très longues sorties du circuit de la civilisation, nous achetons aussi des complexes vitaminés. Ou de l'acérola, puissante vitamine C qui vous gardera en forme. 9) La question des légumes et des fruits (ce que nous appelons "le frais") Premièrement, tous les légumes et fruits sont rincés à l'eau claire en arrivant à bord (cfr la question sur les cafards déjà traitée). Ils sont séchés soigneusement avant le stockage pour éviter toute moisissure. Nous conservons les légumes et fruits selon leur type. Mais en général, plus on les conserve dans le noir mieux ils se portent. Il faut donc trouver un moyen pour les garder à l'abri de la lumière tout en laissant passer l'air qui empêchera l'humidité de s'incruster et de les faire moisir. 10) Le frais hors frigo : deux méthodes de conservation Le hamac à fruits Les coffres extérieurs sous le niveau de flottaison Une règle générale pour tous les légumes et les fruits sans exception. Ne les achetez pas lorsqu'ils ont été réfrigérés. Ce qui est le cas dans presque toutes les épiceries et centres commerciaux. Tout passage au frigidaire raccourcit leur temps de conservation ! Privilégiez vos achats au marché ou chez le producteur. Autre règle, les légumes et fruits que vous conservez au frigo ne devront pas être placés en contact direct avec la plaque réfrigérée, celle-ci les "cuit"! Vous embarquerez salades et poivrons pour de petites périodes d'autonomie ne dépassant pas 3 semaines. Par contre, ceux-ci ne tiennent pas longtemps et prennent de la place pour rien dans des périodes d'autonomie dépassant un mois. Nous remplaçons le stock de salade par un stock de chou blanc, rouge et vert. Le poivron, on le trouve en conserves (cannages) le concombre tient un peu plus longtemps, mais demande d'être mis au frigo, nous le boudons lorsque nous partons pour longtemps. La salade se conserve plus longtemps lorsqu'elle est achetée en racine (rare à trouver sur la Caraïbe). Par contre, lorsque vous achetez votre salade, coupez-lui la queue et frottez un citron vert sur la partie lisse du tronc central, cela la conservera au frigo plus longtemps. Les tomates supportent l'air libre non réfrigéré, à condition d'avoir été achetées vertes, qu'elles n'aient passé aucun séjour au frigo avant votre achat, et qu'elles soient conservées dans le noir absolu. Evitez de les conserver dans un coffre surchauffé, privilégiez un espace aéré. Choisissez de préférence les petites tomates ovales dites "olivettes" ou "italiennes" aux grosses tomates rondes. Ces dernières achetées vertes parfois ne murissent jamais et pourrissent vertes. Dans d'excellentes conditions, on peut garder les tomates italiennes 2 mois. Les dernières seront mises au frigo, de toute manière au bout d'un mois et demi, la place au frigo se fait de plus en plus grande. Nous les conservons alors dans des boîtes en plastique et prenons garde à ce qu'elles ne soient pas en contact direct avec la plaque réfrigérée. Les pommes (même si ce n'est pas typiquement un fruit tropical) se gardent longtemps (au-delà de deux mois voire 3 mois) dans le noir, sous la ligne de flottaison. Les pommes vertes ont la vie la plus longue. Évitez les grandes pommes rouges, elles ne tiennent pas du tout. Privilégiez les petites, types reines de reinettes, elles se gardent très bien. Les avocats même achetés verts ne tiennent pas au-delà de deux semaines, il en est de même pour les mangues. Contre toute attente l'ananas ne se conserve pas plus de deux semaines, voire moins (attention à lui couper la tête! et le rincer, car il véhicule en tas de petits intrus). La banane aime l'air libre, mais ne se conserve pas vraiment longtemps même verte. Si vous achetez un régime entier et vert, elles muriront quasiment toutes en même temps. Il vous faudra de l'imagination pour l'accommoder matin, midi et soir afin de ne pas en perdre. Voire à vous décider de faire du pain avec les dernières. (Quelle torture !) La pomme de terre. Bien qu'elle fasse facilement des racines et qu'elle ait tendance à ramollir, conservée dans le noir et sous la ligne de flottaison, elle se garde un mois voire un mois et demi. Les patates douces ne se conservent pas au-delà d'un mois. Melons, pastèques et autres fruits du même type tiendront plus longtemps dans les hamacs, ils n'aiment pas les coffres. Par contre, s'ils sont volumineux, à deux, il est parfois difficile d'en venir à bout en une journée, il faudra alors leur trouver de la place au frigidaire. 12) Le frais : Les champions de la longue conservation Les oignons : Prévoyez large en matière d'oignons, ils seront les derniers survivants de votre avitaillement. Nous en avons gardé plus de 6 mois. 13) Attention il ne suffit pas de stocker, il faut aussi gérer ! Faire de la soupe au chou dans les premiers jours peut être délectable, mais gâche toute votre stratégie d'autonomie. Si vous embarquez toutes ces provisions, veillez à les manger dans le bon ordre. Vous consommerez dans un premier temps salade, poivrons, cocombre, mangues, bananes au fur et à mesure de leur murissement. Vous passerez ensuite aux carottes et choux. Les tomates au rythme de leur murissement seront consommées. ... etc. Préférez pour une question de santé et d'autonomie manger tous les légumes crus en salade. Surveillez votre stock. Tous les trois jours, faites un tour dans votre coffre et isolez les fruits et légumes qui montrent des taches ou qui semblent plus mous. Si cela n'est pas fait à temps, tout fruit gâté contaminera ses voisins. 14) Les quantités pour 100 jours d'autonomie Remarque 1 : Remarque 2 : Remarque 3 : Autonomie pour 100 jours, liste non exhaustive Alimentaire, à congeler : Alimentaire, autres : Question conserve ou cannage, le nombre est incalculable. Produits ménagers A ne pas oublier. Petites fournitures et papeterie Pour la pêche Deux cas de figure, l'un concerne la gestion des poubelles en traversée océanique, l'autre pendant un séjour dans un archipel éloigné. Une règle générale est de faire le tri de vos déchets. Tous les déchets d'aliments régaleront les petits poissons. Si vous êtes au mouillage, attendez la nuit et veillez à ce que les courants ne ramènent pas vos pelures de citron sur la plage. Dans ce cas, décidez de les brûler. Quel que soit le programme, ce qui doit rester à bord : En traversée, loin de toute côte. Dans un archipel sans service de voirie. Vous y brûlerez tout ce qui disparaît par le feu. Nous en profitons pour nettoyer la plage et pour la débarrasser de tous ses déchets plastiques, chaussures échouées... Le verre sera amené sur un coin d'île où vous serez absolument certain que personne ne peut se rendre. Vous casserez les bouteilles sur un rocher immergé. Le verre coule et redevient de la silice. Si vous vous débrouillez bien, à la prochaine escale il ne devrait rester que les boîtes en fer et en aluminium, les bombes aérosol et tout ce qui est matériel électrique et piles. A vous à présent de faire vos expériences selon vos goûts et vos nécessités et de partir caboter dans les coins les plus reculés de la planète. Bon vent, belle mer... « Bon appétit » !
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Préparation au voyage – L'autonomie à bord – document de L'Etoile de Lune écrit par Nathalie Cathala en mars 2009 |